À l’occasion du Conseil des ministres du 30 juillet, Emmanuel Macron a déploré que l’Union européenne, visée par 15 % de surtaxes, n’ait pas été assez « crainte » dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis. Néanmoins, le président de la République a rappelé que de « nouvelles exemptions » pouvaient encore être obtenues. L’accord-cadre signé entre les Etats-Unis et l’Union européenne doit encore être précisé et certains secteurs comme l’aéronautique peuvent être exemptés.
Après une réunion à Bercy réunissant les professions touchées par les droits de douane, le ministre du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a indiqué que la France « pousse » pour que les vins et spiritueux soient exemptés. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a déclaré qu’il « pourrait y avoir un accord » sur les spiritueux. Selon les négociateurs européens, les vins et spiritueux devraient faire partie des produits sur lesquels s’appliqueront des droits de douane dès le 1er août. « On continue les négociations avec nos partenaires américains. Notre objectif, c’est d’avoir des exemptions sur ces produits » a indiqué un porte-parole de la Commission européenne ce jeudi 31 juillet.
Les sénateurs pessimistes sur l’issue des négociations
« Je suis plutôt inquiet sur la nature des négociations car la fermeté affichée du côté des Etats-Unis laisse peu d’espoir », juge François Patriat, président du groupe macroniste au Sénat et sénateur de la Côte d’Or. Également vice-président du groupe d’étude sur le vin du Sénat, il rappelle que la filière viticole est déjà sujette à des droits de douane à hauteur de 10 % depuis avril.
L’accord conclu dimanche entre Donald Trump et Ursula von der Leyen a certes permis « d’éviter le désastre » selon la Fédération des exportateurs de vins et de spiritueux, mais le déroulement des négociations a envoyé un message négatif sur la position américaine. « Je ne suis pas du tout confiant pour le vin, à mon avis la messe est dite on va prendre 15 % de taxes, et 15 % ce n’est pas tenable pour la filière. A chaque fois qu’il y a eu des tensions avec les Etats-Unis, le vin a été ciblé », rappelle le sénateur socialiste de l’Aude, Sébastien Pla, également viticulteur. En mars, alors que la commission européenne avait dévoilé ses premières contre-mesures pour répondre aux premières menaces américaines, Donald Trump avait menacé les vins et spiritueux de droits de douane de 200 %.
Selon un diplomate européen proche des négociations et interrogé par Reuters, des négociations spécifiques sur les droits de douane applicables aux spiritueux devraient avoir lieu à l’automne.
Une filière dépendante des exportations
« Je sais le volontarisme du gouvernement sur le sujet, mais je ne pense pas que ce sera suffisant », estime Sébastien Pla. Le sénateur de l’Aude évoque les effets désastreux que pourraient avoir les droits de douane sur une « filière qui souffre énormément ». « Ça va freiner les exportations vers les Etats-Unis qui sont un marché fiable qui valorise très bien les vins. On risque aussi un redéploiement sur le marché national qui est déjà très en difficulté », explique Sébastien Pla.
Une exemption permettrait donc à la filière de respirer. En effet, les vins et spiritueux français représentent environ la moitié des exportations d’alcool de l’Union européenne vers les Etats-Unis. 1,5 milliard d’euros pour les spiritueux et 2,4 milliards d’euros pour le vin. La filière viticole est particulièrement dépendante du marché américain qui représente un tiers des exportations françaises. L’application de droits de douane à hauteur de 15 % risquerait donc d’alimenter la crise multifactorielle qui touche la filière. En effet, le cognac fait déjà l’objet de droits de douane chinois de 32,2 % en moyenne depuis le 5 juillet
Néanmoins, alors que la filière est déjà exposée à des taxes de 10 %, la filière viticole américaine pourrait venir en soutien des exportations françaises. Des négociations ont été anticipées avec les importateurs », rapporte Sébastien Pla. Aux Etats-Unis, les importateurs réalisent une marge entre 20 et 30 % sur les vins européens. « On peut partager les risques et le coût des taxes avec les importateurs qui peuvent atténuer leur marge. Même avec des droits de douane à hauteur de 15 % c’est compliqué mais pas insurmontable », espère François Patriat.