C’est la bête noire des petites et des moyennes entreprises. Livrer une marchandise ou réaliser une prestation, et faire face à un mauvais payeur. Le phénomène s’est aggravé l’an dernier, comme le documente le rapport annuel 2024 de l’Observatoire des délais de paiement, alors que les retards s’étaient stabilisés en 2023, marquant la fin d’une baisse entamée en 2020.
En fin d’année dernière, le retard moyen pour un paiement a atteint 13,6 jours, un niveau supérieur à la moyenne européenne, et en hausse d’un jour rapport au chiffre de l’année précédente. Autre voyant au rouge, la part des grands retards (supérieurs à 30 jours) continue de croître, et touche aujourd’hui plus de 9 % des entreprises françaises.
Seules 50 % des grandes entreprises paient aujourd’hui sans retard
Les rapports sont en outre déséquilibrés dans la chaîne des paiements. Les plus grandes entreprises sont restées les moins bonnes élèves dans le secteur privé, avec des retards atteignant 18 jours dans les organisations de plus de 1 000 salariés. Seules 50 % des grandes entreprises paient aujourd’hui sans retard, alors que plus de 2 petites et moyennes entreprises (PME) sur 3 règlent leurs fournisseurs avant les 60 jours légaux, une part qui monte à plus de 4 sur 5 chez les microentreprises.
Dans un contexte de forte remontée du nombre de défaillances d’entreprises (66 000 l’an dernier), le sujet a de quoi inquiéter les pouvoirs publics. Les retards de paiement entraînent des conséquences financières sur les entreprises qui en sont victimes. Leur persistance pénalise la trésorerie des PME et des microentreprises à hauteur de 15 milliards d’euros, selon la Banque de France. Coface, spécialiste mondial des risques de crédit, estime qu’un quart des défauts d’entreprises en France serait ainsi dû à des impayés. L’effet de contagion en est l’un des moteurs. Comme un effet domino, des entreprises ne peuvent plus payer leurs fournisseurs, car elles-mêmes sont en attente d’un paiement de la part de leur client.
Le gouvernement veut un renforcement des sanctions contre les débiteurs en cas des retards de paiement
Les mauvais chiffres du rapport de l’Observatoire des délais de paiement ont poussé le gouvernement à taper du poing sur la table. « Les PME sont les premières à payer et les dernières à l’être. Ces retards de paiement représentent 15 milliards de trésorerie bloquée, par les grandes entreprises au détriment des plus petites. Ce n’est pas normal. Nous devons agir, c’est une question de justice économique », avait réagi Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des PME le 11 juillet.
L’ancienne députée LR avait plaidé pour un renforcement des contrôles et un rehaussement du plafond des sanctions, « par exemple jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial ». Lors de son discours sur les grandes orientations du budget 2026, François Bayrou a confirmé cette volonté, pour lutter contre « l’un des problèmes fondamentaux auxquels les entreprises et notamment les PME se trouvent confrontées ». Cette même piste avait été poussée aussi cette année par les médiateurs de l’Entreprise et du Crédit.
Des travaux en cours au Sénat avant le dépôt d’une proposition de loi
L’accroche législative se fera très certainement par le biais d’un texte d’origine sénatoriale. La délégation aux entreprises, présidée par le sénateur (LR) Olivier Rietmann, est en première ligne. « C’est un projet, on travaille sur le fond. On peut arriver à quelque chose pour cet automne », relate le sénateur de Haute-Saône.
Le parlementaire franc-comtois pousse également la ministre à agir sur la question des retards de paiement de l’État, ou encore des collectivités locales dans les Outre-mer. 10,7 % des paiements de l’État dépassent un délai de 30 jours, la situation s’est améliorée en 2024. Elle se dégrade nettement, en revanche, dans les établissements publics de santé : le délai moyen de paiement s’élève désormais à 63,4 jours, au-delà du délai réglementaire. En Outre-mer, le délai de paiement a diminué de 3,2 jours en un an, mais atteint encore 39,2 jours.