Ceta : les opposants au Sénat crient au « scandale », après l’absence de transmission du texte à l’Assemblée

Ceta : les opposants au Sénat crient au « scandale », après l’absence de transmission du texte à l’Assemblée

Le gouvernement annonce que le projet de loi de ratification de l’accord commercial UE-Canada ne sera pas transmis avant les élections européennes, empêchant ainsi les députés communistes de provoquer son examen fin mai. Les principaux opposants du Ceta au Sénat dénoncent un « déni » du Parlement.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Coup d’arrêt dans la navette parlementaire du Ceta. Le projet de loi de ratification, rejeté au Sénat le 21 mars, ne retournera pas dans l’immédiat à l’Assemblée nationale. Les députés communistes voulaient user de la même ruse parlementaire que leurs homologues du Sénat, en inscrivant le texte à l’ordre du jour de leur journée réservée, le 30 mai, dans l’espoir de mettre en échec une nouvelle fois le traité économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada, en application provisoire depuis 2017.

« L’Assemblée nationale aura de nouveau à se prononcer sur la ratification de l’accord. Le projet de loi sera transmis le moment venu, mais pas avant les élections européennes, car ce sujet nécessite un temps de débat apaisé », a déclaré au Figaro Franck Riester. Le ministre délégué au Commerce extérieur refuse que « certains groupes d’opposition instrumentalisent ce débat légitime à des fins électoralistes ».

Le gouvernement demeure maître de ses projets de loi

Même s’il a été examiné dans un espace réservé aux parlementaires dans l’agenda, le projet de loi de ratification reste en effet une initiative du gouvernement. Et à ce titre, c’est au gouvernement que revient la faculté de déposer le texte sur le bureau de l’Assemblée nationale. « Le gouvernement demeurant maître de ses projets d’un bout à l’autre de la procédure législative, c’est à lui qu’il appartient de les transmettre (avec, le cas échéant, la faculté de ne pas les transmettre, ce qui revient, en pratique, à enterrer le texte) », expliquaient les services du Sénat dans un recueil de fiches pédagogiques en 2008.

Temporisant encore pour éviter un nouveau vote à haut risque, l’exécutif souhaite mettre à profit les prochains mois pour continuer de convaincre du bien-fondé du Ceta dans les échanges commerciaux franco-canadiens. Franc Riester attend rappelle notamment que la Commission européenne va livrer, « d’ici 2025 », une évaluation de l’impact économique, social et environnemental du Ceta. Matignon souhaite par ailleurs lancer dans les prochains jours une mission parlementaire sur le sujet de la réciprocité des normes de production, les fameuses clauses miroirs. « Cela va permettre à toutes les instances qui approfondissent le sujet, de redonner tous les tenants et aboutissants, les chiffres, les impacts concrets », explique un conseiller ministériel.

« Une mission parlementaire, à part gagner du temps, ne sert pas à grand-chose »

Ce nouveau rebondissement fait grincer dans les rangs des sénateurs opposés à la ratification. « Malheureusement, c’est sans surprise de la part d’un gouvernement qui, depuis le début, n’a pas joué la carte du débat démocratique », commente Cécile Cukierman, la présidente du groupe communiste au Sénat. Après quatre ans et demi d’attentes, son groupe a finalement forcé la main du gouvernement en inscrivant en février le projet de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. « On est dans une situation assumée pleinement par la majorité présidentielle de s’assoir sur la consultation parlementaire, représentant des citoyens et des territoires ».

« Le ministre persiste et signe », s’agace également Laurent Duplomb (LR), l’un des autres fers de lance des opposants au Ceta. « Il persiste sur la même logique de passer par-dessus le Parlement, comme il l’a fait depuis 5 ans. Et il signe, car une mission parlementaire pour le suivi des mesures miroirs, à part à avoir l’objectif de repousser encore le délai et gagner du temps, ne sert pas à grand-chose, sauf à confirmer ce que disait la Commission européenne », estime le sénateur, éleveur de profession. Dans son rapport, le sénateur de la Haute-Loire invoquait deux audits de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, qui mettaient en évidence des « lacunes » dans le contrôle des normes applicables à la viande produite au Canada.

« Le gouvernement ne voulait pas en faire un sujet pour les européennes, il est en train de faire l’inverse »

Chef de file des socialistes sur le projet de loi de ratification, Didier Marie se scandalise du choix du gouvernement de ne pas avoir transmis rapidement le texte. « Là, on est dans le déni total du Parlement et de la démocratie. C’est proprement intolérable. J’espère que le gouvernement va se ressaisir et permettre au texte de poursuivre sa route, car dénuer au Parlement la possibilité de ratifier un accord, alors qu’elle est prévue depuis l’origine, c’est scandaleux », dénonce le sénateur de Seine-Maritime. Le socialiste voit également d’un mauvais œil l’annonce d’une mission parlementaire par le Premier ministre. « C’est une mission d’enfumage pour essayer d’étouffer l’affaire », estime-t-il.

À l’Assemblée nationale, le groupe des députés communistes a été contraint de revoir ses plans. Dénonçant une « entrave » à la navette parlementaire, ils entendent néanmoins faire pression sur le gouvernement le 30 mai, en mettant aux voix une « proposition pour contraindre le gouvernement à poursuivre le processus démocratique ».

À dix jours des européennes, le sujet sera donc bien débattu, même sous une forme différente, dans l’hémicycle. « Le gouvernement ne voulait pas en faire un sujet pour les européennes, il est en train de faire l’inverse », sourit le socialiste Didier Marie.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Ceta : les opposants au Sénat crient au « scandale », après l’absence de transmission du texte à l’Assemblée
3min

Économie

Franck Dhersin, sénateur Union Centriste du Nord différencie le « chômage choisi de certains jeunes » et le chômage « subi » chez les plus de 55 ans 

Un an à peine après la précédente, le gouvernement prévoit déjà une nouvelle réforme de l’assurance chômage, et fixera lui-même de nouvelles règles d’indemnisation, à priori plus restrictives, à partir du 1er juillet. Comment les chômeurs reçoivent-ils ce nouveau tour de vis ? Ce dernier est-il souhaitable et justifié ? Interpellé dans l’émission « Dialogue Citoyen » par Sandrine Houssaye, une chômeuse de 60 ans arrivant en fin de droits, le sénateur Union Centriste du Nord, Franck Dhersin, estime qu’il faut différencier les jeunes qui, pour certains, « choisissent » leur inactivité et les plus de 55 ans qui la « subissent ».

Le

Fitch Ratings downgraded US long-term debt
7min

Économie

La France sur le grill des agences de notation : on vous explique comment ça marche

Standard & Poor’s, Fitch, Moody’s… Ces agences notent régulièrement les Etats pour évaluer leur capacité à rembourser leur dette. Comment fonctionnent-elles, que signifient les notes qu’elles donnent et quelles conséquences ces notes peuvent avoir sur la santé économique de notre pays ? Public Sénat fait le point.

Le

BERCY – Presentation du Plan de Simplification
7min

Économie

Feuille de paie, TPE-PME, dématérialisation : Bruno Le Maire présente ses pistes pour éviter la « paperasse »

Après Gabriel Attal ce mardi, qui a annoncé à Sceaux, une simplification des démarches, ainsi que le développement de l’intelligence artificielle dans les services de l’Etat, le ministre de l’Economie a présenté ce mercredi, les grandes lignes du projet de loi « Simplification ». Un serpent de mer des derniers gouvernements, que François Hollande avait voulu comme une des priorités de son quinquennat, via le « choc de simplification ». « C’est compliqué de simplifier », avait alors reconnu l’ancien locataire de l’Elysée, le 23 mars 2017, devant la presse.

Le

Paris, Senat, Jardin du Luxembourg
5min

Économie

[DOCUMENT] Des sénateurs centristes attaquent le décret d’annulation de 10 milliards d’euros d’économies devant le Conseil d’Etat

La sénatrice Nathalie Goulet et trois de ses collègues de la commission des finances déposent un recours devant la plus haute juridiction administrative du pays, dans le but d’obtenir l’annulation du décret budgétaire de février et de provoquer le dépôt d’un budget rectificatif. Ils estiment que le principe de sincérité budgétaire n’a pas été respecté et pointent également un vice de procédure.

Le