Egalité homme-femme : le Sénat adopte l’application d’un taux de prélèvement individualisé pour les couples

Le Sénat a adopté vendredi soir le principe d’une imposition différenciée pour les couples. Cette mesure, qui ne change pas le montant de l’impôt pour les foyers, doit toutefois permettre une meilleure répartition de la charge fiscale entre les hauts et les bas salaires au sein d’un même couple.
Romain David

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Au deuxième jour de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le Sénat a adopté l’individualisation par défaut du taux d’imposition pour l’ensemble des foyers fiscaux. Cette mesure de justice fiscale est destinée à mieux répartir la charge de l’impôt au sein du couple. « C’est un vrai bouleversement de l’application du prélèvement à la source », a tenu à souligner Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics. « Elle va permettre, demain, d’inverser la logique qui prévaut en faisant du taux individualisé le taux applicable de droit commun ».

Actuellement, les couples soumis à une imposition commune peuvent demander l’application d’un taux individualisé de prélèvement à la source. Selon les chiffres de l’administration fiscale, moins de 30% des couples mariés ou pacsés souscrivent à cette option. Par défaut, c’est le taux dit « personnalisé », correspondant aux revenus de l’ensemble du foyer, qui s’applique. La mesure adoptée par la Chambre haute ce vendredi 24 novembre a d’abord une portée symbolique, car l’individualisation par défaut du taux de prélèvement à la source n’aura pas d’incidence sur le montant global de l’impôt dû par chaque foyer fiscal. En revanche, elle vise à déclencher au sein des familles des discussions sur qui paye quoi.

« Le revenu des femmes est davantage taxé qu’il le serait en l’absence d’imposition commune »

« Une imposition différentiée profiterait aux femmes, quand une imposition commune profite au foyer mais surtout à l’homme. Elle augmente le taux marginal d’imposition de celui qui a les revenus les plus faibles de 6 points en moyenne, tandis que celui de leur conjoint diminue de 13 points », a expliqué le sénateur communiste Éric Bocquet, spécialiste des questions de fiscalité. « En conséquence, le revenu des femmes est davantage taxé qu’il le serait en l’absence d’imposition commune », dans la mesure où celles-ci perçoivent des revenus en moyenne inférieurs de 42 % à ceux de leurs conjoints, selon les données de l’INSEE.

La différenciation du taux d’imposition correspond à un engagement de la Première ministre Élisabeth Borne, pris en mars dernier, dans le cadre du plan quinquennal pour l’égalité femme-homme. « La fiscalité ne doit pas être un frein à l’émancipation des femmes, notamment celles qui ont un écart de salaire important avec leur conjoint », avait expliqué la cheffe du gouvernement.

Ce vendredi, la sénatrice LR Christine Lavarde a profité de ce débat pour interpeller le ministre des Comptes publics sur le sexisme de l’administration fiscale. « Pourquoi les avis d’imposition fonciers sont adressés au nom de ‘Monsieur’ quand bien même les deux personnes sont en indivision et propriétaires à 50/50 des biens ? », s’est-elle agacée. « Je peux vous montrer ma taxe foncière si vous voulez ! »

Deux nouvelles tranches d’imposition pour les plus riches

Après la discussion générale jeudi, les articles liminaires et l’évaluation du montant de la participation de la France au budget de l’Union européenne, la Chambre haute est entrée dans le vif des discussions budgétaires ce vendredi 24 novembre, avec l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, consacrée aux recettes. Les sénateurs ont passé une large partie de l’après-midi à examiner de nombreux amendements proposant la mise en place de niches fiscales pour différents types de contribuables. La plupart ont toutefois été rejetés. « Mes chers collègues, nous sommes pris dans une tempête dépensière ! », a voulu recadrer Jean-François Husson, le rapporteur général du budget (LR), alors que la droite sénatoriale, dominante au Palais du Luxembourg, s’est engagée à dégager au moins cinq milliards d’économies supplémentaires dans ce budget.

Parmi les quelques mesures retenues : le prolongement d’un an du crédit d’impôt accordé aux agriculteurs qui n’utilisent plus de glyphosate, mais également la prorogation du plafond majoré à 1 000 euros, (au lieu de 552 euros) de la réduction d’impôt accordée au titre des dons aux organismes d’aide aux plus démunis. Il s’agit du fameux dispositif « Coluche ».

Notons que les centristes sont parvenus à faire adopter une légère augmentation de l’imposition des plus hauts revenus, avec la création de deux nouvelles tranches de prélèvement, à 5 % pour les revenus compris entre 750 000 euros et un million d’euros, et à 6 % au-delà de cette somme.

En revanche les LR, par manque d’élus en séance, ont échoué à faire augmenter le plafond du quotient familial. Cette mesure, présentée par la droite comme un levier en faveur de la natalité, a été chiffrée à deux milliards d’euros par l’exécutif. « On ne peut pas, le jeudi, nous taxer de laxisme budgétaire, et entamer cette discussion avec un amendement à deux milliards d’euros !», s’est agacé le ministre Cazenave.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Egalité homme-femme : le Sénat adopte l’application d’un taux de prélèvement individualisé pour les couples
3min

Économie

Franck Dhersin, sénateur Union Centriste du Nord différencie le « chômage choisi de certains jeunes » et le chômage « subi » chez les plus de 55 ans 

Un an à peine après la précédente, le gouvernement prévoit déjà une nouvelle réforme de l’assurance chômage, et fixera lui-même de nouvelles règles d’indemnisation, à priori plus restrictives, à partir du 1er juillet. Comment les chômeurs reçoivent-ils ce nouveau tour de vis ? Ce dernier est-il souhaitable et justifié ? Interpellé dans l’émission « Dialogue Citoyen » par Sandrine Houssaye, une chômeuse de 60 ans arrivant en fin de droits, le sénateur Union Centriste du Nord, Franck Dhersin, estime qu’il faut différencier les jeunes qui, pour certains, « choisissent » leur inactivité et les plus de 55 ans qui la « subissent ».

Le

Fitch Ratings downgraded US long-term debt
7min

Économie

La France sur le grill des agences de notation : on vous explique comment ça marche

Standard & Poor’s, Fitch, Moody’s… Ces agences notent régulièrement les Etats pour évaluer leur capacité à rembourser leur dette. Comment fonctionnent-elles, que signifient les notes qu’elles donnent et quelles conséquences ces notes peuvent avoir sur la santé économique de notre pays ? Public Sénat fait le point.

Le

BERCY – Presentation du Plan de Simplification
7min

Économie

Feuille de paie, TPE-PME, dématérialisation : Bruno Le Maire présente ses pistes pour éviter la « paperasse »

Après Gabriel Attal ce mardi, qui a annoncé à Sceaux, une simplification des démarches, ainsi que le développement de l’intelligence artificielle dans les services de l’Etat, le ministre de l’Economie a présenté ce mercredi, les grandes lignes du projet de loi « Simplification ». Un serpent de mer des derniers gouvernements, que François Hollande avait voulu comme une des priorités de son quinquennat, via le « choc de simplification ». « C’est compliqué de simplifier », avait alors reconnu l’ancien locataire de l’Elysée, le 23 mars 2017, devant la presse.

Le

Paris, Senat, Jardin du Luxembourg
5min

Économie

[DOCUMENT] Des sénateurs centristes attaquent le décret d’annulation de 10 milliards d’euros d’économies devant le Conseil d’Etat

La sénatrice Nathalie Goulet et trois de ses collègues de la commission des finances déposent un recours devant la plus haute juridiction administrative du pays, dans le but d’obtenir l’annulation du décret budgétaire de février et de provoquer le dépôt d’un budget rectificatif. Ils estiment que le principe de sincérité budgétaire n’a pas été respecté et pointent également un vice de procédure.

Le