Dans quelques jours la majorité sénatoriale présentera ses pistes d’économie pour le prochain budget. Alors que le gouvernement cherche à dégager 40 milliards d’économie dans le projet de loi de finances 2026, pour permettre à la France de respecter ses engagements européens en matière de redressement des finances publiques, les groupes politiques qui composent le bloc gouvernemental planchent depuis plusieurs mois, à l’initiative de Gérard Larcher, le président du Sénat, sur leur propre copie. Ils prévoient notamment, sur les seuls crédits budgétaires, une réduction des dépenses qui pourrait avoisiner les 10 milliards d’euros, passant par le gel d’un certain nombre de politiques publiques.
Mais la gauche sénatoriale n’entend pas se laisser déborder par l’offensive budgétaire de ses adversaires. Dans un rare communiqué commun, les trois groupes de gauche qui siègent au Palais du Luxembourg – socialiste, communiste et écologiste, soit au total 99 sénateurs -, fustigent une « dérive austéritaire ». Ils présentent leurs « exigences fondamentales », estimant qu’au-delà des pistes de réduction de la dépense, « des marges de recettes nouvelles existent ».
« Sans justice fiscale, il n’y aura pas de réduction durable du déficit »
Sur le plan fiscal, la gauche sénatoriale réclame une réforme des niches fiscales et sociales et l’instauration d’un « impôt plancher sur la fortune », ce qui n’est pas sans rappeler la proposition de loi écologiste sur la taxe Zucman, adoptée à l’Assemblée nationale mais rejetée par la Chambre haute la semaine dernière. « Sans justice fiscale, il n’y aura pas de réduction durable du déficit », lit-on dans le communiqué commun.
Les trois groupes de gauche lancent aussi un avertissement au Premier ministre : pas de TVA sociale, une piste récemment évoquée par Emmanuel Macron et François Bayrou, et défendue par les centristes. Elle consiste à augmenter la TVA sur un certain nombre de produits pour pouvoir, en parallèle, alléger le coût du travail en baissant les charges patronales. « La montée en puissance d’une TVA sociale vise à substituer les cotisations assises sur le travail à un financement étatisé par l’impôt. La TVA frappe indistinctement tous les ménages, mais avec des effets profondément inéquitables : les plus modestes en sont les victimes », dénonce le communiqué.
Renforcer le conditionnement des aides publiques
La gauche réclame également davantage de transparence sur « les aides au secteur privés et les cadeaux fiscaux », dont elle chiffre le montant à plus de 200 milliards d’euros. À l’initiative du groupe communiste, une commission d’enquête parlementaire a été lancée en début d’année sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Ses conclusions, attendues d’ici la mi-juillet, pourraient donner lieu à des propositions pour renforcer la conditionnalité et l’encadrement de ces dispositifs d’aides.
Socialistes, communistes et écologistes souhaitent la mise en place d’« un plan d’investissements dans les services publics ». « Il faut également passer à un pilotage des dépenses sociales par la réponse aux besoins sociaux et non plus par un objectif de compression de la dépense aboutissant à des baisses de droits sociaux », écrivent-ils.
La réévaluation du dispositif d’affections longue durée, une idée défendue par le ministre de la Santé Yannick Neuder, fait partie de leurs lignes rouges.
Une loi de programmation sur l’écologie
Dénonçant les « reculs sur les politiques de transition écologique » ces derniers mois, la gauche appelle au sursaut avec l’élaboration « d’une véritable loi de programmation pluriannuelle de la transition écologique ». L’objectif : assurer aux collectivités territoriales et aux entreprises suffisamment de visibilité sur leurs investissements verts.
Dans un contexte de forte fragmentation politique à l’Assemblée nationale, qui rend quasiment impossible la mise en place d’une majorité sur des sujets aussi sensibles que les finances publiques, le Sénat devrait se retrouver à l’épicentre des discussions budgétaires de l’automne. Le gouvernement pourrait s’appuyer sur la majorité sénatoriale pour amender sa copie, avant un probable passage en force devant les députés.