Pause dejeuner, Paris la Defense.
Salaries sortant des bureaux a l'heure de la pause déjeuner, sur l'esplanade du quartier d'affaires de Paris la Défense.

Fonctionnaires, retraités, chômeurs… Qui sont les gagnants et les perdants du plan d’économies présenté par François Bayrou ?

Avec l’instauration d’une « année blanche », les 44 milliards d’économies espérés par François Bayrou en 2026 devraient notamment impacter les fonctionnaires et les retraités, mais aussi une large part des salariés via le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Au niveau du budget de fonctionnement de l’Etat, le portefeuille de la Défense est l'un des seuls dont les crédits sont revus à la hausse, quand il est demandé aux collectivités territoriales de doubler les efforts déjà consentis.
Romain David

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Les critiques pleuvent depuis la présentation du plan d’économies de François Bayrou, mardi 15 juillet. Alors que le Premier ministre table sur une réduction des dépenses de l’ordre de 43,8 milliards d’euros dans le budget 2026 pour redresser les comptes publics, sa copie est jugée inacceptable par les oppositions, qui lui reprochent notamment de cibler certaines catégories sociales plus que d’autres.

L’exécutif espère limiter le niveau total de la dépense publique à 1 722 milliards d’euros en 2026. Il ne s’agit pas de dépenser moins qu’en 2025, mais de contenir l’évolution des dépenses par un effort « juste et partagé », plaide le gouvernement. Les économies concerneront aussi bien la population active, que les demandeurs d’emploi et les retraités avec l’instauration d’une « année blanche ». Elles cibleront aussi le budget de fonctionnement de l’État et de ses opérateurs, ainsi que les collectivités territoriales.

Pour autant, les pistes présentées devraient être largement amendées par les discussions budgétaires de l’automne au Parlement. D’autant qu’en l’absence de majorité, le gouvernement devra jongler entre les lignes rouges des uns et des autres pour espérer échapper à la censure. D’ici là, Public Sénat revient sur les principaux « gagnants » et « perdants » de ce plan de redressement.

Les retraités, en particulier les plus aisés, mis à contribution

La mise en place d’une année blanche signifie que les retraites ne seront pas revalorisées, quel que soit le niveau de l’inflation en 2026. La mesure concerne 17 millions de retraités, dont le montant des pensions est d’ordinaire automatiquement revu à la hausse au 1er janvier. À titre d’exemple : les retraites de base ont été revalorisées de 2,2 % au 1er janvier 2025. Un retraité qui touche 1 000 euros a donc vu sa pension passer à 1 022 euros. Dans l’hypothèse d’une année blanche, la perte sur 12 mois serait de 264 euros.

Autre mesure qui devrait frapper de plein fouet les seniors : la suppression de l’abattement automatique de 10 % pour frais professionnels, qui permet de réduire la base imposable des pensions. Cet abattement doit être remplacé par une déduction forfaitaire de 2 000 euros par an. L’objectif : « Avantager les petites retraites, garantir un pouvoir d’achat inchangé aux retraites moyennes et remettre dans le droit commun les retraites les plus importantes », a expliqué François Bayrou. En effet, le montant de la ristourne pourrait profiter aux plus fragiles, tandis que la fiscalité serait mécaniquement augmentée pour les retraités qui touchent plus de 20 000 euros par an.

» LIRE AUSSI – Gel des pensions, abattement de 10 % : les LR font-ils leur mue sur la participation des retraités à l’effort budgétaire ?

Avec le gel du barème de l’impôt sur le revenu, une hausse de la fiscalité pour de nombreux foyers

Autre conséquence de l’année blanche : le gel du barème de l’impôt sur le revenu, habituellement réévalué en fonction de l’inflation. D’ordinaire, la hausse des différentes tranches permet de tenir compte de la hausse des salaires, qui est plus ou moins corrélée à la hausse des prix via différents mécanismes d’indexation. Ce système permet d’éviter aux personnes soumises à l’impôt sur le revenu de basculer dans une tranche d’imposition supérieure à cause de l’inflation.

Avec le gel du barème, les personnes qui ont été augmentées en 2025 risquent donc de payer davantage d’impôts en 2026. Surtout, par un effet de seuil, une partie des ménages qui n’est pas imposable aujourd’hui pourrait basculer dans l’impôt. En décembre dernier, face à la censure du gouvernement Barnier et en l’absence de budget voté avec une mesure de réindexation, le nombre de nouveaux foyers imposables avait été évalué à 400 000 par Laurent Saint-Martin, alors ministre du Budget. Un chiffre difficile à transposer sur l’année 2026, car il doit être calculé en fonction du niveau d’inflation. Selon l’OFCE, le gel du barème devrait rapporter à l’Etat 1,2 milliard de recettes fiscales supplémentaires.

Par ailleurs, la contribution sur les hauts revenus (CDHR), instaurée en 2025, va être maintenue en 2026, sans plus de précision sur son seuil. Actuellement, elle cible les personnes gagnant plus de 250 000 euros par an, avec un taux minimal d’imposition de 20 %, soit moins de 25 000 foyers.

Les fonctionnaires privés d’augmentation

Les fonctionnaires ne sont pas à la fête avec ce plan d’économies, puisqu’il s’agit de la catégorie professionnelle la plus touchée par l’année blanche, avec un gel « des mesures de revalorisation générale ou catégorielle dans les ministères ». En clair : pas d’augmentation en 2026.

Par ailleurs, avec la suppression de 4 000 à 4 500 postes dès l’année prochaine, hors enseignement, puis le non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois à compter de 2027, certains devront s’attendre à des fusions de services. Comme le reste des actifs, ils verront disparaître deux jours fériés sans compensation particulière si ce plan est adopté tel quel.

Les demandeurs d’emploi sont également concernés par l’effort de redressement. Là encore, ni le revenu de solidarité active (RSA), ni les allocations chômage ne seront réindexés l’année prochaine du fait de l’année blanche. Le Premier ministre a également annoncé la mise en chantier de deux réformes, l’une sur l’assurance chômage « visant à accélérer les reprises d’emploi », l’autre sur le droit du travail, notamment pour « faciliter les recrutements et augmenter la quantité de travail lorsque c’est possible ».

Les entreprises échappent au couperet

De leur côté, les entreprises peuvent respirer. Le patronat n’a pas caché son soulagement après les annonces de François Bayrou, qui ne touche pas à la politique de l’offre mise en place depuis 2017, et à laquelle Emmanuel Macron reste particulièrement attaché. Il n’est plus question, comme en 2025, de mettre à contribution les grandes entreprises avec une surtaxe de leurs bénéfices. Le gouvernement ne touche, ni aux allègements de cotisations sociales, ni aux nombreuses subventions publiques dont bénéficient les sociétés, pour un montant de 211 milliards d’euros selon un récent rapport du Sénat, 112 milliards dans une étude du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan.

L’activité économique des entreprises devrait, en outre, bénéficier des efforts qu’entend déployer l’exécutif pour augmenter le temps de travail des salariés, avec la suppression de deux jours fériés, ou encore avec la « monétisation » de la cinquième semaine de congés payés, une piste évoquée par la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet.

» LIRE AUSSI – Budget 2026 : les Français travaillent-ils vraiment 100 heures de moins que les Allemands comme l’affirme Amélie de Montchalin ?

« Je dis bravo à Bayrou ! », a salué Patrick Martin, le président du Medef, la première organisation patronale, sur LCI. « Les dettes ne pouvant pas être creusées à l’infini, cela suppose à un moment donné qu’on produise plus, donc par le travail, mais il faut investir par ailleurs », a-t-il souligné. « Préserver les entreprises et les TPE/PME est plus que jamais une absolue nécessité dans une situation économique fragile avec de véritables inquiétudes sur l’emploi dans les mois qui viennent. », rappelle la CPME dans un communiqué.

Les entreprises pourraient en revanche pâtir de la « chasse aux niches fiscales inutiles » qu’entend lancer l’exécutif. L’objectif : récupérer 3,4 milliards d’euros.

Le budget de la Défense en forte hausse

Dans la foulée de la présentation du plan d’économies, le gouvernement a également publié le « tiré à part » du prochain budget, un document qui présente les plafonds de dépenses et de crédits envisagés pour chaque ministère en prévision de l’élaboration du projet de loi de finances. Le budget de fonctionnement de l’État devrait s’élever à 682 milliards d’euros l’année prochaine, soit 22 milliards de plus qu’en 2025 (660 milliards d’euros). En vérité, cette hausse ne correspond pas tout à fait à la progression spontanée des dépenses des différentes administrations publiques centrales, que le gouvernement entend contenir par un effort global de 10 milliards d’euros, réparti entre les ministères et les opérateurs d’Etat.

La mission « solidarité, insertion et égalité des chances » subit le coup de rabot le plus important, avec une baisse de ses crédits de l’ordre de 1,7 milliard d’euros, soit 5 % par rapport à 2025. Viennent ensuite les missions « travail », amputée de 1,3 milliard d’euros et « cohésion des territoires », qui perd 900 millions d’euros. Ces deux enveloppes recoupent les politiques de l’emploi, avec le réseau France Travail, et celle du logement.

À rebours, le budget de la Défense bondit de 13 %, avec 6,7 milliards d’euros supplémentaires en 2026, dans un contexte de guerre en Ukraine et au Proche-Orient. Il atteindra 57,1 milliards d’euros. La progression des dépenses militaires a été sanctuarisée en 2023 par une loi de programmation, à laquelle vient s’ajouter un effort supplémentaire de 3,5 milliards d’euros en 2026, et de 3 milliards l’année suivante.

» LIRE AUSSI – Augmentation du budget de la défense : « On reste sur un scénario de réparation et de modernisation de nos armées », affirme Dominique de Legge

Nouveau tour de vis sur les collectivités locales

Après avoir consenti un effort de 2,2 milliards cette année, les collectivités territoriales sont à nouveau pressurisées par le gouvernement, qui attend de leur part une économie de 5,3 milliards l’année prochaine, soit 13 % du plan d’économies. L’exécutif devrait en partie s’appuyer sur la reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico), un mécanisme de ponction mis en place à l’initiative du Sénat, et qui ne devait pas perdurer plus d’un an.

L’avalanche de communiqués envoyés par les associations d’élus locaux après la prise de parole du Premier ministre témoigne de leur mécontentement. Au Sénat, le rapporteur général du budget, le LR Jean-François Husson, a parlé d’une « provocation infamante », ce qui laisse présager d’âpres débats au Parlement sur ce dossier.

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