Dérapage du déficit : « J’ai pleinement porté la volonté de maîtrise de nos dépenses publiques », se défend Elisabeth Borne
Dérapage du déficit : « J’ai pleinement porté la volonté de maîtrise de nos dépenses publiques », se défend Elisabeth Borne
La commission des finances du Sénat conclut son cycle d’auditions ce vendredi en entendant l’ancienne Première ministre, en responsabilité de mai 2022 à janvier 2024. Retrouvez les temps forts de cette audition.
Dernière audition pour la commission des finances sur la dégradation des finances publiques depuis l’hiver 2023-2024. Les sénateurs auditionnent ce vendredi à partir de 15 h 00 l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, après avoir déjà reçu Bruno Le Maire, Gabriel Attal ou encore Thomas Cazenave. L’évènement est à suivre en direct sur le canal 13 de la TNT, nos réseaux sociaux et ce live.
L’ancienne cheffe du gouvernement était en fonction au moment des débats sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 à la fin de l’année 2023. C’est à cette époque que l’administration du Trésor et du Budget ont émis les premières alertes sur la baisse des rentrées fiscales. Élisabeth Borne pourrait également être interrogée sur les arbitrages qui ont conduit à ne pas retenir les 7 milliards d’euros d’économies votés à l’époque par la majorité sénatoriale.
L’accident sur les prévisions de recettes est « surprenant à l’heure de l’intelligence artificielle », pour Elisabeth Borne
Après quasiment 2 heures d’échanges, l’ancienne Première ministre est venue conclure l’audition, en estimant qu’il ne fallait « pas se tromper de débat ». « On a un sujet de maîtrise de la dépense publique qui semble être un problème majeur dans notre pays, qui, à mon sens, ne peut pas être atteint sans mener des réformes structurelles », a-t-elle estimé.
La députée Ensemble pour la République ajoute qu’il faut « impérativement » se « doter des bons outils, pour ne pas se retrouver dans la situation très difficile où on est aujourd’hui ». « On a découvert très tardivement, c’est sans doute assez surprenant à l’heure de l’intelligence artificielle et de la data science, que les recettes ne sont pas au niveau escompté », a-t-elle commenté.
Alerte du 13 décembre 2023 sur la dégradation des recettes : explication de texte sur la note de Bercy
Jean-François Husson et Élisabeth Borne se sont lancés dans une explication de texte de la fameuse note du 13 décembre 2023, la première alerte de Bercy sur la dégradation des recettes. « On avait quand même des indications sur des données qui n’étaient pas ou plus conformes aux données espérées », insiste le rapporteur général.
L’ancienne Première ministre indique d’abord ne pas savoir à quels éléments fait référence le sénateur. Jean-François Husson cite une partie de la note cosignée par les ministres, de l’Economie et des Comptes publics. Ils « vous proposent de prendre des mesures à court terme dans le projet de loi de finances 2024, dont augmenter la fiscalité de l’énergie au 1er janvier 2024, réduire le montant des crédits ouverts, réduire les dépenses de personnels ».
Élisabeth Borne le coupe. « On n’a pas la même note. Moi, je lis : prendre des mesures à court terme dans le projet de loi de finances 2024, augmenter la fiscalité de l’énergie au 1er janvier 2024 par une hausse de la TICGN (Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel) qui a été mise en œuvre et la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) dans le cadre de la baisse du prix de l’énergie. Réduire en nouvelle lecture du PLF 2024, de 300 millions répartis sur l’ensemble des missions, permettant de financer des mesures nouvelles ». La députée (Ensemble pour la République) rappelle de surcroît avoir pris connaissance de cette note le 15 décembre le lendemain de l’adoption en nouvelle lecture de la partie recettes par 49.3.
Le sénateur note « une dissonance » entre ce qui est demandé dans cette note, à savoir, alerter l’opinion publique sur l’état des finances publiques et les propos des deux ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave qui demandaient aux parlementaires « de ne pas s’inquiéter ».
« Je ne vais pas faire de la psychologie […] je ne sais pas vous expliquer pourquoi les ministres m’écrivent qu’il faut communiquer sur le caractère critique sans me proposer un plan de communication ».
Elisabeth Borne évoque une alerte sur des recettes « non-quantifiées » fin 2023
Le rapporteur général du Budget, Jean-François Husson a indiqué à l’ancienne Premier ministre avoir pu consulter une note du 13 décembre 2023 cosignée par les deux ministres, de l’Economie et des Comptes publics « qui recommande de partager largement le caractère critique de notre situation budgétaire à la fois au sein du gouvernement mais également dans l’opinion publique ». « Quel niveau d’importance accordiez-vous à ces alertes ? Pourquoi ne pas informer l’opinion publique et le Parlement du caractère critique de notre situation ? », a-t-il demandé.
Elisabeth Borne rappelle alors qu’à cette époque « nous n’avons aucune évaluation de ce que peut être la dégradation des recettes ». Elle ajoute avoir rencontré le ministre de l’Economie, le 4 janvier. « A ce moment-là, nous avons évoqué les mesures qui pouvaient être ajoutées en complément aux mesures déjà prises, l’augmentation de la fiscalité de l’énergie au 1er janvier 2024 et se préparer à tout ou partie des crédits mis en réserve dans la loi de finances ».
« Les services s’interrogeaient sur le réel niveau des recettes non quantifiées », indique-t-elle, soulignant « que le 49.3 final du projet de loi de finances pour 2024 intervient le 20 décembre ». « Je ne vois pas comment à ce moment-là en ayant des informations non quantifiées, on aurait pu modifier les hypothèses de construction du budget pour 2024 ».
L’ancienne Première ministre en profite pour rappeler qu’à cette époque « elle était « largement mobilisée sur un autre sujet : la recherche d’un compromis sur la loi immigration qui venait d’être rejetée à l’Assemblée nationale et qui devait être adoptée dans le même calendrier. L’essentiel de mon énergie était mobilisé à essayer de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour avoir une commission mixte paritaire conclusive ».
Ce à quoi Jean-François Husson rétorque : « Nous, on mobilisait ici notre énergie pour proposer au gouvernement de suivre certaines de nos recommandations en économisant quelques milliards ».
« J’ai pleinement porté la volonté de maîtrise de nos dépenses publiques »
Dans un propos liminaire d’une quinzaine de minutes, Elisabeth Borne, qui a piloté la préparation des budgets 2023 et 2024 lors de son passage à Matignon, a tenu à rappeler le contexte de crise auquel elle a dû faire face pendant ses vingt mois à la tête du gouvernement. « La préparation de ces budgets s’est faite dans un contexte marqué par la crise en Ukraine, la crise énergétique et un niveau d’inflation que la France n’avait plus connu depuis des décennies, ce qui a conduit mon gouvernement à présenter dès l’été 2022 deux textes pour le pouvoir d’achat. »
« Les différentes mesures de soutien représentent un coût de 85 milliards d’euros, dont 33 milliards pour l’année 2023 », a précisé l’ex-Première ministre, qui a tenu aussi à mettre en avant sa rigueur budgétaire. « Les deux budgets préparés par mes gouvernements traduisaient la volonté de repasser sous les 3 % du PIB en 2027 et d’amorcer une baisse de la dette en 2026 », a-t-elle souligné.
Elisabeth Borne a ainsi rappelé les principales mesures d’économies prises lorsqu’elle était en fonction : « J’ai pleinement porté la volonté de maîtrise de nos dépenses publiques à travers différentes réformes structurelles. Je pense à la réforme de l’Assurance chômage, adoptée fin 2022, l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ou encore la réforme des retraites. Ces trois réformes structurelles génèrent une économie de l’ordre de 30 milliards à l’échéance 2030 », a-t-elle détaillé. Et d’ajouter : « Ces réformes étaient nécessaires, chacun se souvient qu’elles n’étaient pas populaires. »
Evoquant les premières alertes, mi décembre 2023, sur le dérapage budgétaire et l’écart entre les recettes et les prévisions faites par le ministère de l’Economie, l’ancienne préfète assure avoir réagi en temps et en heure : « L’alerte m’a conduit à introduire dans les lectures finales du budget 2024 la possibilité d’augmenter par voie réglementaire la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) », a-t-elle indiqué. « L’alerte faite mi-décembre a par ailleurs conduit à se préparer à annuler début 2024 jusqu’à 10 milliards d’euros de crédits mis en réserve dans le projet de loi de finances. » Une mesure finalement appliquée par son successeur, Gabriel Attal.
Alors que le Parlement examinera le projet de loi spéciale, prévu pour assurer le financement des services de l’État, en l’absence de budget, plusieurs groupes politiques ont fait part de leur intention de déposer des amendements pour indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement démissionnaire a prévenu que la mesure inscrite dans ce texte serait inconstitutionnelle. Mais qui pour saisir le Conseil ?
Plusieurs membres de la majorité sénatoriale de la droite veulent s’en tenir au maximum à la version initiale de la loi spéciale, conçue pour permettre à la France d’assurer la continuité fiscale d’ici l’adoption d’un projet de loi de finances. Dans cette optique, ils veulent éviter au maximum le dépôt d’amendements.
Le sénateur LR Jean-François Husson estime qu’il faut « aller vite sur la loi spéciale » et ensuite « se remettre au travail rapidement » pour doter la France d’un budget.
Après la censure du gouvernement Barnier, le projet de loi spéciale sera examiné en urgence par le Parlement pour doter la France d’un budget en 2025. Avant l’examen du texte au Sénat dans une semaine, la commission des finances auditionne Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur son contenu.