Défense : Catherine Vautrin défend un doublement du budget des Armées

Face à des menaces extérieures croissantes et à l’essor de l’hybridité des offensives, la ministre des Armées auditionnée par la commission des Affaires Etrangères et de la Défense du Sénat a défendu le « quasi doublement du budget » de défense « sur la période 2017-2027 », avec une hausse totale de 6,7 milliards d’euros dans le projet de loi finances 2026, par rapport à celui de 2025.
Aglaée Marchand

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« Nous sommes à un point de bascule », le ton est donné. C’est avec l‘inquiétude d’entrer dans « une nouvelle ère » avec les risques concrets d’une « guerre en Europe » et des « actions hybrides massives d’ici 2030 », que le président de la commission des Affaires Étrangères du Sénat Cédric Perrin a ouvert l’audition de Catherine Vautrin mercredi 22 octobre. Rappelant qu’en juillet dernier Emmanuel Macron s’est engagé à doubler le budget de la défense par rapport à 2017 à l’horizon 2027, le sénateur LR a précisé que le projet de loi de finances (PLF) 2026 prévoit « l’accélération de la montée en puissance » du budget de 3,5 milliards d’euros, avec une actualisation de la loi de programmation militaire (LPM).

Au-delà de la menace russe « aux frontières de l’Europe », la récente ministre des Armées a énuméré les différents enjeux de sécurité auxquels fait face la France. Au Moyen-Orient d’abord, avec le conflit qui oppose l’Iran à Israël, les attaques des Houthis impactant le commerce maritime ou encore le fragile cessez-le-feu obtenu à Gaza. Mais également dans les territoires d’Outre-Mer, en proie aux compétitions stratégiques auxquelles se livrent les États-Unis et la Chine, les premiers tournant à présent leur regard vers l’Asie. Sans oublier le terrorisme, la criminalité organisée et les risques qui s’étendent au cyber, à l’espace et aux fonds marins, a listé Catherine Vautrin. De quoi lui permettre de justifier que « la France se réarme », « après des décennies de baisses de crédits ».

Chargée par Emmanuel Macron, « d’ici la fin de l’automne », de présenter au Parlement la LPM, la ministre a insisté, chiffres à l’appui, sur les principaux axes de cette annuité budgétaire. Entre autres : les programmes de réarmement hors et avec dissuasion, la préparation opérationnelle des forces et les infrastructures primordiales pour les unités.

Des entreprises de défense inquiètes

Les sénateurs Pascal Allizard (LR), Hugues Saury (LR) et Hélène Conway-Mouret (PS) ont fait état des blocages qui pèsent sur la base industrielle et technologique de défense (BITD), auxquels Catherine Vautrin a rétorqué le développement de différents « outils pour soutenir l’économie de guerre », à savoir : des dispositifs avec des prêts bonifiés, des assurances exports, des fonds publics qui viennent en aident à ces entreprises, des produits d’épargne et un club d’investisseurs lancés en juin 2025.

Quant aux commandes, souvent passées en fin d’année, les industriels sont « dans l’attente », a signalé Hugues Saury, la ministre a soutenu qu’il n’y a « pas de décalage », avec 30 milliards qui seront effectuées d’ici le 31 décembre.

L’attention est toutefois attirée sur « la mutation de la BITD comme acteur de captation de la richesse publique qui transforme la guerre en marché » par le sénateur de la Nouvelle-Calédonie Robert Wienie Xowie. A ce sujet, Catherine Vautrin a tenu à rassurer, évoquant une ouverture de « chantiers en lien avec l’administration de Bercy pour faire la revue des industriels de la défense ». « Nous sommes les donneurs d’ordre mais aussi des actionnaires d’un certain nombre de ces entreprises et ces relations doivent rester équilibrées », a-t-elle affirmé.

« Notre défense est une défense que l’Europe doit assumer »

Alors que les États-Unis se détournent des enjeux européens, Catherine Vautrin et sa ministre déléguée ont appuyé sur les moyens d’action à disposition de l’Union européenne, tout en plaidant pour que la France reste souveraine dans ses compétences de défense. « Nous devons être conscients que notre défense est une défense que l’Europe doit assumer », a martelé l’ex-ministre du Travail et de la Santé. « Notre rôle, c’est d’avoir une impulsion en Europe », a complété Alice Rufo, précisant également que l’actualisation de la LPM et du programme SAFE se ferait « de manière concomitante ». Avant de poursuivre : « Nos adversaires possèdent la totalité de la gamme de l’offensif et du défensif, y compris quand ce sont des puissances nucléaires, il faut que ce soit notre cas aussi ».

La réserve est toutefois de mise pour le projet de mur anti-drones porté par Ursula von der Leyen : « On ne voit pas de protection infaillible », a souligné la ministre. Et Cédric Perrin de s’exclamer : « C’est n’importe quoi cette histoire de mur qui n’aura aucun intérêt, qui ne fonctionnera pas ! »

Du côté de l’OTAN, interpellée à ce sujet par Rachid Temal (PS), la ministre des Armées a soutenu un « enjeu absolument majeur », dépeignant la France comme « un allié fiable et solide », quatrième contributeur budgétaire de l’Alliance, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Les forces de l’Océan Indien devraient également bénéficier d’un effort global de 13 milliards destiné aux Outre-Mer a soutenu Catherine Vautrin face aux sollicitations de Nicole Duranton (Renaissance) sur la situation à la Réunion, avec une modernisation des capacités et une hausse des effectifs enclenchées.

Quid des ingérences étrangères ?

Alors que les alertes d’ingérences étrangères se multiplient, avec des « attaques hybrides récurrentes dans les hôpitaux, les collectivités et les entreprises », Cédric Perrin a appelé à la « vigilance ». En écho à ces inquiétudes, Catherine Vautrin et Alice Rufo ont mentionné la création de VIGINUM, le service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères, mais aussi les compétences des Armées et de Bercy en la matière.

La mise en place d’un commissariat au numérique de défense (CND) en août a également « pour objectif de rattraper le retard et de gagner en efficacité », afin de « fournir des infrastructures permettant de transporter, stocker et traiter les données » nécessaires au pilotage quotidien des opérations des trois forces armées, a expliqué Catherine Vautrin au centriste Olivier Cigolotti.

Des domaines d’avenir : la dronisation, la guerre de champ électro magnétique, l’espace

Dans le cadre du PLF 2026, le ministère des Armées « va plus loin », en ajoutant une « sur marche », correspondant une hausse de 3,5 milliards d’euros, venant s’additionner à l’augmentation préalable de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2025, soit un total de 6,7 milliards d’euros, s’est targué Catherine Vautrin. Mais à quoi ce montant sera-t-il destiné ? « A réaliser de nouveaux besoins », a affirmé la ministre, égrenant différents « domaines dans lesquels nous souhaitons avancer », comme la dronisation, la guerre de champ électro magnétique ou les sujets concernant l’espace. Pas de quoi pleinement rassurer les sénateurs, qui sont restés plutôt dubitatifs, qu’il s’agisse du LR Cédric Perrin, déplorant des prévisions fréquemment sous évaluées contrairement aux avis du Sénat, ou de l’écologiste Guillaume Gontard « de plus en plus mal à l’aise » entre « l’effort de défense auquel consent la nation » et « l’effondrement de presque toutes les autres missions de l’État ».

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