Chute du gouvernement ou non le 8 septembre, les sénateurs du « socle commun » poursuivent leurs échanges et leurs travaux en coulisses pour affiner leurs propositions d’économies, dans l’optique de l’examen cet automne des textes budgétaires. Sous l’égide du président du Sénat, les présidents des groupes favorables à l’action du gouvernement (LR, centristes, Renaissance, Horizons ou encore du parti radical) se sont réunis ce 3 septembre aux côtés des rapporteurs généraux, pour faire le point sur leurs propositions budgétaires.
Le 7 juillet, ce « club des cinq », comme il est parfois surnommé au palais du Luxembourg, avait remis sa copie à François Bayrou, dans le cadre des consultations qui ont précédé la présentation de grandes orientations à Matignon le 15 juillet. L’effort de réduction du déficit public pour 2026 était équivalent dans les grandes lignes à celui proposé par le gouvernement.
Si les jours de François Bayrou sont désormais comptés, cette majorité sénatoriale compte toujours s’appuyer sur ses propres grandes orientations préparées depuis le mois de juin. « Cette contribution a été identifiée comme un travail sérieux, qui faisait des premiers choix sur des orientations, avec un volet d’économies autour de 40 milliards d’euros. On n’a pas de raison de s’adapter. Il faut garder à la fois la ligne, la trajectoire, respecter le travail accompli, et maintenant attendre », résume Jean-François Husson, le rapporteur général (LR) de la commission des finances.
Inquiétude sur les ressources de la Sécurité sociale en 2025
La hauteur de l’effort fera partie de l’enjeu du vote qui se présentera face à l’Assemblée nationale, à travers la « question centrale » de « la maîtrise de nos finances ». La majorité du Sénat se montre solidaire de l’effort voulu par François Bayrou. « On s’accroche au Sénat à dire que l’on est en parfaite lucidité par rapport à la situation budgétaire, qui est catastrophique. Les prévisions sur le plan des recettes ne sont pas bonnes. On a une part importante de TVA dans le financement de la Sécurité sociale, or les dépenses des ménages ont été faibles, on aurait une moindre recette de 3 à 5 milliards d’euros en fin d’année », s’inquiète la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste).
Quel que soit le résultat du scrutin sur la confiance sollicitée par François Bayrou, le Sénat se pose en pôle de stabilité, à l’écart des secousses. « Le 8 septembre, soit il y a un go pour François Bayrou, et on poursuit le travail. Soit il y un stop, et là je ne sais pas tout à fait ce qu’il se passe. On va continuer à affiner les éléments et faire des propositions, je pense notamment à ce qui était moins pris en compte par François Bayrou, je pense aux pistes de simplification dans le rapport Ravignon », poursuit Jean-François Husson.
« Une base de discussion sur ce que pourrait être un contrat de gouvernement »
L’une des mesures avec l’effet le plus massif, imaginée au Sénat, reste l’année blanche. Le gel des prestations sociales doit dégager une économie « de l’ordre de 5 milliards d’euros » sur les comptes sociaux, et une économie « de l’ordre de 10 milliards d’euros » sur le budget de l’État. La majorité sénatoriale attend désormais le projet de loi de finances qui, sauf secousses politiques à compter de lundi, devrait être dévoilé fin septembre. « Il faut que l’on cherche absolument des solutions pour réduire le poison de la dette, pour les semaines et mois à venir. Il n’y aurait rien de pire que l’immobilisme », prévient Jean-François Husson.
« C’est une base relativement avancée, avec encore quelques arbitrages. Et qui pourrait être, s’il devait y avoir un futur gouvernement après le 8 septembre, une base de discussion sur ce que pourrait être un contrat de gouvernement », explique également Roger Karoutchi (LR), présent également à cette réunion.
Rejet en bloc de la suppression de deux jours fériés
Le Sénat, dans sa majorité de droite et du centre, continue de formuler des griefs contre deux mesures emblématiques à ses yeux du plan d’économies de François Bayrou. Le premier concerne le volume d’économies demandé aux collectivités locales. Le gouvernement préconisait plus de 5 milliards d’effort, le Sénat, qui les représente, veut limiter la contribution à 2 milliards d’euros.
La suppression des deux jours fériés suscite également un rejet fort dans les groupes sénatoriaux du socle commun. « On était unanimes à dire qu’il ne fallait pas poursuivre avec cette proposition », relate la sénatrice Élisabeth Doineau. La majorité sénatoriale a par ailleurs été marquée au fer rouge l’an dernier, lorsque sa proposition phare d’instaurer une journée de solidarité pour financer les politiques d’autonomie, lissée sur 7 heures dispersées dans l’année, a été évacuée du texte de compromis avec les députés.
Pour autant, les sénateurs de droite et de l’arc central sont plusieurs à penser que le sujet du temps de travail devra être posé à un moment ou un autre. « Si on veut créer plus de richesses, il faut plus de productivité et probablement travailler davantage. Mais si on travaille davantage, il faut aussi faire gagner davantage, c’est gagnant-gagnant », conditionne Jean-François Husson, qui appelle à « trouver des voies de passage au niveau des entreprises ».
« Il faut s’ouvrir »
« Il faut en parler, trouver en tout cas des ressources supplémentaires, si on veut rester au même niveau de prestations [de la Sécurité sociale] », admet également Élisabeth Doineau, qui a récemment mené des travaux sur les conséquences du déséquilibre démographique sur les comptes sociaux.
Le travail de préparation des textes budgétaires et d’évaluation des propositions va se poursuivre jusqu’à une prochaine réunion dans trois semaines, un moment où doit théoriquement s’ouvrir la session extraordinaire. Toujours marquée par l’échec du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) l’an dernier en décembre – c’est sur ce texte qu’était tombé Michel Barnier – la centriste Élisabeth Doineau appelle à « voir comment on peut essayer d’élargir » ce travail en commun effectué par cinq groupes de droite et du centre. « J’en ai parlé, de toute façon, on ne peut pas s’enfermer que dans nos seules propositions, car on le sait, on n’aura pas de majorité à l’Assemblée nationale, il faut s’ouvrir. »