« Nous assistons à une situation inédite dans l’histoire économique », alerte Thomas Grjebine, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) devant la commission des finances. « Notre capacité à créer de la valeur va être fortement impactée par ce capitalisme d’Etat chinois qui agit comme un rouleau compresseur ».
Depuis plusieurs années, « l’atelier du monde » fait face à une surproduction absolument gigantesque qui est soutenue massivement par des subventions étatiques. Cependant, la consommation chinoise ne permet pas d’absorber l’ensemble de la production et l’exportation est nécessaire pour les objectifs de croissance du pays. Largement touchée par la hausse des taxes américaines, la Chine cherche de nouveaux débouchés commerciaux pour ses produits et il y a de fortes chances qu’elle se tourne vers l’Europe. « La Chine produit chaque année 50 millions de véhicules et la consommation interne n’est que de 25 millions. Il est évident qu’elle va essayer de chercher de nouveaux débouchés », prévient Thomas Grjebine qui regrette la « fracture » de l’axe américano-européen à cause de la guerre commerciale provoquée par les Etats-Unis.
Des « effets modérés » en France, mais importants en Chine
Pour l’instant, les droits de douane américains s’élèvent à 10 % sur l’ensemble des produits importés. Si la mesure est peu discriminatoire selon les pays, certains pâtissent plus que d’autres en fonction de leur degré d’industrialisation. Forte de la plus grande industrie du monde, la Chine accuse le coup d’autant que les droits de douane qui lui sont imposés s’élèvent à 30 %.
En France, l’économiste Isabelle Méjean, membre du conseil d’analyse économique, table sur des « effets modérés » avec une perte à 0,1 % du PIB. Pour son collègue Thomas Grjebine, l’impact sera surtout important dans certains secteurs. « C’est davantage un choc microéconomique que macroéconomique », juge-t-il. « Mais le risque est de nous détourner de la principale menace qui est la concurrence chinoise ».
La posture trop « conciliante » de l’Union européenne
Dès lors, comment contrer la menace chinoise ? Pour les économistes, la solution se trouve au niveau national, voire européen. « L’OMC (Organisation mondiale du commerce) est moribonde », juge Isabelle Méjean. « Les règles actuelles de l’OMC ne prennent pas en compte le capitalisme prédateur de la Chine », ajoute Thomas Grjebine.
Pour l’économiste, il est nécessaire de renforcer le lien entre l’Europe et les Etats-Unis, qui partagent les « mêmes valeurs et une même économie », afin de limiter la pression chinoise. Il regrette la posture trop « conciliante » de l’Union européenne et son manque de réaction : « Il y a un vrai changement de doctrine de la part de la Commission européenne qui montre beaucoup moins de fermeté. La preuve, Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne) parle d’étendre nos liens avec la Chine dans le domaine du commerce. Cela est risqué car elle sous-estime la menace pour notre industrie ».
« Durcir le jeu avec la Chine »
« Pour lutter, il faut prendre des mesures de protection au niveau national, mais surtout au niveau européen », assure l’économiste. « Il ne s’agit pas forcément de devenir protectionniste. Ce qu’il faut c’est durcir le jeu avec la Chine, notamment pour des raisons de sécurité nationale. Pour cela, il ne faut pas prendre des petites mesures simplement pour se donner bonne conscience ».