Cette année encore le Sénat ne devrait pas donner quitus au gouvernement pour les comptes de l’État. La commission des finances va en effet demander en séance la semaine prochaine le rejet du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2023, sur proposition du rapporteur général du budget Jean-François Husson (LR).
Déjà retoqué par les députés en début de semaine, le projet de loi devrait donc être définitivement rejeté par le Parlement le 22 octobre. Ce serait la troisième fois depuis 2022 que les parlementaires s’opposent à l’adoption d’une loi de réglementaire budgétaire. Le rejet de ce texte technique, servant à solder les comptes de l’année précédente, sera sans conséquence opérationnelle pour les comptes publics. Il s’agit surtout d’une nouvelle occasion symbolique pour une majorité de députés et de sénateurs de manifester leur désapprobation de la gestion budgétaire.
« Année noire » pour les finances publiques, selon les mots du président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, l’année 2023 s’est révélée très loin des prévisions initiales. À tel point que le Sénat a conduit une mission d’information au printemps pour faire la lumière sur ce dérapage. Le rapport avait dénoncé « l’imprudence » et la « rétention d’informations » du gouvernement. Sénateurs comme députés entendent relancer un cycle d’auditions pour faire la lumière sur la dégradation encore plus sévère des finances publiques en 2024, marquée par un gouffre de 100 milliards d’euros.
« Absence de maîtrise des comptes de l’État »
Malgré une prévision de croissance qui s’est avérée juste, et d’ailleurs supérieure à la moyenne des pays de la zone euro, le budget en 2023 s’est illustré par une « sortie de route », a résumé ce matin Jean-François Husson (LR), devant la commission des finances. Le déficit public s’est creusé à 173 milliards d’euros, à 5,5 % du PIB, loin des 5 % inscrits dans la loi de finances initiale adoptée fin 2022, et même des 4,9 % votés dans la loi de règlement en novembre 2023. Du jamais vu hors période de crise, selon la commission des finances du Sénat. « L’aggravation du déficit budgétaire de plus de 20 milliards d’euros par rapport à 2022 confirme l’absence de maîtrise des comptes de l’État », a fait savoir le rapporteur général.
Les deux volets du budget ont connu une trajectoire inquiétante. Les recettes de l’État ont diminué de 6,1 milliards d’euros entre 2022 et 2023, tous les grands impôts ont eu un rendement inférieur aux prévisions. Même difficultés sur le front des dépenses. Celles-ci ont augmenté de 1,9 milliard d’euros, « malgré le retrait de certains dispositifs d’urgence » (plan de relance ou encore plan d’urgence face à la crise sanitaire). « L’augmentation des dépenses s’est généralisée, sans lien avec la crise sanitaire », épingle le rapporteur général.
« L’héritage des années 2017 à 2023 accroîtra la difficulté à reprendre le contrôle des finances de l’État », met en garde le rapport. Un chiffre illustre d’ailleurs l’ampleur des difficultés : en 2023, la France a levé 270 milliards d’euros de dette à moyen et long terme.
La commission épingle pour finir les « modalités de gestion budgétaires d’exception », avec un écart de 22,2 milliards d’euros entre le niveau des budgets ouverts et les budgets réellement consommés, mais aussi le suivi de la performance budgétaire « bureaucratisé et largement inexploitable ».
Le projet de loi d’approbation des comptes de l’année 2023 doit être débattu le 22 octobre en séance publique. Les sénateurs examineront dans la foulée celui de l’approbation des comptes de la Sécurité sociale.