En un peu plus de dix ans, le nombre de vêtements mis sur le marché en France a bondi de 40 %, en moyenne 48 vêtements par habitant, dont une grande partie finit par être jetée. Un texte pourrait participer à inverser la tendance. Les sénateurs ont adopté ce 10 juin une proposition de loi pour freiner l’essor de la « fast fashion », et en particulier la « mode ultra éphémère » dont le géant chinois Shein est devenu ces dernières années le symbole. Le texte a été adopté à la quasi-unanimité, par 337 voix contre 1 (et trois abstentions).
Le texte, dont la députée Horizons Anne-Cécile Violland est à l’origine, avait été transmis par l’Assemblée nationale il y a plus d’un an. La philosophie du texte a largement fait consensus entre les différents courants représentés au Sénat, et la proposition a également reçu l’appui du gouvernement, qui a déclenché la procédure accélérée. Une commission mixte paritaire devrait prochainement réunir sept députés et sept sénateurs pour tenter d’aboutir à une version commune et ouvrir la voie à une adoption définitive. Pour la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, considère que ce texte est « le premier pas législatif d’une attaque frontale contre le fléau de la mode ultra-éphémère ». Elle en fait également un « levier pour faire bouger les lignes à Bruxelles », considérant que seule une réponse à l’échelle du continent « permettra une régulation globale et efficace ».
La rapporteure ne souhaitait « pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France »
Le texte du Sénat cible notamment la « mode ultra express » (relire notre article). La majorité sénatoriale, emmenée par la rapporteure Sylvie Valente Le Hir (apparentée LR), n’a pas caché sa volonté d’épargner les acteurs français et européens de la mode à bas prix, comme H&M, Zara ou Kiabi, ce qu’on regretté les écologistes ou encore les auteurs du texte initial voté à l’Assemblée nationale. « Je ne souhaite pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France et qui contribuent ainsi à la vitalité économique de nos territoires », avait ainsi fait valoir la rapporteure Sylvie Valente Le Hir.
Le texte sorti du Sénat choisit de mettre l’accent sur les pratiques les moins respectueuses de l’environnement. Selon l’AFP, Shein s’est illustré fin par plus de 7200 nouvelles références par jour en moyenne, un chiffre sans commune mesure avec les 290 nouvelles références quotidiennes dans la catégorie des vêtements femmes ou 50 pour les vêtements de la catégorie homme de la marque H&M.
Obligations d’information, bonus-malus ou encore interdiction de la publicité
Selon le texte adopté ce mardi, les fabricants ciblés par la définition de la « mode ultra express » auront des obligations, comme celle de sensibiliser les consommateurs à « l’impact environnemental » de leurs vêtements. Le texte prévoit également un système de bonus-malus, sous forme d’écocontributions, en fonction de l’impact environnemental des vêtements et des conditions de sa production. Les pénalités seront au minimum de 5 euros par produit en 2025 et d’au moins 10 euros en 2030, dans la limite de 50 % du prix hors taxe du produit. Ces montants sont des planchers et pourront être relevés si besoin.
L’un des autres articles phares de la proposition de loi est l’interdiction totale de la publicité pour la mode ultra éphémère, mesure qui a finalement été maintenue en séance, mais la conformité de la disposition avec la Constitution a néanmoins été soulevée au cours des débats. Le texte prévoit également un volet de sanctions dédiés aux influenceurs qui feraient la promotion d’articles de la mode ultra express.
À noter que le Sénat a introduit une mesure inattendue en fin d’examen : l’instauration d’une taxe sur les petits colis livrés par des entreprises établies hors de l’Union européenne, comprise entre deux et quatre euros. La mesure ne devrait toutefois pas survivre à la navette parlementaire, puisque ce sujet fait actuellement l’objet de négociations au niveau de l’Union européenne.