« EDF traverse une crise sérieuse » prévient Luc Rémont, le nouveau PDG de l’électricien
Auditionné par les sénateurs, Luc Rémont, qui sera le prochain PDG de l’électricien, affirme que « l’Arenh (l’accès régulé à l’électricité) est un mécanisme à bout de souffle, […] il faut réformer ce système ». Interrogé sur le coût de l’électricité pour les ménages, il affirme que « tout le monde devra y mettre du sien » et « les clients devront évidemment participer ».
Choisi par Emmanuel Macron pour succéder à Jean-Bernard Lévy à la tête d’EDF, Luc Rémont a été auditionné ce mercredi matin par les sénateurs de la commission des affaires économiques, avant de faire de même devant les députés. Sa nomination, qui pouvait être rejetée en cas de vote négatif des 3/5 des membres des deux commissions, a été validée par le Parlement. Une audition parfois frustrante pour les sénateurs. Luc Rémont a en effet à plusieurs reprises botté en touche, comme sur les questions d’organisation du groupe, voire semblé par moment esquiver les sujets, par manque de connaissance assumée sur certains dossiers, tant qu’il n’est pas en fonction.
Cette nomination, si elle était bien confirmée, arrive « dans un contexte de crise, un contexte d’urgence, avec une conjoncture chaotique et des chantiers titanesques », souligne Sophie Primas, présidente LR de la commission des affaires économiques. Et qui plus est au moment où l’Etat a décidé de nationaliser EDF en portant sa participation à 100 % du capital.
« Je suis convaincu de très longue date de la nécessité de la sobriété et de l’efficacité énergétique »
Dans un climat international où « l’énergie est devenue aujourd’hui une arme dont use la Russie pour affaiblir nos sociétés et diviser l’Union européenne », l’actuel responsable des opérations internationales de Schneider Electric devrait prendre en main une entreprise en pleine difficulté. « Malheureusement, dans ce contexte de crise énergétique, EDF traverse elle-même une crise sérieuse d’ordre technique et industriel, qui accentue la tension sur l’offre d’énergie », a décrit Luc Rémont, évoquant le « phénomène inattendu de corrosion sous contrainte sur certains réacteurs nucléaires, qui a aggravé la tendance baissière de production nucléaire, liée au vieillissement du parc et la nécessité d’entretien ». Mais sur ce point sensible, il ne prend pas de risque : « Je n’ai pas la connaissance à ce stade du phénomène pour livrer un diagnostic ». Actuellement, la situation est telle que la moitié du parc nucléaire français est indisponible en raison de maintenances programmées ou de problèmes de microfissures, apparues l’hiver dernier.
Si on ajoute la sécheresse et ses effets sur la production électrique, la situation s’annonce complexe sur la production d’électricité. Elle « nous impose de nous préparer collectivement au passage de l’hiver par un effort de réduction de notre consommation. Je suis convaincu de très longue date de la nécessité de la sobriété et de l’efficacité énergétiques. […] Cet effort collectif est indispensable pour diminuer les risques de délestage cet hiver et les suivants », met-il en garde, soulignant que « 10 % à 15 % de sobriété est un objectif qui se fait sans douleur » pour les particuliers. Quant aux entreprises, « 30 % à 50 % n’est pas hors de portée ».
« Il faut réformer l’Arenh », « mécanisme à bout de souffle »
Interrogé sur l’Arenh (accès réglementé à l’électricité nucléaire historique) par le communiste Fabien Gay, Luc Rémont s’est fait sur ce point clair (voir vidéo ci-dessous). « L’Arenh est un mécanisme à bout de souffle, qui certes a permis de stabiliser les prix ou de préserver les clients d’une hausse excessive de prix. Mais le deuxième objectif de créer une concurrence réelle n’est pas atteint, car il n’y a pas d’investissement en dehors d’EDF. Donc il faut réformer ce système », soutient ce diplômé de Polytechnique et ancien banquier d’affaire, qui a participé à ce titre « à la prise de contact initiale entre Alstom et General Electric », lors de la vente de la branche énergie d’Alstom, a-t-il précisé. Mais rien de plus, assure cet ingénieur de formation.
Globalement, Luc Rémont explique que sa « vision d’un opérateur électrique qui réussit » nécessite d’avoir « trois métiers fondamentaux : le développement de solutions pour les clients, une production diversifiée et les réseaux. Et c’est bien dans la capacité d’avoir ces trois métiers fondamentaux fonctionnant en synergie au sein d’EDF, que je pense fonder la réussite future d’EDF », avance le probable prochain PDG de l’électricien. Il l’assure :
Je n’arrive pas avec un plan qui m’est défini. J’arrive avec le mandat de faire réussir EDF.
« Ce qu’il faut éviter, ce sont les fluctuations complètement exagérées des prix »
Interrogé par la sénatrice du groupe centriste, Amel Gacquerre, sur le coût de l’électricité pour les ménages, le candidat à la présidence d’EDF reconnaît que « c’est un sujet délicat ». A l’avenir, « tout le monde devra y mettre du sien : l’entreprise, en étant performante, la Nation, dans le sens où elle contribue au renouvellement de cette capacité. Mais les clients devront évidemment participer », soutient-il, sans être plus précis, rappelant néanmoins que « le parc de 58 réacteurs a été financé sans pratiquement aucun financement public. Ce sont les clients qui l’ont financé ». « Ce qu’il faut éviter, ce sont les fluctuations complètement exagérées des prix. C’est ça qui est totalement destructeur », selon Luc Rémont.
Confronté au « grand carénage » du parc de réacteurs, qui « est la première priorité d’investissement d’EDF » pour « entretenir et prolonger la durée de vie » des centrales, il appelle à « rapidement lancer le nouveau programme nucléaire français », basé sur l’EPR et les petits réacteurs de type SMR, voulus par Emmanuel Macron. « C’est d’abord un défi humain », met-il en garde, avec l’enjeu de « la pénurie de main-d’œuvre » et de la formation – « un soudeur nucléaire, ça prend trois ans à former ». Ne voulant pas fixer un nombre de réacteurs à construire, il préfère « dire qu’il faut se lancer dans ce chantier avec une vision industrielle qui en assure le succès ». « Une fois que nous aurons mis en chantier cette filière industrielle, […] le nombre de réacteurs devient un sujet qui est adaptable et qui le sera au besoin du pays », ajoute-t-il. Quant à la difficile situation financière d’EDF, dont la dette pourrait atteindre 60 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, elle demande selon Luc Rémont de la « vigilance à court terme pour ne pas devoir réduire les investissements et compromettre l’avenir ».
Alors que le Parlement examinera le projet de loi spéciale, prévu pour assurer le financement des services de l’État, en l’absence de budget, plusieurs groupes politiques ont fait part de leur intention de déposer des amendements pour indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement démissionnaire a prévenu que la mesure inscrite dans ce texte serait inconstitutionnelle. Mais qui pour saisir le Conseil ?
Plusieurs membres de la majorité sénatoriale de la droite veulent s’en tenir au maximum à la version initiale de la loi spéciale, conçue pour permettre à la France d’assurer la continuité fiscale d’ici l’adoption d’un projet de loi de finances. Dans cette optique, ils veulent éviter au maximum le dépôt d’amendements.
Le sénateur LR Jean-François Husson estime qu’il faut « aller vite sur la loi spéciale » et ensuite « se remettre au travail rapidement » pour doter la France d’un budget.
Après la censure du gouvernement Barnier, le projet de loi spéciale sera examiné en urgence par le Parlement pour doter la France d’un budget en 2025. Avant l’examen du texte au Sénat dans une semaine, la commission des finances auditionne Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur son contenu.