Le projet de loi de finances pour 2024, c’est-à-dire le budget pour l’année à venir, est présenté en Conseil des ministres au moment même où Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, détaille son avis sur la question devant les sénateurs. Dans ce budget sont détaillées les dépenses et les recettes de l’Etat prévues sur l’année à venir, et en est ainsi déduit le déficit public, c’est-à-dire la différence entre les deux.
Budget 2024 : des prévisions macroéconomiques optimistes
Le gouvernement table sur une croissance économique de 1% en 2023 et de 1,4% en 2024 et espère un déficit à -4,4% du PIB. Pour Pierre Moscovici, ces hypothèses sont « élevées ». En effet, tous les organismes qu’il a consultés prévoient une croissance plus faible pour les deux années. A titre d’exemple, la Banque de France prévoit une croissance de 0,7% pour 2023 et de 1% pour 2024. Le président de la Cour des comptes justifie son jugement pas la conjoncture mondiale : la croissance est affaiblie en 2023 et restera lente en 2024, car l’environnement est peu porteur. Par ailleurs, le ralentissement des économies de la zone euro, les principaux partenaires commerciaux de la France, devrait continuer. De plus, le niveau d’incertitude est élevé au niveau mondial en ce qui concerne l’inflation et les politiques monétaires des banques centrales des autres pays. Pour autant, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, s’est défendu à la suite de la parution de l’avis du Haut conseil. Pour lui, cette prévision est « sincère ».
Si le Haut Conseil juge que les prévisions de croissance économique du gouvernement pour le budget 2024 sont élevées, il juge également que sa prévision du déficit, à -4,4% du PIB, est également optimiste. Du côté des recettes, le président de la Cour des comptes juge que les hausses des recettes fiscales attendues par le gouvernement sont importantes et reposent sur des hypothèses très favorables. Du côté des dépenses, il estime que « l’essentiel des économies présentées proviennent de la fin de dispositifs d’urgence, les économies structurelles sont nettement plus faibles ». Ainsi, « la prévision d’un solde public de -4,4 points de PIB paraît plutôt optimiste », juge-t-il. En effet, le gouvernement prévoit l’extinction progressive des dispositifs de soutien mis en place pendant le covid, mais aussi pendant l’hiver dernier lors de l’augmentation des prix de l’énergie et lors du pic d’inflation, comme le bouclier tarifaire.
Loi de programmation des finances publiques : « La crédibilité de la trajectoire peut être discutée »
Le président de la Cour des comptes n’était pas venu présenter que son avis sur le budget 2024. Un autre dossier occupe ses services depuis un an : la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Ce texte, issu d’un engagement de la France devant la Commission européenne, n’a toujours pas été adopté par le Parlement. En décembre 2022, la commission mixte paritaire, réunissant sénateurs et députés, avait échoué à trouver un accord. Le texte est à nouveau examiné par l’Assemblée nationale à la fin du mois de septembre, avant d’arriver au Sénat. Le gouvernement souhaite qu’il soit rapidement adopté, faisant planer l’ombre du 49.3.
Sur le fond, la loi de programmation des finances publiques a pour objectif de prévoir la trajectoire financière de la France sur la période 2023-2027. Son but principal est de rapporter le déficit public à 3% du PIB d’ici 2027. Le Haut Conseil des finances publiques avait déjà rendu un avis critique sur le texte en septembre 2022. Il se prononce à nouveau en septembre 2023, après la révision des prévisions macroéconomiques par le gouvernement.
Sur ce volet aussi, l’avis de Pierre Moscovici est clair : « Le scénario macroéconomique du gouvernement ne repose pas sur des prévisions totalement irréalistes, mais se base tout de même sur des hypothèses favorables ». D’après le président de la Cour des comptes, au-delà de l’optimisme sur les prévisions de croissance, l’évolution des dépenses et des recettes prévue par le gouvernement est ambitieuse. Selon lui, la baisse des dépenses publiques, issue entre autres de la réforme des retraites, de la réforme de l’assurance et chômage et de la contention de la hausse des dépenses de santé est « exigeante ». Il conclut : « La crédibilité de la trajectoire peut être discutée ».
Endettement : « Nous ne sommes plus devant les risques, ils sont là »
Le point sur lequel alerte Pierre Moscovici, c’est le poids de la charge de la dette. D’après lui, son augmentation est « spectaculaire ». Elle est due majoritairement à la hausse des taux d’intérêt, qui a été mise en œuvre par les banques centrales, dont la banque centrale européenne, pour enrayer l’inflation. Le président de la Cour des comptes alerte : « Nous ne sommes plus devant les risques, ils sont là. La hausse des taux est là ».
Pour lui, la seule solution est une refonte du sol au plafond des dépenses publiques. Pierre Moscovici, qui se dit loin de prôner l’austérité, préconise de « lever le capot » de la dépense publique. « Il faut changer nos comportements collectifs et changer de méthode, passer à de vraies revues des dépenses publiques », expose-t-il devant les sénateurs, pour la plupart déjà acquis à sa cause. Les débats lors de l’arrivée de la loi de programmation des finances publiques au Sénat, puis du projet de loi de finances pour 2024 promettent d’être animés dans l’hémicycle de la Chambre haute.