Colère des agriculteurs : FNSEA, JA, Coordination rurale… Qui sont les syndicats agricoles ?

Colère des agriculteurs : FNSEA, JA, Coordination rurale… Qui sont les syndicats agricoles ?

FNSEA, JA, Coordination rurale, Conférence paysanne : depuis la mi-janvier, les principaux syndicats d’agriculteurs sont en première ligne de la crise, et portent le mouvement de colère de toute une profession. Chaque organisation a son histoire, ses propres sensibilités et les revendications se recoupent en partie. Tout d’horizon.
Guillaume Jacquot

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La colère qui traverse les campagnes est multiforme. Dans cette crise, les syndicats agricoles sont un échelon essentiel entre les manifestants et les pouvoirs publics, gouvernement et préfets. Chacun a son style, ses demandes, son parcours. Petit tour de présentation des acteurs qui se sont greffés à un mouvement parti du terrain, à un an des élections professionnelles en 2025.

La FNSEA, le syndicat majoritaire et dominant

Fondée en 1946, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) revendique 212 000 adhérents, dans près de 20 000 syndicats locaux, mais aussi le soutien de 31 associations spécialisées représentatives de chaque filière. La FNSEA a réuni avec les Jeunes Agricultures, avec lesquels elle faisait liste commune, 55,31 % des voix lors des dernières élections professionnelles des chambres d’agriculture en 2019. Un réseau d’institutions essentiel, puisqu’elles contribuent au développement des exploitations, assurent une fonction de conseil et de formation.

De scrutin en scrutin, son hégémonie se maintient. « Comment l’expliquer ? C’est sa capacité à avoir toujours fait coexister des intérêts divergents », explique l’historien Édouard Lynch, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Lumière-Lyon II, et chercheur au Laboratoire d’études rurales.

Depuis des décennies, la FNSEA est l’interlocuteur privilégié des gouvernements, et se veut « crédible et exigeant », comme on peut le lire sur son site Internet. Son poids en fait un acteur incontournable. « Elle est au cœur de la cogestion mise en place dans les années 70 », rappelle Édouard Lynch. Une relation de proximité entre l’État la Fédération qui a dessiné les politiques publiques agricoles et plus généralement le modèle de production français d’après-guerre.

Céréalier à la tête de grandes cultures en Seine-et-Marne, ancien courtier mais aussi élu local, Arnaud Rousseau est à la tête du puissant syndical depuis avril 2023, après en avoir été le vice-président pendant trois ans, en charge du dossier sensible de répartition des fonds de la PAC. Patron du géant des huiles Avril, il a succédé à l’éleveuse de porcs Christiane Lambert. Lors de sa prise de fonctions, il s’est notamment fixé comme objectif que les Français « continuent à avoir une alimentation produite en France ». Arnaud Rousseau avait été reçu dès le lundi 22 janvier à Matignon, pour y porter les doléances de ses adhérents : 120 demandes dont une vingtaine jugée prioritaire. Entre levée de contraintes administratives et environnementales, versement des aides de la PAC ou encore demandes d’appui financier pour les secteurs balayés par des crises, ses demandes ont été en partie entendues par le Premier ministre. Le mot de l’ordre est de poursuivre la mobilisation. Aurélien Rousseau estime que « beaucoup de choses n’ont pas été abordées ».

Les Jeunes agriculteurs, dans l’ombre de la FNSEA

Créé en 1957, le syndicat représente les agriculteurs de moins de 38 ans, et porte à ce titre des sujets plus spécifiques à la jeunesse du secteur, comme le renouvellement des générations et les problématiques liées à l’installation. L’accès au foncier en est un exemple. Son réseau compte 50 000 adhérents.

Comme en témoignent les listes d’union aux élections professionnelles, les JA sont proches des positions de la FNSEA, bien qu’autonomes. Dans la crise actuelle, l’éleveur de vaches laitières Arnaud Gaillot, leur président, est souvent apparu aux côtés d’Arnaud Rousseau. La présidence des JA est également un tremplin pour intégrer la direction de la FNSEA. Dernier exemple en date : celui de Christiane Lambert.

La Coordination rurale, et ses actions coups de poing

Derrière l’union majoritaire FNSEA-JA, d’autres formes de syndicalisme se sont imposées à la fin du siècle dernier. Parmi elles : la Coordination rurale, deuxième syndicat en termes de poids numérique. Celle-ci a réuni 21,5 % des voix aux dernières élections professionnelles, il y a 5 ans, et compte environ 15 000 membres. Elle est majoritaire dans trois chambres d’agriculture : la Vienne, la Haute-Vienne, le Lot-et-Garonne. Elle est née dans le Gers en 1991, lorsque germe une contestation vis-à-vis de la renégociation de la PAC de 1992 et des choix de la FNSEA. « On la présente souvent comme une scission droitière de la FNSEA. La Coordination rurale se place sur une position anti-administration, anti-étatique », résume l’historien Édouard Lynch. Les traités de libre-échange sont dans son collimateur, elle qui défend une « exception agriculturelle ». Sa présidente, Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière en bio dans le Finistère a fait des prix rémunérateurs « viables » son principal combat.

La CR se caractérise par des opérations coups de poing. Une vraie marque de fabrique. Déjà en 1992, le jeune mouvement avait appelé au « blocus de Paris » pour dire non à la réforme de la PAC. Ces derniers jours, ce sont des actions spectaculaires dans le Lot-et-Garonne qui ont inondé les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux. Entrée de la préfecture à Agen transformée en décharge, un supermarché du département pris pour cible : les membres de la CR47 ont fait du département l’épicentre du mouvement. Autre coup médiatique visible : les bonnets jaunes, couleur de la CR, souvent flanqués de ses initiatives CR, sont devenus le symbole de la colère des agriculteurs.

Le 23 janvier, le syndicat a été reçu à Matignon, au lendemain de l’entrevue avec la FNSEA et les JA. Si ses porte-parole avaient salué un « échange constructif », ils ont néanmoins appelé « tous les agriculteurs » à les rejoindre sur les points de blocage des manifestations.

La Confédération paysanne, et la dimension écologique

Fondée en 1987, avec José Bové parmi les secrétaires nationaux, la Confédération paysanne se situe sur un positionnement à gauche et altermondialiste. Elle a obtenu tout juste 20 % aux élections professionnelles de 2019. Défendant une autre approche de l’agriculture, opposée à « l’agrobusiness », elle dit combattre « un modèle agricole qui conduit à la domination économique de quelques structures hyperproductives et hyperconcentrées ». Sa porte-parole, Laurence Marandola, une éleveuse de lamas en Ariège, a aussi été reçue par Gabriel Attal le 23.

La « Conf’ » est restée longtemps en retrait, avant d’appeler finalement à se « mobiliser » le 24 janvier en faveur d’un « revenu digne » et d’une rupture avec le libre-échange. Impossible de faire l’impasse sur cette question centrale pour cette organisation aux 10 000 membres. En revanche, la Confédération paysanne sera par nature beaucoup gênée par les concessions du gouvernement sur les assouplissements normatifs, notamment en matière de droit de l’environnement. « La simplification est indispensable mais l’absence de normes, ce n’est pas possible », martelait la semaine dernière Laurence Marandola.

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