Auditionnés par le Parlement ce vendredi 11 octobre, les ministres de Bercy ont indiqué que des ajustements de dernière minute seraient proposés au projet de loi de finances 2025 par voie d’amendements. Notamment une économie globale de 5 milliards d’euros, répartis sur la quasi-totalité des ministères.
Déficit : l’ONG Oxfam appelle à taxer les « super-héritiers »
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L’héritage : un accélérateur d’inégalités
« La part de la fortune héritée dans le patrimoine est de 60% alors qu’elle était de 35% en 1970 », nous indique le rapport d’Oxfam, réalisé par Layla Abdelké Yakoub, responsable justice fiscale et inégalités de l’association. Alors que neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France, et que la moitié de la population n’hérite pas ou peu, « le top 0,1% reçoit environ 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian ».
Le rapport Oxfam dévoile d’autres chiffres : 7 des 9 Français qui sont devenus milliardaires cette année, l’ont été grâce à l’héritage.
Niches fiscales et abattements : un gros manque à gagner pour l’Etat
En France, le taux de taxation marginal des héritages de plus de 1,8 million s’élève à 45%. Mais ça, c’est en théorie. Car dans la pratique, « les 0.1% de super héritiers ne s’acquittent que de 10% des droits de succession », grâce aux niches fiscales et exemptions, explique le rapport Oxfam publié ce mardi.
La question des optimisations fiscales et du manque à gagner est d’autant plus présente aujourd’hui, car la France est à la veille d’une « grande transmission de richesse ». Explications d’Oxfam : « Nous arrivons dans une période où va être transféré aux « héritiers de la génération suivante la fortune cumulée par les plus riches des baby-boomers, qui ont cumulé 20% de plus de patrimoine que les générations précédentes ».
Layla Abdelké Yakoub souligne le manque à gagner que pourra causer les systèmes de niches lors de cette « grande transmission » : « Sans les effets de niches fiscales et d’optimisation, les impôts sur les successions des baby boomers pourraient générer plus de 200 milliards d’euros de recettes pour les finances publiques ». Néanmoins, si les « super héritiers » continuent de payer que 10% de leurs impôts, les recettes de l’Etat se chiffreront à 46 milliards.
Cela représenterait donc environ 160 milliards d’euros en moins pour l’Etat, selon les calculs de l’ONG basés sur des données du Conseil d’analyse économique (CAE).
Pour que l’on se rende compte de ce que représente cette somme, le rapport Oxfam établit une comparaison : 160 milliards, l’opportunité de « faire un chèque de près de 7 000€ pour chaque personne atteignant la majorité dans les trois prochaines décennies ».
Oxfam affirme qu’il faudrait alors s’attaquer aux causes de l’optimisation et y remédier, et pour ce faire, explique dans son rapport les stratégies d’évitement de l’impôt utilisées par les plus riches.
Les stratégies de contournement de l’impôt sur l’héritage :
Le système de donations : c’est une des façons d’éviter l’impôt. La loi permet à chaque parent de « transmettre sous la forme de donation plus de 100 000 euros à chacun de ses héritiers en ligne directe tous les 15 ans, exemptés de tout impôt » explique le rapport. Les donations sont utilisées par les plus riches pour éviter les taxes : « un ménage donateur possède en moyenne deux fois plus de patrimoine que les autres ».
Les niches fiscales : elles sont très nombreuses, mais le rapport vient citer les principales, celles engendrant le plus de manque à gagner. L’ONG cite le démembrement de propriété, ou encore le système d’assurance-vie qui permet d’être taxé à un taux bien plus faible que prévu. Selon le CAE, ces niches font perdre entre 4 et 5 milliards aux finances publiques.
Le rapport cite aussi le « Pacte Dutreil », qui permet les transmissions d’entreprises, en exonérant à 75% la transmission des parts ou des actions, et qui représenterait une perte de 2 à 3 milliards d’euros pour les finances publiques, encore selon le CAE.
Les recommandations du rapport :
Après avoir détaillé les stratégies d’évitement, le rapport Oxfam vient émettre des recommandations pour réformer la fiscalité sur les héritages dans le but de stopper la croissance des inégalités et de remédier au manque à gagner pour les finances publiques qui sont actuellement en difficultés.
Parmi les recommandations, Oxfam enjoint à ajouter une « composante climatique pour contribuer au verdissement de la fiscalité » . Oxfam propose que le patrimoine immobilier fasse « l’objet d’un diagnostic de performance énergétique », et d’ « adapter la grille d’imposition à la qualité du logement transmis ».
Oxfam enjoint aussi à supprimer le cumul des abattements et les niches fiscales qui permettent aux « super héritiers » d’échapper à l’impôt, notamment les assurances vies et le pacte Dutreil.
Les recommandations d’Oxfam surviennent non seulement dans un contexte de déficit excessif éventuel pour la France, mais également au moment où les pays du G20 commencent à discuter d’une augmentation de la fiscalité pour les très riches.
Juliette Durand