D’année en année, la Cour des comptes n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme sur la situation des finances publiques. Auditionné ce 8 juillet par la commission des finances du Sénat, son premier président Pierre Moscovici a insisté sur la gravité du tableau budgétaire français. « Nous sommes aujourd’hui vraiment au pied du mur », a-t-il mis en garde.
Le second tome sur la situation et les perspectives des finances publiques de la Cour des comptes, publié il y a quelques jours, évalue à 105 milliards d’euros les efforts nécessaires (via des économies ou recettes supplémentaires) pour ramener le déficit sous les 3 % du PIB en 2029, comme le souhaite le gouvernement. C’est à partir de ce niveau que la dette peut être stabilisée. « Réduire la dette n’est pas une option, c’est un impératif. Cela devrait être un constat partagé. Nous avons le choix entre l’effort maintenant, volontaire, maîtrisé, raisonnable, intelligent, et l’austérité demain, subie, imposée et stupide. Prenons garde à ça », a averti Pierre Moscovici. Cet effort budgétaire de 105 milliards est deux fois plus élevé que celui qui était encore nécessaire « il y a moins de deux ans », pour aboutir au même objectif.
Jugeant la trajectoire budgétaire de la France « très fragile », avec une prévision de croissance « vulnérable à d’éventuelles mauvaises surprises », le premier président de la Cour des comptes a estimé qu’il était « impératif » de « rendre crédible dès 2025 » cet objectif d’un retour à un déficit à 3 % du PIB d’ici 2029. Selon lui, aucune « marge de prudence » n’existe sur le front des recettes, notamment en raison des incertitudes sur le rendement réel des contributions exceptionnelles et temporaires sur les grandes entreprises et les foyers les plus fortunés. « Les efforts structurels doivent maintenant être faits sur l’ensemble des dépenses des administrations publiques », a-t-il recommandé, soulignant que les « marges de manœuvre en termes d’impôts » étaient « limitées ».
L’année blanche n’est pas « l’arme magique »
Invité par le rapporteur général Jean-François Husson (LR) à donner son opinion sur le principe d’une année blanche, qui consisterait à geler sur un an les budgets des différents ministères et des prestations sociales, Pierre Moscovici a posé une série d’avertissements. « Des questions fortes se posent sur le rendement », a-t-il d’abord fait mention. L’année blanche pourrait aussi dégager 6 comme 20 milliards d’euros, selon diverses estimations. Pour rappel, le gouvernement se dirige vers 40 milliards d’efforts, répété sur deux autres années. « Ce n’est pas le silver bullet, l’arme magique », a averti l’ancien commissaire européen.
Le premier président de la Cour des comptes note ensuite qu’elle « risque de générer des inégalités » et de peser « sans doute sur le bas de l’échelle des revenus ». Dernier bémol, entendu ces derniers jours dans les rangs de LR : « ce n’est pas structurel. Il ne faut pas esquiver la question des économies structurelles, qui est devant nous. »
« La dette va finir par étrangler la marge de manœuvre d’action »
Car l’ancien ministre de l’Économie a une nouvelle fois axé son discours sur les dangers de l’emballement de la dette française, le troisième endettement le plus lourd au sein de la zone euro, avec 3 346 milliards d’euros, soit 114 % du PIB à fin mars. L’an dernier, la charge de la dette, c’est-à-dire le seul paiement des intérêts, a augmenté de 7,3 milliards d’euros pour atteindre 60,2 milliards d’euros, un bond de 14 %. « Nous risquons de nous trouver confrontés à un véritable effet boule de neige. La boucle a commencé à rouler », a-t-il expliqué.
Selon le patron du palais de la rue Cambon, le refinancement du stock de la dette au cours des prochaines devrait se renchérir avec des taux de plus en plus élevés. « La dette va finir par étrangler la marge de manœuvre d’action », a-t-il insisté. La charge de la dette pourrait atteindre 100 milliards d’euros avant la fin de la décennie, le triple de ce qu’elle était au début de la décennie. Et d’ajouter : « L’an prochain, ce sera sûrement la première année où le service de la dette sera le premier budget de la nation, devant l’Education nationale, ce qui ne s’est jamais produit dans l’histoire financière sous la Ve République. »