Comme son ancien collègue de Bercy, devant les sénateurs de la mission d’information sur la dégradation des déficits publics, Thomas Cazenave a tenu bon et ne s’est pas épanché sur sa responsabilité dans la dégradation des déficits publics qui devrait atteindre 6,1 % du PIB sur l’ensemble de l’année 2024. Un chiffre très éloigné des 4,4 % encore prévus à l’automne 2023 et des 5,1 % anticipés au printemps lors d’une réévaluation par le gouvernement précédent. Il ne passerait sous les 3 % autorisés par l’UE qu’en 2029, faisant de la France un mauvais élève européen.
« Les dépenses de l’Etat sont, elles, tenues »
« Comment est-ce qu’on passe d’un déficit attendu à 4,4 % à 6,1 % ? Ce qui représente une dégradation d’à peu près 50 milliards d’euros », a-t-il commencé répondant lui-même à la question. « Ça s’explique pour trois quarts par des écarts de prévisions de recettes et pour un quart, par des dynamiques exceptionnelles des dépenses des collectivités territoriales », développe-t-il précisant que « les dépenses de l’Etat sont, elles, tenues ». « Dans la loi de fin de gestion, elles vont même baisser », anticipe-t-il alors que le rapporteur général, Jean-François Husson souligne que le Sénat avait voté une réduction des dépenses publiques de 7 milliards dans le dernier projet de loi de finances. Des économies qui n’avaient pas été retenues dans la copie finale adoptée par le recours au 49.3. Comme Bruno Le Maire, Thomas Cazenave souligne que ce ne sont pas les ministres « qui arrêtent les prévisions de recettes ». « C’est un travail technique long » réalisé par les services de l’Etat.
« Nous avons agi dès que nous avons su et pu », a-t-il assuré par la suite en rappelant que le gouvernement avait pris un décret d’annulation de plus de 10 milliards d’euros de dépenses de l’Etat, dès le mois de février. Une mission de l’inspection des finances a par la suite été lancée. « Elle a rendu ses conclusions en juillet et dit que pour 80 % des écarts de recettes, ce n’était pas anticipable ». 10 milliards d’efforts supplémentaires ont été alors annoncés.
L’ancien ministre touche ici au cœur des interrogations des sénateurs. Pourquoi ne pas avoir décidé de présenter un projet de loi de finances rectificatif ? Ce matin, Bruno Le Maire a botté en touche lorsque les sénateurs ont voulu savoir si la proximité des européennes le 9 juin était un élément d’explication. « La réponse est à demander à ceux qui ont pris l’arbitrage », avait évacué l’ancien ministre.
« C’est formidable avec vous, vous avez de mauvais résultats pour de bonnes raisons »
Thomas Cazenave ne se prononce pas non plus sur ce choix politique affirmant qu’on pouvait atteindre l’objectif de 5,1 % d’une autre façon qu’un recours au projet de loi de finances rectificatif. « On fait un projet de loi de fin de gestion en fin d’année pour aller chercher 7 à 8 milliards d’euros de crédits non utilisés […] et on a fait instruire un autre scénario qui est de mettre dans le projet de loi de finance 2025 des mesures fiscales rétroactives. On avait travaillé une taxe sur les énergéticiens, une taxe sur le rachat d’actions pour aller chercher 3 milliards », a-t-il expliqué, évoquant un troisième levier : une série de mesures réglementaires. Il prend alors soin de préciser que « ce chemin a été interrompu par la dissolution et la gestion des affaires courantes ».
« C’est formidable avec vous, vous avez de mauvais résultats pour de bonnes raisons » […] « Vous avez peut-être des projets de loi avec des effets rétroactifs mais on ne les a jamais vus », commente Claude Raynal, le président socialiste de la commission des finances.
Le ton est aussi monté au sujet des dépenses des collectivités locales. « Vous remettez du vinaigre sur la plaie en indiquant avec insistance que la dégradation des comptes publics venait pour l’essentiel des collectivités », s’agace Jean-François Husson. Le sénateur précise que l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon avait été suivie de 5 milliards d’annonces de dépenses nouvelles. « Je n’ai jamais dit que la principale cause de la dégradation des finances publiques ce sont les collectivités locales », rétorque Thomas Cazenave. « On est encore dans un Etat unitaire quand vous regardez votre déficit public, vous avez les dépenses de l’Etat, des collectivités et de la Sécurité sociale ».
Vendredi 8 novembre, à 9 heures, c’est l’ancien Premier ministre Gabriel Attal qui passera sur le gril des questions des sénateurs. Une audition à suivre en direct sur Public Sénat.