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Eric Heyer, économiste : « l’inflation baisse, mais on ne reviendra pas à des prix d’avant crise »  

Au mois d’août, l’inflation est repassée sous la barre des 2%, une première depuis 2021. D’après l’INSEE, l’indice des prix à la consommation a progressé de 1,9% en un an. Les consommateurs verront-ils la différence ? Entretien avec Eric Heyer, économiste, directeur du département Analyse et Prévision à l’OFCE et enseignant à SciencesPo Paris.
Samia Dechir

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Comment expliquer cette baisse de l’inflation ? 

Il faut se souvenir pourquoi l’inflation est arrivée. Plusieurs phénomènes étaient à l’œuvre. En premier lieu, la sortie covid qui a provoqué des tensions inflationnistes : pendant la crise sanitaire les prix ont d’abord baissé parce qu’il y a eu un choc sur la demande. Et donc quand vous revenez à la normale, la demande repart et les prix accélèrent. Cela a provoqué de l’inflation, mais c’était juste du rattrapage. Ensuite il y a eu deux nouveaux chocs : celui de l’offre dû aux problèmes d’approvisionnement fin 2021, puis en 2022 un choc énergétique avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a fait augmenter les prix de l’énergie. Aujourd’hui, ces deux phénomènes s’estompent : les problèmes d’approvisionnement sont terminés donc l’offre revient à la normale, et les prix de l’énergie se sont stabilisés, même s’ils ne sont pas revenus au niveau de l’avant crise.  

Est-ce que les consommateurs vont vraiment voir la différence en faisant leurs courses ? 

Attention, l’inflation qui baisse, cela ne veut pas dire que les prix baissent. Cela veut dire qu’ils continuent à augmenter, mais moins vite qu’avant. Et ce n’est pas parce qu’on revient à une inflation d’avant crise qu’on reviendra à des prix d’avant crise. Les prix ont durablement monté, jusqu’à 18% au-dessus du niveau de 2019. 

Pour ce qui est de l’alimentation, les chiffres montrent une quasi-stabilité des prix, à 0,5% d’augmentation. Les prix des produits manufacturés, eux, baissent très légèrement. En revanche, tout ce qui est produit de service continue à augmenter de 3%. 

Pourquoi les prix des services ont continué à progresser alors que l’inflation baisse ? 

Les prix des services sont très dépendants de leurs coûts, et le coût des services c’est essentiellement du salaire. Or, au cours de cette période, les salaires ont augmenté de 16%, moins vite que les prix, certes, mais ils progressent. Les chefs d’entreprises répercutent une partie de ces hausses de salaires sur leurs prix, et ce phénomène est beaucoup plus visible dans les services que dans l’industrie. 

Est-ce que cette baisse de l’inflation est durable ? 

Il y a deux grandes questions. La première, c’est celle des salaires : est-ce qu’ils vont rattraper le niveau d’augmentation des prix ? Tout dépend du contexte économique. S’il est favorable, les salariés sont en position de force pour négocier leur salaire, ils ont donc plus de pouvoir d’achat et ça favorise l’inflation. Si au contraire on est en récession, l’inflation va baisser, parce que la demande intérieure chute, donc le chômage augmente, et les salaires n’augmentent plus.  

L’autre grande question réside dans l’orientation de la politique économique : monétaire et budgétaire. Est-ce que les banques vont baisser les taux d’intérêt ? Si elles le font, cela va relancer l’investissement, nourrir la demande intérieure et créer de l’inflation, mais aujourd’hui elles sont encore très prudentes. Et puis il y a le budget de l’Etat. Si on rentre dans les critères européens, c’est à dire dans une politique d’austérité pour parler clairement, ce sera au minimum 10 milliards d’euros d’économies, et jusqu’à 25 ou 30 milliards maximum. Sur qui on choisit de les faire peser :  les classes aisées, ou les classes moyennes qui consomment davantage leur revenu ? Ça n’aura pas le même impact sur l’inflation.    

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