« Il y a un sentiment d’injustice et d’impuissance, on va payer l’addition et elle va être très chère. » Ce sont les premiers mots à chaud d’Henri Cabanel. Le sénateur RDSE, viticulteur en Languedoc, se fait le relais d’une filière abasourdie. « 15 % ce n’est pas rien dans un contexte où la consommation française et mondiale de vin diminue, avec le réchauffement climatique et au moment où les vendanges ne s’annoncent pas extraordinaires. »
D’après les premières estimations, les bouteilles de vins et spiritueux européens pourraient se vendre jusqu’à 30 % plus cher outre-Atlantique, du fait de cette taxe et de la faible valeur du dollar par rapport à l’euro. De quoi décourager les consommateurs américains. « D’autant que les vins australiens qui nous concurrencent ne sont taxés, eux, qu’à 10 % », précise le sénateur Cabanel. « On risque de perdre ce marché » estime l’élu.
Un marché très important pour les viticulteurs français et italiens ; il est même le premier débouché à l’international pour le vin tricolore. L’an dernier, notre pays a exporté 2,4 milliards d’euros de vin vers les Etats-Unis et 1,5 milliard d’euros de spiritueux, soit prêt d’un quart des exportations françaises d’alcool.
« L’histoire n’est pas finie »
Pour Laurent Saint-Martin le ministre délégué en charge du commerce extérieur, les exportateurs de vin européens ne doivent pas s’avouer vaincus : « L’accord laisse ouverte la possibilité d’exemptions additionnelles, nous y travaillerons. L’histoire n’est pas finie », a-t-il martelé sur la plateforme X. C’est aussi l’avis de Maroš Šefčovič, le commissaire européen au Commerce qui assure que les négociations sont toujours en cours, même s’il ne veut pas « faire de fausses promesses ».
« Quand on lit la déclaration commune qui précise l’accord commercial entre l’UE et les Etats-Unis, on voit bien qu’il ne s’agit que de la première étape d’un processus qui sera développé au fil du temps à d’autres domaines », explique Alice Bergoënd reporter agroalimentaire à Euractiv, qui suit le dossier de près. « Il est clairement marqué que rien n’est gravé dans le marbre. D’ailleurs lors de la conférence de presse, le commissaire a employé les termes « pour l’instant » en parlant de la situation des vins et des spiritueux. »
Ces domaines bénéficieront-ils de bougés, au moment de négocier d’autres secteurs et produits ? C’est une possibilité, même si le commissaire européen n’a pas donné plus de détails sur ces négociations.
Le sénateur Henri Cabanel reste, lui, dubitatif « Je suis d’accord, il faut tout tenter pour changer la donne, mais nous faisons quand même face avec Donald Trump à un interlocuteur difficile à cerner. Nous aurions dû, nous aussi, menacer les produits américains de taxation, nous n’avons pas été assez unis. Mais c’est une situation qui doit nous pousser à prendre de la hauteur. »
À la conquête de nouveaux marchés
« Le revirement de situation américain, doit nous faire comprendre que nous ne devons pas mettre tous nos œufs dans le même panier », estime le sénateur Henri Cabanel.
C’est d’ailleurs l’une des préconisations d’un rapport sur lequel le sénateur travaille avec ses collègues Sébastien Pla (socialiste) et Daniel Laurent (républicain). Tous trois commencent une mission d’information sur l’avenir de la filière viticole et ils pousseront pour que cette dernière s’organise pour aller conquérir de nouveaux marchés. « Il faut que tous les vignobles français se mettent d’accord pour développer une stratégie commerciale à l’international. Nous sommes encore trop centrés sur la France, où la consommation de vin diminue, mais il y a des possibilités en Chine, au Canada, en Amérique latine aussi. » Mais la difficulté est de taille : conquérir un marché, cela prend du temps « il faut s’y mettre maintenant, si on ne le fait pas ce sera une faute, » conclut Henri Cabanel.