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Crise du logement : quelles pistes pour relancer le secteur ?

Le gouvernement a décidé d’assouplir les conditions d’octroi d’un prêt immobilier, alors que l’accès au marché est de plus en plus difficile. L’exécutif est sous le feu des critiques face à la crise du logement, deux projets de loi sont attendus en 2024.
Romain David

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Comment relancer le secteur de l’immobilier ? le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), autorité de régulation des activités bancaires, a décidé de réajuster les règles du crédit immobilier afin de faire repartir un marché dont le marasme suscite de plus en plus d’inquiétudes. La limite maximale de durée d’emprunt, actuellement fixée à 25 ans, pourra dorénavant être portée jusqu’à 27 ans, si des travaux sont engagés pour un montant représentant 10 % du montant total de l’opération, a annoncé le gouverneur de la Banque de France. Par ailleurs, Bruno Le Maire le ministre de l’Economie, a indiqué ce lundi matin être favorable à la mise en place d’un mécanisme d’assouplissement des conditions d’attribution d’un prêt. Le locataire de Bercy a évoqué une procédure à l’amiable entre l’emprunteur et la banque, qui permettrait au premier de connaître les raisons d’un refus mais aussi, potentiellement, de bénéficier d’une procédure de réexamen de sa demande.

Le gouvernement épinglé pour « son désengagement progressif » face à la crise

Les alertes à l’encontre de l’exécutif sur la crise du logement se multiplient depuis plusieurs jours. Dans la nuit de vendredi à samedi, le Sénat, en plein examen du projet de loi de finances pour 2024, a rejeté les crédits de la mission « cohésion des territoires – qui inclut l’enveloppe dévolue à la politique du logement -, malgré une hausse globale de 7,6 % du budget. « La question n’est pas celle du montant de ces crédits mais de leur utilisation et de la politique sous-jacente », a expliqué à la tribune le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la commission des Finances. Les élus, de droite et de gauche, ont pointé « la mise en retrait de l’Etat » sur ce dossier.

Ils reprochent à l’exécutif d’avoir sapé la construction de logements neufs en rognant sur les aides au logement, ce qui a impacté la marge de manœuvre des offices HLM, mais aussi en concentrant sa politique sur la rénovation du parc existant. À cela s’ajoutent des coûts de construction en augmentation, un foncier de plus en plus rare, la hausse historique des taux d’intérêt et des prix à la vente qui ne fléchissent pas. « Pour rester à ce point sourd à la détresse du secteur, je me demande si le gouvernement n’a pas un projet caché : arrêter le neuf, la propriété, la maison individuelle et faire avec le bâti existant. Tacitement, ils anticiperaient la baisse de la démographie », pointe Jean-Baptiste Blanc.

Ce lundi, un rapport d’Oxfam France est venu enfoncer le clou, dénonçant « des inégalités à tous les étages. » « Le désengagement progressif de la puissance publique ces dernières décennies, laisse une plus grande place à des acteurs financiarisés et à une quête de rentabilité à tout prix. Dans cette course à la rentabilité, les résidences privées (étudiantes et séniors) se sont multipliées au détriment d’une offre abordable pour les plus précaires », explique l’ONG dirigée par Cécile Duflot, ancienne ministre du Logement de François Hollande.

Deux projets de loi attendus en 2024

« Les annonces de Bruno Le Maire ne sont pas inintéressantes, mais ce n’est pas ça qui va apporter des solutions », estime auprès de Public Sénat la sénatrice LR Dominique Estrosi-Sassone, spécialiste des questions de logement. « Je note surtout le double discours du ministre de l’Economie, qui répète en permanence que la politique du logement coût trop cher. Il prétend vouloir s’attaquer aux conditions d’octroi des prêts, mais je rappelle qu’il est aussi le président du Haut Conseil de stabilité financière. Que n’a-t-il agi plus tôt ? », tacle l’élue. Même agacement dans la voix du sénateur communiste Ian Brossat, qui a été, jusqu’à son élection à la Chambre haute en septembre dernier, adjoint à la mairie de Paris en charge du Logement. « La crise du logement est d’abord liée au manque de constructions. Je ne suis pas certain qu’on remédie au problème en poussant les ménages à se surendetter ».

Durant les débats au Sénat, Patrice Vergriete, le ministre délégué chargé du Logement, n’a pas nié l’ampleur de la crise, à la fois « conjoncturelle et structurelle ». Il a reconnu que les mesures portées par l’exécutif dans le budget 2023 avaient « d’abord vocation à amortir le choc de l’immédiat, de l’urgence », et a renvoyé les élus à deux projets de loi, l’un sur les copropriétés, attendu en début d’année, et l’autre sur le logement à proprement parler qui pourrait être présenté en avril. « Reste à savoir si l’exécutif pourra tenir son calendrier », relève Dominique Estrosi-Sassone qui dit se méfier des « grands textes fourre-tout ». « On nous annonce des mesures sur les meublés touristiques ou encore l’attribution des logements sociaux, mais à vouloir traiter une multitude de sujets, on finit parfois par survoler ce qui fait l’essentiel. »

Faciliter l’accès à la propriété

La sénatrice attend une remise en place des « outils qui permettent d’accéder à la propriété » et qui ont été progressivement amoindris depuis 2017. « Par exemple, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) supposé soutenir l’accession à la propriété des ménages modestes, a mis à l’écart de ce dispositif plus de 80 % du territoire ». Les LR réclament son élargissement sans condition à l’ensemble du pays. Dominique Estrosi-Sassone évoque également la suppression de l’APL accession, une aide à destination des primo-accédants qui a disparu en 2018. Ou encore la fin du dispositif Pinel, « qui aurait dû être remplacé par autre chose afin de garantir un minimum d’investissements dans le logement neuf ».

Globalement, les réajustements autour des aides au logement ont permis à l’Etat de réaliser des économies substantielles depuis cinq ans, de l’ordre de 18,1 %, selon les calculs du rapporteur Jean-Baptiste Blanc. « Mais ce faisant, on a grippé tous les segments du marché », constate Dominique Estrosi-Sassone. « Il faut changer de paradigme, permettre aux investisseurs d’arriver plus facilement sur le marché », poursuit encore celle qui préside la commission des Affaires économiques du Sénat. Pourtant, le rapport d’Oxfam estime que la « multiplication des niches fiscales » à destination des acteurs privés « a coûté près de 11 milliards aux finances publiques en 12 ans alors même que cela aurait pu financer la construction de plus de 70 000 logements sociaux. »

Relancer la construction

Ian Brossat appelle à redonner de l’oxygène aux bailleurs sociaux, il dénonce la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et la « réduction du loyer de solidarité » (RLS) qui a suivi. Ce mécanisme a été imaginé par l’exécutif au moment de la baisse de 5 euros des APL, en 2018. Afin d’éviter que les ménages les plus modestes ne soient impactés par cette mesure d’économie, qui avait fait grand bruit à son annonce, le gouvernement a contraint les offices HLM à baisser d’autant les loyers des logements sociaux. Selon un rapport de la Cour des comptes, le rendement locatif a chuté de 4,5 %. En octobre dernier, Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat, qui a également été ministre du Logement sous François Hollande, évoquait une perte de 1,3 milliard d’euros. « Le gouvernement a sciemment étranglé les bailleurs sociaux en prétendant qu’ils étaient dans une forme olympique. Aujourd’hui, il leur est impossible de mener de front entretien du parc et construction de logements neufs », soupire Ian Brossat.

Dans son rapport, Oxfam recommande notamment de rendre la taxe foncière plus progressive et d’expérimenter un dispositif d’encadrement du foncier. « J’y suis plutôt favorable, dans la mesure où l’encadrement des loyers a permis, à Paris, de stabiliser le niveau des prix », assure le communiste. « Mais cela suppose aussi de se donner les moyens de convertir le foncier existant. Limiter l’artificialisation des terres est une évidence. L’Etat pourrait montrer l’exemple en engageant une campagne de transformation du foncier, dont il n’a plus l’utilité ». Le sénateur cite ainsi la transformation des anciens locaux du ministère de la Défense, rue Saint-Dominique à Paris, en 254 logements sociaux.

Pour sa part, le sénateur Jean-Baptiste Blanc appelle plutôt « à encourager la libération du foncier en sanctionnant la rétention par la fiscalité ». Il souhaite également une simplification des procédures d’urbanisme : « Les délais sont trop longs, les maires découragés ».

Oxfam reprend également à son compte un vieux serpent de mer, cher à la gauche : l’inscription dans la Constitution d’un droit au logement. Dominique Estrosi-Sassone rappelle qu’il existe depuis 2007 un droit au logement opposable (Dalo). « Je ne suis pas forcément favorable à une inscription dans la Constitution. À force de vouloir tout y mettre, nous allons la rendre illisible », balaye la sénatrice LR. Inversement, le communiste Ian Brossat y voit un moyen de rééquilibrage « face au droit quasi sacré de la propriété, alors que le logement tient plutôt de l’objectif constitutionnel ».

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