Covid-19 : « Il y avait un côté open bar » dans les aides publiques versées aux grandes entreprises, affirme le journaliste Olivier Petitjean

Cinq ans après le Covid-19, la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques versées aux grandes entreprises a auditionné l’économiste Maxime Combes et le journaliste Olivier Petitjean, auteurs de « Un pognon de dingue mais pour qui ? L'argent magique de la pandémie », pour interroger l’efficacité et le contrôle des subventions en période de crise.
Clarisse Guibert

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Des « abus », des « effets d’aubaine »… L’économiste Maxime Combes et le journaliste et coordinateur de l’Observatoire des multinationales Olivier Petitjean ont répondu aux questions des sénateurs pour « établir le coût global des aides » et « identifier les moyens identifiés pour en assurer le suivi », selon les objectifs de la commission d’enquête « sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants » lancée depuis le début d’année à la Chambre haute.

Un contexte d’augmentation et de diversification des aides publiques en France

De quelles aides parlons-nous ? Dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19, l’Etat a lancé un « Plan d’urgence » au mois de mars 2020, permettant aux entreprises de bénéficier de subventions, d’exonérations de cotisations sociales, ou encore de prêts garantis par l’Etat. Selon une note de la Cour des comptes de juillet 2023, le « montant total des soutiens de l’État pour permettre aux entreprises de surmonter la crise sanitaire s’élève à 249,7 milliards d’euros ».

« Le sujet que l’on pointe du doigt est plus profond », prévient le journaliste Olivier Petitjean. En effet, les plans d’aides aux grandes entreprises élaborées en période de crise, et notamment celle de la crise sanitaire de 2020, s’inscrit dans un contexte « d’augmentation » et de « multiplication des formes d’aides » depuis une trentaine d’années, affirme-t-il devant les sénateurs. C’est une « spécificité » française, celle d’activer les aides publiques aux entreprises comme « levier de compétitivité » et d’attractivité vis-à-vis des investisseurs, précise le journaliste.

« Aucun pilote dans l’avion » pour contrôler ces aides, s’inquiète l’économiste Maxime Combes

La question de l’efficacité et du contrôle des aides versées dans un contexte d’urgence se pose alors pour les parlementaires. Mais il n’y a aucun « service dédié au suivi, à l’évaluation, et au contrôle effectif, à Bercy ou ailleurs, des aides publiques » en France, selon les auditionnés. Confrontés à ce « souci de transparence », le journaliste et l’économiste ont travaillé à partir de la presse régionale et des sections syndicales, dans un objectif de « traçabilité des aides » et d’identification de potentiels abus du fait du « côté open bar » de ces aides, selon les mots d’Olivier Petitjean.

D’après leurs chiffres, 100% des entreprises du CAC 40 ont bénéficié « d’au moins un dispositif d’aide » publique. Paradoxalement, 60% des entreprises qui ont touché un dispositif d’aide aux salaires ont également versé des dividendes à leurs actionnaires, selon l’économiste Maxime Combes. Et ces aides n’auraient pas « généré massivement d’investissements », pour les entreprises du CAC 40, au sein duquel il y a même eu « 60 000 suppressions d’emplois, dont 30 000 en France ».

« Il n’y a aucun obstacle technique » à rendre plus transparent le suivi des aides publiques aux grandes entreprises, estime Olivier Petitjean 

Pour remédier au manque de contrôle, les sénateurs ont interrogé les auteurs du livre « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie », sur les pistes à suivre. Pour le journaliste Olivier Petitjean, il n’y a « aucun obstacle technique » à plus de transparence des aides versées. La solution serait alors politique. Pour l’économiste Maxime Combes, il y a une absence « manifeste et terrible » de « volonté politique depuis 25 ans », comme si le secteur privé n’avait « aucun compte à rendre », selon ses mots. Ce dernier plaide pour une « remise à plat de tous les dispositifs » via une « conférence de financement global de l’économie française ».

Le rapporteur et sénateur communiste Fabien Gay a évoqué la possibilité de « passer par la loi » à la fin des travaux de la commission d’enquête, au mois de juillet. En attendant, les sénateurs poursuivent les auditions ce mardi 11 et jeudi 13 février.

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