Crise du logement : quelles sont les propositions des organisations du secteur ?
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Crise du logement : quelles sont les propositions des organisations du secteur ?

Après un Conseil national de la refondation et un Budget 2024 décevants sur le front du logement, les différents acteurs engagés sur la question fourmillent d’idées et continent de réclamer une action rapide et profonde face à un marché de plus en plus grippé.
Guillaume Jacquot

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Multiforme, la crise du logement s’amplifie. Les signaux négatifs se multiplient et se conjuguent. On n’a jamais aussi peu construit dans le pays, alors même que la population augmente. Difficultés croissantes pour obtenir un crédit d’accession à la propriété, effondrement des mises en chantier, bailleurs sociaux à la peine, raréfaction inédite de l’offre locative : la France est loin d’avoir sorti la tête de l’eau sur tous ces sujets, et 2024 s’annonce aussi morose que l’année qui vient de s’achever. La hausse brutale des taux d’intérêt l’an dernier a largement contribué à déstabiliser un écosystème déjà fragile.

Quel que soit leur profil, les différents acteurs du logement sont unanimes sur le constat de gravité de la situation et pressent l’exécutif d’apporter des réponses d’ampleur et d’urgence. C’est l’un des dossiers brûlants qui attend le nouveau Premier ministre Gabriel Attal, et peut-être le successeur de Patrice Vergriete, si le ministre fait les frais du remaniement à venir.

Alors que plusieurs rendez-vous législatifs sont annoncés cette année, le secteur continue de poser des propositions sur la table pour renverser la vapeur. Pour rappel, un projet de loi sur les copropriétés dégradées arrive en débat prochainement, et un texte plus large, prévoyant une future étape de décentralisation des politiques du logement, a également été annoncé l’an dernier.

Une réforme d’ampleur demandée

Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), estime qu’il faut « revoir le paradigme de la politique du logement de sa globalité et ne pas se contenter de mesures ponctuelles ». Lors d’une table ronde organisée au Sénat début décembre, ce professionnel mettait en cause les « mesures ponctuelles » et la « surcouche de réglementations ».

Cet automne, l’Alliance pour le logement (collectif qui regroupe une série de grands acteurs du secteur, aussi bien du Bâtiment que du logement social) a réclamé une politique « lisible ». « Les coupes budgétaires et les à-coups ne constituent pas le bon chemin pour mener une véritable politique du logement qui réponde aux enjeux », écrivaient-ils.

De nombreux acteurs demandent à mettre fin à « l’inflation des normes ». Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques de la Fédération française du bâtiment (FFB) est convaincu que la réglementation environnementale RE2020 et le zéro artificialisation nette (ZAN) « vont à elles seules alimenter la machine infernale ».

La question de la rénovation énergétique

Souvent qualifié de facteur aggravant de la crise, le calendrier d’interdiction de location des passoires énergétiques occupe, elle, une place majeure dans les inquiétudes des bailleurs. L’UNPI (Union Nationale des Propriétaires Immobiliers) préconise des solutions d’accompagnement, fiscales notamment. L’association demande par exemple la défiscalisation de Ma Prime Rénov’ pour les bailleurs ou encore une déduction de l’assiette d’imposition dans l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) des logements loués qui ne seraient pas classés F ou G dans le diagnostic de performance énergétique.

Toujours dans la même optique, les Notaires du Grand Paris suggèrent d’accompagner la réalisation des travaux dans l’ancien, en prévoyant une réduction de 50 % des droits de succession pour les bénéficiaires d’une donation intrafamiliale.

Deux récentes dispositions décriées

La Fédération française du bâtiment est aussi vent debout contre le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) cette année, désormais exclu pour les achats de maisons neuves. Elle appelle, au contraire, à étendre le nombre de bénéficiaires, pour favoriser les primo-accessions. La disparition du Pinel (réduction d’impôt sur le revenu à l’occasion d’un investissement locatif) à la fin 2024 fait aussi partie des récriminations des professionnels. Une « catastrophe » selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) qui fera disparaître, selon elle, 60 000 logements du marché chaque année. Pour encourager les opérations dans le logement locatif intermédiaire, la Fédération des promoteurs immobiliers propose d’aligner les conditions des investisseurs particuliers sur celle des institutionnels, à savoir une TVA de 10 %.

Un statut de « bailleur privé »

Un nouveau dispositif devra être trouvé en lieu et place du dispositif Pinel. Plusieurs professionnels de l’immobilier défendent la création d’un « statut du bailleur privé », une longue demande, notamment de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis). L’idée est d’appliquer chaque année un amortissement sur la valeur du bien (un certain pourcentage par an), dans le but de réduire ses revenus fonciers donc l’imposition. La contrepartie serait de proposer des loyers inférieurs aux tarifs de marché. Des changements sont à attendre dans les prochains mois, puisque le gouvernement a annoncé mission parlementaire sur la fiscalité locative, dans la perspective d’une réforme globale et du prochain budget.

Revoir les conditions des prêts

Nombreux sont les professionnels du bâtiment à demander un assouplissement des conditions de crédit, dans un contexte où celui-ci s’est considérablement renchéri. À la FNAIM, Loïc Cantin préconise la portabilité des prêts. Selon ce principe, un particulier qui vendrait son bien en raison d’une mutation professionnelle devrait pouvoir porter son premier emprunt sur la seconde acquisition, et éviter ainsi une différence de taux d’intérêt.

Des moyens pour les logements sociaux

La crise du logement social est plus ancienne que dans les autres segments. La Fondation Abbé Pierre a notamment demandé de revenir sur la baisse des APL, la suppression des APL accession à la propriété ou encore la ponction prélevée sur les bailleurs sociaux. Selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), il faudrait construire 198 000 HLM chaque année pour suivre la demande. Or, environ 90 000 logements ont été construits l’an dernier.

Comment aider les maires bâtisseurs ?

C’est aussi l’une des déceptions du Conseil National de la Refondation (CNR), dans sa version logement. Comment favoriser les mises en chantier ? De nombreux acteurs estiment que les communes ne sont pas suffisamment incitées dans ce sens. Plusieurs associations d’élus, comme France urbaine, plaident mise en place d’une aide aux maires bâtisseurs afin de booster la construction de logements, dans les territoires où l’offre est insuffisante. « C’était un des points forts de sortie du CNR avec le consensus des différents acteurs sur la nécessité d’engager une réflexion sur la régulation économique du foncier. Je ne comprends pas que le gouvernement n’ait pas saisi cette opportunité », se désolait en décembre Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Cette prime ne concerne d’ailleurs pas seulement les investissements mais aussi tous les équipements afférents à l’implantation de nouveaux logements.

Au Sénat, les réflexions et les consultations se poursuivent d’ailleurs au sein de la commission des affaires économiques, en prévision des travaux législatifs à venir. Une mission d’information flash a été lancée en décembre pour étudier les causes et les conséquences de la crise du secteur, ainsi que les solutions pour en sortir. Rappelons qu’il y a un mois, le Sénat avait rejeté le volet logement du budget 2024, dénonçant le manque d’initiatives du gouvernement face à « une bombe sociale majeure ».

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