Mairie, FRANCE

Budget : les collectivités locales ponctionnées de 5,3 milliards en 2026, un chiffre qui ne passe pas au Sénat

Les économies demandées aux collectivités territoriales devraient passer de 2,2 milliards en 2025 à 5,3 milliards en 2026, selon le plan d’économie présenté par François Bayrou mardi 15 juillet. Un montant qui fait bondir aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique au Sénat. Chaque camp rappelle la part limitée des territoires dans le déficit et leur rôle prépondérant dans l’investissement public.
Romain David

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Les collectivités territoriales, bêtes noires du plan de redressement des finances publiques présenté par François Bayrou ? Sur les 43,8 milliards d’euros d’économie que le gouvernement entend réaliser sur le prochain budget, le Premier ministre propose de faire reposer 5,3 milliards sur les territoires, soit plus du double de l’effort qui leur a été demandé pour l’année 2025 (2,2 milliards). Un prélèvement jugé disproportionné par de nombreux élus au regard des nombreuses contraintes qui pèsent déjà sur les collectivités.

« Si beaucoup des annonces du Premier ministre correspondent aux efforts indispensables à réaliser, issues en grande partie des pistes du Sénat, un certain nombre d’entre elles demandent précisions et clarifications », a réagi Gérard Larcher, le président du Sénat, auprès du Parisien. Le deuxième personnage de l’Etat demande notamment au gouvernement de réduire la voilure sur le volet local.

« Il y a trois milliards de trop ! »

La semaine dernière, la majorité sénatoriale de droite et du centre a transmis à Bercy sa propre contribution en vue du prochain projet budget. Selon les élus, leurs propositions doivent permettre de dégager 30 à 50 milliards d’euros d’économies. Mais en ce qui concerne les collectivités territoriales – un sujet particulièrement sensible pour la « Chambre des territoires » – les sénateurs ont tenu à limiter la facture à deux milliards d’euros. « L’effort qui est demandé est vécu comme une provocation infamante. C’est un désaccord profond », déplore le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget, qui a piloté ce travail.

« Là, clairement, les 5,3 milliards d’euros, c’est beaucoup trop élevé pour nous ! », avertit Mathieu Darnaud, le chef de file des LR du Sénat, qui parle d’un risque « d’atonie dans les territoires ». « Il y a trois milliards de trop ! », abonde son collègue Stéphane Sautarel, spécialiste des finances locales. « Il y a un déséquilibre global si l’on compare avec les 5,5 milliards d’économies attendues sur les dépenses sociales, qui représentent pourtant la moitié de notre déficit. »

« La contribution qui sera demandée aux collectivités, c’est 13 % de l’effort global, soit moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s’élève à 17 % », a tenté de déminer le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, après la présentation de François Bayrou mardi. Un argument qui ne passe pas au Sénat : « Dans ce cas-là, je ferais valoir que les collectivités ne représentent que 9 % de la dette, et qu’il serait plus logique de s’appuyer sur ce ratio », relève Stéphane Sautarel.

« Que les collectivités territoriales participent à la mesure du pourcentage qu’elles représentent dans la dette française, pourquoi pas. Mais il n’y a pas plus de raisons pour toucher à la sphère sociale ou réduire les capacités de l’Etat », estime le socialiste Claude Raynal, président de la commission des Finances.

Freiner la progression des dépenses locales

Pour parvenir à 5,3 milliards d’économies, l’exécutif entend s’appuyer sur différents leviers. Tout d’abord, la reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités, appelé DILICO. Ironie du sort, ce mécanisme a justement été imaginé par le Sénat en 2025, pour une meilleure répartition du prélèvement fiscal que le gouvernement comptait initialement ponctionner sur les 450 plus grandes collectivités.

Il est également question de réduire le montant des dotations, « dans une année du cycle électoral où l’investissement local est habituellement moins fort », indique le gouvernement. Dans le même ordre d’idées, la part de TVA reversée pour compenser la suppression de la taxe d’habitation pourrait être gelée.

Enfin, le gouvernement entend limiter les dépenses locales, qui ne devront « pas progresser plus vite que les ressources de la Nation ». « Sur la philosophie générale, je suis plutôt en accord avec ce qui a été présenté, » commente le sénateur centriste Bernard Delcros, qui préside la délégation aux collectivités territoriales. « Sur le montant, en revanche, je pense que l’on est au-dessus de ce que l’on peut demander aux collectivités territoriales. J’attends de connaître la répartition détaillée de ce montant pour voir ce qu’il sera possible de baisser, ou même de supprimer. » Il ajoute : « Je serai particulièrement vigilant à ce que ni la dotation d’équipements des territoires ruraux (DETR), ni le Fonds National de Compensation pour les collectivités ayant au moins un agent titulaire à Temps Complet (FNCTC) ne soient supprimés ou fusionnés avec d’autres enveloppes. »

Les élus locaux haussent le ton

Les ministres de Bercy doivent continuer d’affiner ces propositions d’ici la présentation du projet de loi de finances, à l’automne, en concertation notamment avec les associations d’élus locaux. Dans la foulée des annonces de François Bayrou, ces dernières ont multiplié les communiqués pour faire connaître leur mécontentement. La puissante Association des maires de France (AMF) évoque « une nouvelle atteinte à la capacité d’investissement et d’action des collectivités ». « Nous demandons au Premier ministre de revoir sa copie et de ne pas persévérer dans cette clef de répartition : elle n’est ni juste, ni équilibrée, ni efficace pour le pays ! », avertit la socialiste Carole Delga, présidente de Régions de France.

« L’annonce de l’augmentation du DILICO et l’écrêtement de la TVA ne sont pas une solution. Les départements ont perdu 46 milliards d’euros de dotations depuis quinze ans », rappelle l’UDI François Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France. Une inquiétude particulière pèse depuis deux ans sur les départements qui ont vu leurs finances plonger, prise en étaux entre, d’un côté, l’augmentation de la dépense sociale, et de l’autre la baisse de rendement des droits de mutation (DMTO), dont ils tirent l’essentiel de leurs revenus, conséquence de la crise du logement.

Le gouvernement promet « un soutien exceptionnel de 300 millions d’euros apporté aux départements les plus en difficulté ». « Ce chiffre devra être expertisé pour voir si l’on est sur le bon montant. Il faudra travailler sur la manière dont il sera réparti, car il existe de très fortes disparités entre les territoires », souligne Bernard Delcros. « De manière générale, les départements devraient être préservés de toute participation à l’effort de redressement. »

Un risque pour l’investissement public

« Vous avez vu le ton des communiqués de presse des élus locaux ? », relève la sénatrice écologiste Ghislaine Senée. « Je n’avais jamais vu ça, ce qui démontre une réelle colère que le gouvernement aurait tout intérêt à entendre ». Cette élue redoute désormais de voir les économies annoncées se répercuter sur les capacités d’investissement des territoires, qui représentent 70 % de l’engagement public en France. « Ils sont les moteurs des transformations que nous devons engager pour répondre aux défis démographique et climatique », explique Ghislaine Senée. « Les élus des territoires sont en lien direct avec la population, ce sont eux qui assurent le peu de cohésion sociale qu’il nous reste. »

« Si on enlève aux collectivités leur capacité d’investissement, cela se traduira par une baisse de la croissance et, l’année suivante, nous allons devoir faire encore plus d’efforts », avertit Claude Raynal. « Les socialistes plaideront par la conservation d’une capacité importante d’investissement sur le terrain. » Son collègue Thierry Cozic va même plus loin, et demande que les collectivités soient « totalement épargnées » par ce plan d’économie. « On exige de leur part un effort qui dépend de choix politiques faits il y a huit ans, en les privant de leviers fiscaux. On ne parle que de dépenses, jamais des recettes », déplore-t-il.

Le volet collectivités promet d’intenses débats au Parlement cet automne. « Nous sommes dans une période de discussions, et nous aurons cette discussion au Sénat, comme nous l’aurons probablement à l’Assemblée nationale », a reconnu Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement, au sortir du Conseil des ministres ce mercredi. « Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est notre objectif global de 43,8 milliards d’euros d’économies. »

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