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Fonds d’urgence de 80 millions d’euros : des annonces jugées encore insuffisantes par les viticulteurs et les sénateurs

Marc Fesneau a annoncé ce mercredi 31 janvier le lancement d'un plan de 80 millions d'euros, pour venir en aide aux régions viticoles en crise. Des annonces qui ont été bien accueillies, mais qui restent insuffisantes pour les sénateurs des territoires concernés.
Rédaction Public Sénat

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Face à la mobilisation des viticulteurs qui subissent une crise multifactorielle, un fonds d’urgence de 80 millions d’euros devrait être déployé d’ici la fin du mois, a annoncé le ministère de l’Agriculture. Une somme qui a été multipliée par quatre par rapport au budget initialement adopté dans la loi de finances 2024. Parmi les mesures annoncées : 150 millions d’euros pour subventionner l’arrachage de la vigne, un dédommagement, suite aux pertes de production liées à la maladie du mildiou, mais aussi la prise en charge des intérêts d’emprunt sur l’année 2024.

En décembre dernier, le sénateur Sébastien Pla avait pourtant vu son amendement supprimé, alors qu’il proposait un fonds spécial de 60 millions d’euros pour les viticulteurs, dans le cadre du projet de loi finances 2024. « Très surpris » par la déclaration du ministre, il concède néanmoins que les filières « ont enfin été entendues ».

Des coopératives viticoles peu convaincues

Le gouvernement espère apaiser la colère des agriculteurs, confrontés aux aléas climatiques et à la baisse de la demande sur le marché viticole national et international. Mais au lendemain des déclarations gouvernementales, la colère ne retombe pas. À Narbonne, 200 viticulteurs ont répondu à l’appel des présidents de caves coopératives et occupent la zone d’activités de Croix Sud depuis ce matin.

Sébastien Pla, viticulteur audois lui-même, soutient leurs revendications. Si le gouvernement a promis aux vignerons la mise en place d’une année bancaire blanche, le sénateur déplore que les caves coopératives ne soient pas concernées par cette disposition. Un préjudice porté aux « nombreux exploitants » qui ont fait le choix de la mise en commun pour vinifier leur raisin, selon lui.

L’élu socialiste se joint également à la demande d’aides de financement du stockage privé du vin. Face à la surproduction, accentuée par la baisse de la consommation, les vignerons se retrouvent sans solution pour stocker leur vin. Si aucun acheteur ne se présente, la distillation reste alors l’unique option pour libérer de l’espace dans les cuves.

Présent sur le blocage au sud de Narbonne, le président du syndicat audois des vignerons, Frederic Rouanet, a interpellé Marc Fesneau auprès de l’Indépendant  pour obtenir des modalités d’application plus précises : « Nous ce qu’on attend c’est du concret […], on attend la venue du ministre ou un communiqué de presse ».

150 millions d’euros pour l’arrachage des vignes

Autre proposition du ministère de l’Agriculture : financer des arrachages temporaires ou définitifs de près de 100 000 hectares de vignes. En 2023, une enveloppe de 38 millions d’euros avait déjà été accordée au vignoble bordelais, abondée par 19 millions d’euros du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). Les exploitants n’ayant pas bénéficié de ce plan d’aide devraient donc pouvoir prétendre aux nouvelles aides annoncées, qui concernent cette fois tout le territoire.

L’année dernière, le mildiou avait touché 90% du vignoble bordelais, sans que les assureurs ne prennent en charge les pertes engendrées. « L’État vient donc compenser ce que les compagnies d’assurance n’ont pas souhaité rembourser », explique la sénatrice Nathalie Delattre. Dans les zones humides, les vignes cultivées en bio sont confrontées à un risque plus élevé de maladies. Sébastien Pla, viticulteur bio, en veut pour preuve la propagation du mildiou qui a particulièrement touché les exploitations bio du Limousin en 2023.

La sénatrice (RDSE) de Gironde, Nathalie Delattre, « se félicite des premières réponses apportées par Marc Fesneau ». Mais celle qui est aussi co-présidente de l’Association Nationale des Élus de la Vigne et du Vin (ANEV), regrette que les conditions d’accès au dispositif ne soient pas plus souples. Aujourd’hui, le demandeur doit s’engager à une renaturation de ses parcelles (en zones naturelles ou en boisements) pendant 20 ans. « Un délai trop long pour ceux qui souhaitent transmettre leur exploitation aux générations suivantes », estime la sénatrice.

Pour les exploitants bientôt retraités et sans possibilité de transmission, en revanche, l’arrachage définitif apparaît souvent comme une solution salutaire. Sébastien Pla s’est laissé convaincre de la nécessité de ce qu’il nomme « l’arrachage social ». Néanmoins, il reste pessimiste quant à son efficacité sur le long-terme : « Cela permettra d’assainir le marché et de faire tampon, mais cela ne règlera pas le problème dans son intégralité ».

Relancer la consommation

Outre les aléas climatiques, la conjoncture économique fait peser une contrainte supplémentaire sur la filière. Les difficultés d’exportation vers la Chine et les États-Unis, la crise du Covid ou encore l’inflation sont autant de facteurs qui expliquent la contraction de la demande.

Face à cette crise de la consommation, « le salut de la viticulture passera par le marché », selon Sébastien Pla. Il appelle de ses vœux une plus grande ouverture vers les marchés des pays émergents. Le sénateur socialiste estime que, sur le marché mondial, l’agriculture « est devenue une variable d’ajustement » qui aurait été « sacrifiée au profit d’autres industries ».

De son côté, Nathalie Delattre revendique la nécessité d’un plan stratégique de filières : Il est urgent que l’on arrive à faire un Grenelle de l’agriculture ». Pour la sénatrice RDSE, une table-ronde réunissant tous les acteurs de la filière viticole, ainsi que les ministres de l’Économie, de la Transition écologique, de l’Agriculture et de la Santé, est aujourd’hui nécessaire. Si elle prône l’ouverture aux marchés étrangers, Nathalie Delattre pose également la question de la baisse de la consommation en France. Dans un pays où la modération est au cœur des campagnes de prévention sur l’alcool, la sénatrice s’interroge : « Dans quelles conditions la promotion des produits viticoles va-t-elle pouvoir se faire ? »

 

Myriam Roques-Massarin

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