Agriculture biologique

Crise du bio : quel avenir pour la filière ?  

Mercredi 18 octobre s’est tenue au Sénat une table ronde sur l’avenir de la filière bio. L’occasion pour des sénateurs et deux représentants de la filière, Laure Verdeau et Christophe Comburet, de dresser un état des lieux de la crise que connait celle-ci et d’échanger sur les manières d’accompagner et d’encourager la consommation de produits bio.
Ella Couet

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Une crise de la consommation

6 %, c’est la part du bio dans la consommation des ménages, un chiffre en forte baisse par rapport à ces dernières années. C’est d’ailleurs un chiffre qui nous « met au niveau des Etats-Unis », remarque Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, groupement d’intérêt public placé sous la tutelle du ministère de l’agriculture. Aux côtés de Christophe Comburet, président du syndicat d’agriculteurs bio FNAB, elle réitère un constat qu’ils ne sont pas les premiers à faire : le secteur du bio traverse une crise, liée à une importante baisse de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique depuis plusieurs mois. Ce recul est particulièrement fort sur les viandes, traiteurs, produits de la mer et sur les fruits et légumes. 2023 pourrait bien être « l’année du recul » pour le bio français, affirme Philippe Comburet.

Cette crise s’explique d’abord par l’inflation généralisée des prix qui s’applique aux produits alimentaires depuis de nombreux mois, faisant baisser le pouvoir d’achat des Français. Cette inflation est relativisée par la directrice de l’Agence bio, qui explique que « l’inflation est quatre fois moins élevée en bio ». Une hausse des prix relativement faible qui s’explique par un niveau des prix initial déjà élevé pour les produits bio. « La consommation de bio à domicile n’est pas accessible pour un grand nombre de ménages », résume le sénateur socialiste Serge Mérillou. Une position que ne partage pas Laure Verdeau, pour qui la consommation de produits bio est accessible à tous et est davantage une question « d’éducation ».

Les objectifs européens de 18 % des surfaces cultivées en agriculture biologique d’ici 2027, fixés par la PAC, pourraient avoir du mal à être atteints. Pour le président de la FNAB, il existe cependant un consensus parmi tous les syndicats autour du maintien de ces objectifs, et de la nécessité de tout mettre en œuvre pour essayer de les atteindre. Il critique cependant les politiques publiques du bio qui auraient fait le « choix de laisser le marché gérer le développement du bio français », qui aurait conduit à l’impasse dans laquelle se trouve actuellement la filière. Il dénonce également que le déclassement des produits bio ne donne pas lieu au versement de plus d’aides publiques aux agriculteurs concernés. « Jamais, dans une autre filière, on ne laisserait les productrices et les producteurs prendre sur leur propre trésorerie 30 à 40 % », dénonce-t-il.

Un label parfois opaque pour les consommateurs

La demande insuffisante de produits bio par les consommateurs pourrait également être due au fait que le label n’est pas toujours entièrement compréhensible par les consommateurs, qui ne savent pas toujours ce que signifie cette étiquette. Face à une multiplication des sigles censés établir la qualité des produits, le paysage des labels devient parfois illisible. La directrice de l’Agence bio déplore le fait qu’il soit parfois impossible pour les consommateurs de différencier les certifications d’Etat, comme le bio, d’autres labels non officiels. « Ils pensent que c’est du marketing », explique Laure Verdeau. « C’est un peu comme si vous refusiez de vous faire soigner par un médecin diplômé d’Etat sous prétexte que c’est du marketing. »

La directrice dénonce aussi une opposition fréquente entre bio et local, qui doit être contredite, car les deux ne sont pas incompatibles et se rejoignent souvent. Le local bénéficie d’un grand enthousiasme chez les consommateurs malgré l’inflation, contrairement au bio qui voit ses ventes décroître. « La seule chose qui permet de faire consentir à surpayer un produit, aujourd’hui, c’est le bleu blanc rouge », explique-t-elle. Interrogée sur la question des pesticides, qui seraient utilisés par l’agriculture bio et seraient à l’origine du manque de confiance dans le label, par le sénateur Laurent Duplomb, elle rappelle également que sur 455 substances chimiques autorisées en Europe, le bio n’en utilise que 47, dont le cuivre, qu’elle cherche à éliminer de la liste.

Quelles pistes pour augmenter la consommation de bio ?

La loi EGAlim 2, qui « fixe les principes d’une alimentation saine, sûre et durable » depuis 2021, impose à la restauration collective publique, soit principalement les cantines scolaires, de proposer au moins 20 % de produits bio dans leurs menus. Pour les intervenants de la table ronde, il est nécessaire d’exiger une part de bio dans tous types de lieux de restauration. Dans les cantines scolaires donc, mais aussi dans l’aide alimentaire et dans la formation du CAP cuisine, afin de sensibiliser les cuisiniers de demain. Laure Verdeau lance même une pique au Sénat en remarquant que la carte du restaurant du palais du Luxembourg ne propose pas de produits bio. Certains lieux de restauration expérimentent déjà de nouvelles manières d’élaborer leurs menus et de sélectionner leurs produits. C’est le cas des cantines de plusieurs collèges de Dordogne, comme l’explique le sénateur du département Serge Mérillou, qui a effectué la transition de plusieurs de ses collèges vers le 100 % bio.

Pour l’Agence bio, la relance de la filière doit s’appuyer sur des campagnes de publicité, qui ont démontré leur efficacité par le passé. La dernière en date, articulée autour du slogan « Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe », aurait eu pour effet une hausse de 5 % sur la consommation de bio quasiment immédiate. « Il faut redonner envie de bio. », estime Laure Verdeau.

Une crise des emplois, mais le métier reste attractif

La filière du bio est aussi confrontée aux nombreux départs à la retraite d’agriculteurs, qui devraient s’intensifier dans les années à venir. L’Agence bio anticipe 100 000 départs à venir, soit toute « une nouvelle génération » à remplacer. Mais le métier d’agriculteur bio ne subit pas une crise d’attractivité trop radicale, d’après sa directrice. De nombreux agriculteurs et agricultrices souhaiteraient « passer en bio », dont la quasi-totalité des « NIMA », les non issus du milieu agricole. La France reste par ailleurs championne du bio en termes de surface cultivée, et une très grande partie de la production de bio est consommée sur le territoire national, contrairement à plusieurs de ses voisins européens. La relance de la filière bio constitue donc bel et bien un enjeu de souveraineté économique.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Crise du bio : quel avenir pour la filière ?  
3min

Économie

Logement : le Sénat vote le retour du prêt à taux zéro sur tout le territoire

« L’année dernière, nous avons envoyé un très très mauvais message aux habitants des territoires ruraux », dénonce le sénateur centriste Bernard Delcros. Un mauvais message que le Sénat a corrigé ce 29 novembre, dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances. Grâce au vote d’une dizaine d’amendements venus de tous les groupes politiques, la chambre haute a adopté le retour du prêt à taux zéro (PTZ) sur l’ensemble du territoire. Il y a un an, les conditions d’accès au PTZ, qui aide les primo-accédants dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond à financer leur premier achat immobilier, avaient au contraire été restreintes. Dans les zones dites « tendues », seulement 1 800 communes en France, le dispositif était réservé à la construction de logements neufs. Partout ailleurs sur le territoire, dans les zones « détendues », il n’était accordé que pour l’achat de logements anciens et en contrepartie de lourds travaux de rénovation énergétique. « Le dispositif du PTZ est de plus en plus en difficulté » Un resserrement des conditions d’accès qui avait mécaniquement entrainé une chute du recours à cette aide, déplore la sénatrice communiste Marianne Margaté : « Le dispositif du PTZ est de plus en plus en difficulté. En 2024, seuls 40 000 prêts devraient être accordés, contre 124 000 en 2017, c’est le plus bas niveau depuis la création du dispositif en 1995. » Pour l’ensemble des sénateurs, un retour aux conditions d’accès d’origine semble ainsi essentiel. « C’est un sujet important dans le contexte d’une crise du logement que de permettre à l’ensemble de nos concitoyens qui souhaitent accéder à la propriété de pouvoir le faire. C’est d’autant plus important aujourd’hui, alors que les taux de crédits immobiliers s’établissent à plus de 3 % », souligne le président du groupe Les Républicains Mathieu Darnaud. Le Sénat va plus loin que la proposition du gouvernement, en étendant le PTZ à l’achat de logements anciens L’adoption de cette mesure n’est pas une surprise. Dès son arrivée à Matignon, à l’occasion de son discours de politique générale, Michel Barnier avait déjà annoncé son souhait d’étendre de nouveau le PTZ sur tout le territoire, sans pour autant préciser les modalités exactes de cette mesure. Les amendements adoptés par le Sénat, qui rétablissent le dispositif d’origine, ne correspondent toutefois pas exactement à la position que défend le gouvernement sur le sujet. De son côté, le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin a en effet proposé de rétablir le PTZ sur tout le territoire uniquement pour la construction de logements neufs et non pour la rénovation. « Cette année, la priorité est mise sur la nécessité de booster la construction du neuf », justifie-t-il. Une position que la chambre haute ne partage pas. La commission des finances a d’ailleurs demandé au ministre de retirer son amendement. « Je pense que la rénovation dans l’ancien présente de vrais intérêts, notamment parce qu’elle s’inscrit dans un objectif de sobriété foncière », défend le sénateur Les Républicains et rapporteur général de la commission Jean-François Husson.

Le

« J’ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité » : pourquoi l’annonce de Michel Barnier est en partie inexacte
3min

Économie

« J’ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité » : pourquoi l’annonce de Michel Barnier est en partie inexacte

Le Premier ministre a fait une concession aux oppositions jeudi, notamment au Rassemblement national qui menace de voter une motion de censure. Michel Barnier consent finalement à une baisse plus importante que prévu des factures en février, mais ce qui ne veut pas dire que le gouvernement renonce à toute hausse de la fiscalité sur l’électricité, actée depuis un an.

Le

La sélection de la rédaction