Sénat 360

Déficit : la gauche sénatoriale expose ses pistes budgétaires et pose ses lignes rouges

Les élus socialistes, communistes et écologistes du Sénat dévoilent des pistes communes pour le prochain budget. D’emblée, ils rejettent certaines mesures évoquées par l’exécutif, comme l’hypothèse d’une TVA sociale ou d’une baisse des dépenses liées à la prise en charge des affections longue durée.
Romain David

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Dans quelques jours la majorité sénatoriale présentera ses pistes d’économie pour le prochain budget. Alors que le gouvernement cherche à dégager 40 milliards d’économie dans le projet de loi de finances 2026, pour permettre à la France de respecter ses engagements européens en matière de redressement des finances publiques, les groupes politiques qui composent le bloc gouvernemental planchent depuis plusieurs mois, à l’initiative de Gérard Larcher, le président du Sénat, sur leur propre copie. Ils prévoient notamment, sur les seuls crédits budgétaires, une réduction des dépenses qui pourrait avoisiner les 10 milliards d’euros, passant par le gel d’un certain nombre de politiques publiques.

Mais la gauche sénatoriale n’entend pas se laisser déborder par l’offensive budgétaire de ses adversaires. Dans un rare communiqué commun, les trois groupes de gauche qui siègent au Palais du Luxembourg – socialiste, communiste et écologiste, soit au total 99 sénateurs -, fustigent une « dérive austéritaire ». Ils présentent leurs « exigences fondamentales », estimant qu’au-delà des pistes de réduction de la dépense, « des marges de recettes nouvelles existent ».

« Sans justice fiscale, il n’y aura pas de réduction durable du déficit »

Sur le plan fiscal, la gauche sénatoriale réclame une réforme des niches fiscales et sociales et l’instauration d’un « impôt plancher sur la fortune », ce qui n’est pas sans rappeler la proposition de loi écologiste sur la taxe Zucman, adoptée à l’Assemblée nationale mais rejetée par la Chambre haute la semaine dernière. « Sans justice fiscale, il n’y aura pas de réduction durable du déficit », lit-on dans le communiqué commun.

Les trois groupes de gauche lancent aussi un avertissement au Premier ministre : pas de TVA sociale, une piste récemment évoquée par Emmanuel Macron et François Bayrou, et défendue par les centristes. Elle consiste à augmenter la TVA sur un certain nombre de produits pour pouvoir, en parallèle, alléger le coût du travail en baissant les charges patronales. « La montée en puissance d’une TVA sociale vise à substituer les cotisations assises sur le travail à un financement étatisé par l’impôt. La TVA frappe indistinctement tous les ménages, mais avec des effets profondément inéquitables : les plus modestes en sont les victimes », dénonce le communiqué.

Renforcer le conditionnement des aides publiques

La gauche réclame également davantage de transparence sur « les aides au secteur privés et les cadeaux fiscaux », dont elle chiffre le montant à plus de 200 milliards d’euros. À l’initiative du groupe communiste, une commission d’enquête parlementaire a été lancée en début d’année sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Ses conclusions, attendues d’ici la mi-juillet, pourraient donner lieu à des propositions pour renforcer la conditionnalité et l’encadrement de ces dispositifs d’aides.

Socialistes, communistes et écologistes souhaitent la mise en place d’« un plan d’investissements dans les services publics ». « Il faut également passer à un pilotage des dépenses sociales par la réponse aux besoins sociaux et non plus par un objectif de compression de la dépense aboutissant à des baisses de droits sociaux », écrivent-ils.

La réévaluation du dispositif d’affections longue durée, une idée défendue par le ministre de la Santé Yannick Neuder, fait partie de leurs lignes rouges.

Une loi de programmation sur l’écologie

Dénonçant les « reculs sur les politiques de transition écologique » ces derniers mois, la gauche appelle au sursaut avec l’élaboration « d’une véritable loi de programmation pluriannuelle de la transition écologique ». L’objectif : assurer aux collectivités territoriales et aux entreprises suffisamment de visibilité sur leurs investissements verts.

Dans un contexte de forte fragmentation politique à l’Assemblée nationale, qui rend quasiment impossible la mise en place d’une majorité sur des sujets aussi sensibles que les finances publiques, le Sénat devrait se retrouver à l’épicentre des discussions budgétaires de l’automne. Le gouvernement pourrait s’appuyer sur la majorité sénatoriale pour amender sa copie, avant un probable passage en force devant les députés.

Partager cet article

Dans la même thématique

Déficit : la gauche sénatoriale expose ses pistes budgétaires et pose ses lignes rouges
4min

Économie

En 2026, le coût des intérêts de la dette pourrait dépasser le budget de l’Éducation nationale, avertit Pierre Moscovici

Auditionné au Sénat sur les perspectives budgétaires et financières du pays, le premier président de la Cour des comptes a une fois encore mis en garde contre l’emballement de la dette et de son coût annuel pour les dépenses publiques. Selon lui, la charge de la dette, autrement dit le paiement des intérêts, pourrait devenir le premier budget de l’État, devant celui de l’éducation.

Le

Un coût annuel de 211 milliards d’euros : la commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques aux entreprises réclame un « choc de transparence »
11min

Économie

Un coût annuel de 211 milliards d’euros : la commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques aux entreprises réclame un « choc de transparence »

À l’issue de six mois de travaux, la commission d’enquête sénatoriale sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants a rendu son rapport. Après deux décennies de progression de ces dépenses, les sénateurs appellent à une forme de reprise en main des dispositifs, en particulier au travers d’une meilleure évaluation et la fixation de nouvelles contreparties dans leur octroi.

Le

Déficit : la gauche sénatoriale expose ses pistes budgétaires et pose ses lignes rouges
5min

Économie

« Il faut des signaux » : Hervé Marseille (UDI) appelle à réfléchir à une contribution des grandes fortunes dans le budget 2026

Le président du groupe Union centriste, premier allié des Républicains au Sénat, a été reçu ce matin à Bercy dans le cadre des consultations budgétaires. Il se dit opposé à des prélèvements obligatoires nouveaux, tout en s’affirmant ouvert à des « rectifications fiscales qui vont dans le sens de la justice fiscale ».

Le

Avis de greve reconductible des Aiguilleurs du Ciel a partir du 3 juillet 2025
3min

Économie

Grève des contrôleurs aériens : la loi sénatoriale qui permet de limiter l’annulation de vols

Ce jeudi a débuté une grève des contrôleurs aériens qui se poursuivra demain. Au total, la suppression d’une centaine de vols va affecter plusieurs dizaines de milliers de voyageurs. Mais l’impact reste limité notamment par l’adoption en 2023 d’un texte pour prévenir les mouvements de grèves dans le secteur aérien du sénateur centriste Vincent Capo-Canellas.

Le