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Face à des perspectives économiques inquiétantes, la zone euro doit-elle se préparer à la récession ?

Malgré le ralentissement de l’inflation, le spectre de la récession plane toujours sur la zone euro. La publication des indices PMI de juillet trace une trajectoire pessimiste pour la croissance des économies européennes. En cause, la faible consommation des ménages et une demande atone.
Henri Clavier

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Simple ralentissement de la croissance ou récession à venir ? Si l’on en croit l’indice PMI (Purchase manager index) publié par S & P Global, la conjoncture économique de la zone euro se dégrade de manière préoccupante. Publié chaque mois, l’index PMI collecte des données sur la situation économique du secteur privé. Les données, récoltées auprès de plusieurs milliers d’entreprises à travers les principales économies mondiales, proposent un panorama de la confiance des acteurs économiques dans la conjoncture économique actuelle, ainsi que les anticipations des chefs d’entreprise. Les données de S & P Global, au plus bas depuis décembre 2022, font apparaître un tableau relativement sombre pour la plupart des secteurs clés de l’économie européenne, faisant craindre un ralentissement durable de la croissance, voire une récession, c’est-à-dire un recul de l’activité économique.

L’indice PMI de la zone euro au plus bas depuis décembre 2022

En juillet, l’indice PMI a atteint son taux le plus bas depuis décembre 2022 pour la zone euro. L’indice de l’économie française tombe, lui, à son plus bas niveau depuis trois ans. « Les données PMI produites par S & P Global mettent en évidence le plus fort recul de l’activité globale du secteur privé depuis novembre 2020 en début de troisième trimestre 2023, signalant une détérioration continue de la conjoncture économique française » peut-on lire dans le communiqué de presse de S & P Global. « La zone euro subit l’augmentation des prix de l’énergie et leur dimension inflationniste. Cette situation freine la consommation des ménages et in fine la demande globale », explique Anne-Sophie Alsif, docteure en sciences économiques et cheffe économiste du Bureau d’informations et de prévisions économiques.

Au niveau de la zone euro, l’indice pointe « une diminution de la création d’activités économiques à un rythme de plus en plus rapide » laissant craindre une dégradation durable de la demande. Alors que l’industrie de la zone euro connaît toujours une situation peu favorable, le secteur des services, important pour les économies du sud de l’Europe, devrait également être confronté à une baisse de la demande. Principale conséquence de cette conjoncture, un niveau de création d’emploi très faible puisque « les entreprises ont réduit leurs embauches en juillet, ce qui a entraîné la plus faible augmentation mensuelle de l’emploi depuis février 2021. »

Ralentissement de la croissance ou récession ?

« Initialement, les prévisions pour 2023 tablaient sur une récession. Finalement, nous arrivons plutôt vers un ralentissement de la croissance », tempère Anne-Sophie Alsif tout en reconnaissant que les perspectives ne sont pas excessivement réjouissantes. Avec un PMI à 47,7 pour la zone euro (contre 48,8 actuellement) en octobre 2022, la situation semblait encore plus instable. Alors que la demande reste le principal facteur de l’équation, les ménages continuent d’épargner massivement, en particulier en France. En effet, depuis la guerre en Ukraine, le pourcentage du revenu disponible épargné est passé de 15 à 18 %. Dans cette configuration, « certains pays de la zone euro, notamment du nord, connaissent un risque de récession. Pour l’Allemagne, par exemple, le ralentissement des exportations se fait ressentir à N + 1 donc en 2023 », souligne Anne-Sophie Alsif. Une analyse confirmée par l’indice PMI qui place l’Allemagne à son plus faible niveau depuis février 2009.

Malgré cela, une récession de la zone euro n’apparaît pas comme le scénario le plus probable selon Anne-Sophie Alsif qui rappelle que « l’acquis de croissance post-pandémie était positif et laissait envisager des résultats économiques durables. Par ailleurs, l’indice de juillet est régulièrement pessimiste parce que c’est à ce moment-là que l’on dispose des statistiques consolidées ». Une tendance au ralentissement plus qu’à la récession confirmée par les prévisions de juin de l’OCDE. L’organisation pour la coopération et le développement économique estime le taux de croissance de la zone euro à 0,9 % pour 2023 et à 1,5 % pour 2024.

 « Chaque année depuis le covid-19, on annonce la récession pour la zone euro »

« Chaque année depuis le covid-19, on annonce la récession pour la zone euro, il faut aussi tempérer certains éléments conjoncturels », avance Anne-Sophie Alsif. Si l’analyse conjoncturelle se fonde sur une photographie de la situation économique à un instant déterminé, l’analyse structurelle, sur le moyen et long terme, propose des tendances différentes. « On est sur une analyse conjoncturelle donc à court terme. Dans cette configuration les facteurs de confiance, comme la plupart des indicateurs macroéconomiques, ont une incidence sur le temps long. Le ralentissement de l’inflation (l’inflation est passée de 6,1 % en mai, sur un an, à 5,5 % en juin pour la zone euro) aura un effet sur le temps long, pour l’instant les ménages n’ont pas changé leurs habitudes et continuent d’épargner de manière importante ce qui contribue à ralentir la demande et donc à faire baisser la confiance des acteurs économiques », détaille Anne-Sophie Alsif.

Un autre facteur rassurant, depuis la fin de la pandémie, a été la poursuite d’une politique budgétaire expansionniste avec un soutien accru des gouvernements européens à l’économie, notamment à travers les plans de relance. Ces politiques ont permis « d’éviter la récession » souligne Anne-Sophie Alsif en évoquant la poursuite de cette logique puisque « l’Italie débloque encore des tranches du plan de relance, l’Allemagne a annoncé un plan de 200 milliards d’euros en octobre 2022 pour soutenir les ménages et les entreprises face à la crise énergétique ». En clair, malgré le ralentissement de l’inflation (même si le ralentissement pour les produits alimentaires ne se fait pas ressentir) et des politiques budgétaires encourageantes, le tissu économique reste prudent. En définitive, à court terme le principal est « d’éviter la création d’un climat anxiogène » pointe Anne-Sophie Alsif.

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