Le gouvernement se mobilise alors qu’un fonds d’investissement américain pourrait prendre le contrôle de la filiale de Sanofi qui produit le Doliprane. Une partie de la classe politique appelle Bercy à bloquer la cession. Ce dossier illustre à lui seul les difficultés de l’Etat pour permettre à la France de récupérer son autonomie stratégique en matière de médicaments.
Carburants : que font nos voisins européens, face à la flambée des prix ?
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La dernière trouvaille du gouvernement en France pour contrer l’augmenter des prix à la pompe n’enchante guère les acteurs du secteur. Ce mercredi, les principaux dirigeants de la grande distribution, tout comme TotalEnergies, ont fait savoir qu’ils refuseraient de revendre à perte le carburant. La fin de non-recevoir est brutale pour Matignon, qui pensait avoir trouvé un moyen de contenir l’inflation pétrolière, sans mettre en péril les finances publiques.
L’augmentation, ces dernières semaines, s’est répercutée partout en Europe. Le renchérissement du baril de pétrole, causé par la diminution de la production en Arabie saoudite et en Russie, s’est aussi conjugué avec le recul de l’euro face au dollar, la monnaie des transactions pour l’or noir.
Sur le continent, les signaux des prix s’emballent à nouveau, et chacun cherche des solutions. À ce stade, celles-ci s’avèrent moins spectaculaires que les remises observées l’an dernier. La France n’était pas la seule à mettre en œuvre des réductions pouvant atteindre 30 centimes. Tour d’horizon des décisions qui se dessinent en Europe en cette rentrée.
Pas de geste du gouvernement pour le moment en Belgique, pas plus qu’en Allemagne
Déjà touchés par l’un des taux d’inflation parmi les plus élevés de la zone euro l’an dernier, les Belges assistent inquiets à l’envolée des prix des carburants, comme leurs voisins français. Selon des données officielles, le prix du litre de diesel a dépassé la barre symbolique des deux euros la semaine dernière.
Pour l’heure, le gouvernement n’a pas encore prévu d’action, indique le grand quotidien Le Soir. Le sujet pourrait toutefois être « probablement » évoqué au cours du « conclave budgétaire » gouvernemental qui se tiendra début octobre, précise le journal.
Durant la dernière flambée des carburants, l’an dernier, le pays a mis en place un système nommé « cliquet » pour faire jouer à la hausse ou à la baisse, le niveau des accises sur les carburants, en fonction de l’évolution des cours. Les accises sont une taxe qui porte sur une quantité (un litre par exemple) et non sur une valeur.
En Allemagne, pas de réaction non plus. Outre-Rhin, le prix de l’essence file droit vers la barre des 2 euros, elle est au plus haut depuis novembre 2022. La puissante association automobile, l’ADAC, qualifie d’ailleurs les tarifs actuels de « clairement excessifs », peut-on lire dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour rappel, la remise sur les prix (35 centimes sur le litre d’essence et 17 centimes pour le diesel) n’avait duré que trois mois, le temps de l’été dernier. La période actuelle ne semble d’ailleurs pas propice à un allègement de la fiscalité, puisque l’an prochain la taxe carbone sur les transports doit augmenter.
Une part importante des députés néerlandais veut prolonger la réduction des taxes
Comme partout en Europe, le prix de l’essence bouscule l’agenda politique. C’est aussi le cas aux Pays-Bas, où la session parlementaire s’est ouverte ce mardi avec la présentation du budget. De nombreux partis souhaitent aborder la question à partir de ce mercredi, au cours du traditionnel débat annuel sur les principales orientations budgétaire et économiques. Selon la radio publique, une large majorité à la chambre basse veut annuler le retour à la normale des droits d’accise sur l’essence le 1er janvier. Le 1er avril 2022, les Pays-Bas avaient réduit temporairement de 21 % ces droits, afin de freiner la forte hausse des prix du carburant, lesquels ont largement dépassé les 2 euros par litre. Cette mesure est censée s’éteindre en deux temps : après le 1er juillet 2023, une deuxième étape est prévue pour le moment au 1er janvier 2024.
Il y a deux mois, le premier réajustement de la fiscalité avait eu pour conséquence de relever mécaniquement de 14 centimes le prix de l’essence, et de 10 pour celui du gazole. Dans le contexte actuel, de nombreuses formations redoutent les effets sur les ménages modestes, en cas de maintien du calendrier, qui aboutirait à renchérir de 21 centimes supplémentaires le prix au litre. « Si nous pouvons soulager un peu cette pression, ce serait une bonne chose pour moi », a notamment déclaré Sophie Hermans, la présidente du groupe VVD (centre droit), le premier groupe au sein de la chambre basse. La radio NOS note toutefois que nombre de parlementaires sont confrontés à un dilemme, entre soutenir le pouvoir d’achat, d’un côté, et éviter de soutenir les énergies fossiles, de l’autre. L’enjeu est aussi budgétaire, puisque la prolongation en 2023 a coûté plus d’un milliard d’euros.
Au Royaume-Uni, les distributeurs pointés du doigt
Outre-Manche, les temps sont également durs pour les automobilistes, où les prix à la pompe ont atteint en moyenne leur plus haut niveau depuis décembre 2022 (à près de 1,6 livre sterling). Pas de geste fiscal à l’horizon contrairement à l’an dernier. En mars 2022, le gouvernement avait mis en place une réduction de 5 centimes par litre de la taxe sur les carburants, pour une durée de douze mois. La chute éclair du gouvernement Liz Truss à l’automne dernier, dont la politique économique a été sanctionnée par les marchés financiers, incite désormais le Ten Downing Street à la prudence.
Depuis des semaines, les hypermarchés et les stations-services sont dans le collimateur des autorités et du public. La Royal Automobile Club (RAC), une entreprise de services aux automobilistes, a récemment accusé les détaillants de réaliser des marges « plus importantes que d’habitude ».
En juillet, le secrétaire d’Etat à la Sécurité énergétique, Grant Shapps (conservateur) s’est entretenu avec les détaillants pour leur demander de « cesser immédiatement les surfacturations ». « Trop c’est trop », leur a-t-il signifié.
Ces derniers mois, la Competition and Markets Authority (CMA), l’équivalent de notre Autorité de la concurrence, a décidé de mener une enquête sur les prix à la pompe. L’instance de régulation a par ailleurs poussé les stations d’être plus transparentes sur la formation de leurs prix.
Un affichage obligatoire en Italie
La recherche de la transparence est également un levier actionné en Italie, dans l’espoir de diminuer les progressions spéculatives des prix. Une obligation pour les stations-service d’afficher les prix moyens de l’essence et du diesel, à côté de leurs propres prix, est entrée en vigueur au mois d’août. L’autorité chargée du contrôle des prix a estimé que la hausse des prix n’était pas provoquée par un mouvement spéculatif mais qu’elle suivait la tendance internationale, rapporte l’agence Ansa.
Cette fois, le palais Chigi ne devrait pas actionner une diminution des taxes, comme il l’a activé dans le passé. Le gouvernement pourrait, cette fois, verser un « bonus essence » de 80 euros à 1,3 million de familles modestes (revenu en dessous de 15 000 euros), révèlent plusieurs médias.
Maintien d’une fiscalité abaissée au Portugal, des interrogations sur la suite
Au Portugal, la pression s’intensifie sur le gouvernement. En une semaine, le tarif du litre de diesel à la pompe a grimpé de six centimes, l’une des plus fortes hausses de ces derniers mois. Le prix est même plus élevé que dans les stations espagnoles.
En marge d’un sommet européen, le ministre des Finances Fernando Medina (socialiste) a indiqué à la presse, qu’en raison des récentes hausses des cours, le gouvernement surveillait la situation de près et qu’il était disposé à agir pour protéger les familles, si cela s’avérait « absolument nécessaire ». Le ministère semble vouloir temporiser, afin de voir si les prix vont durablement rester à ce niveau ou s’il s’agit d’un pic temporaire.
En août, le gouvernement avait décidé de maintenir sa réduction sur la taxe sur les produits pétroliers (13,1 centimes sur le litre de diesel, et 15,3 sur le litre de pétrole).
Le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa (indépendant, issu du centre droit) s’est dit, de son côté, convaincu que le gouvernement était « conscient du problème » et que ce dernier préparait « certainement des mesures, ou au moins des moyens d’atténuer la situation ». Comme dans d’autres capitales, l’heure est à l’attentisme.