Bruno Le Maire parlait d’une « révolution ». L’article 2 du projet de loi Industrie verte, qui vise à accélérer les délais d’implantation ou d’agrandissement de sites industriels, a été adopté ce 21 juin au Sénat. Élément emblématique de ce texte censé doper l’attractivité de la France en matière industrielle, notamment dans le secteur de la transition écologique, l’article vise à réduire par deux les délais de procédure d’autorisation, en faisant passer la durée moyenne actuelle de 17 mois à 9 mois.
L’article en question, qui a rencontré une vive opposition des groupes de gauche, embarque de nouvelles modalités pour la phase de consultation du public. Actuellement, les procédures se suivent par étapes successives. Une phase d’instruction débute dans les direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) puis par l’Autorité environnementale. Ce n’est qu’après qu’intervient la phase de consultation, avec l’enquête publique et le rapport du commissaire enquêteur. Pour gagner du temps, le projet de loi prévoit de mener toutes ces étapes simultanément. Selon le texte adopté, l’enquête publique s’étalera désormais sur trois mois, au lieu d’un.
Des corrections durant l’examen en commission
La semaine dernière, les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont procédé à plusieurs ajustements pour « préserver la qualité de la participation du public à l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ». Ils ont notamment refusé que le garant, responsable du bon déroulé de la concertation préalable, soit désigné comme commissaire enquêteur pour la consultation du public, comme le prévoyait le texte initialement. Pour le rapporteur Fabien Genet (LR), cette « confusion » aurait suscité la défiance du public, puisqu’en bout de course, le commissaire enquêteur est amené à prononcer ses conclusions sur un projet d’autorisation.
La commission a également souhaité introduire la possibilité de désigner une commission d’enquête, plutôt qu’un commissaire enquêteur unique, de sorte à éviter les « biais » d’un seul regard dans les projets les plus complexes. Autre correction : les sénateurs ont prévu de rendre obligatoire la possibilité pour le public de s’exprimer par voie postale, et non pas seulement par voie électronique. Cette dernière modification a reçu l’assentiment du ministre de l’Industrie, Roland Lescure.
Les écologistes estiment qu’une « ligne rouge » a été franchie
Ces corrections n’ont toutefois pas été suffisantes pour les groupes de gauche, qui ont tenté, sans y parvenir, de supprimer l’article du projet de loi. Jacques Fernique a par exemple fait savoir qu’il constituait « une ligne rouge » pour son groupe écologiste. « Cette mesure, sous couvert d’allègement et raccourcissement des procédures, complexifie le droit, met à mal l’effectivité de la participation du public pour évaluer les impacts du projet. »
Les groupes de gauche ont notamment soulevé que les conclusions du commissaire enquêteur n’auraient plus la même portée qu’aujourd’hui. Dans le projet de loi, la suspension automatique de la décision d’autorisation environnementale, par le juge des référés, en cas d’avis défavorable du commissaire enquêteur est supprimée. Angèle Préville (PS) a qualifié de « problématique » la « suppression de l’avis du commissaire enquêteur et la possibilité pour le maîtrise ouvrage d’y répondre ». Marie-Claude Varaillas (communiste), a estimé, enfin, que le texte manquait sa cible : « S’il y a des critiques à formuler, ce n’est pas à l’encontre des procédures, mais plutôt au manque récurrent d’effectifs dans nos administrations d’État ».
Pas d’objection du Conseil d’Etat mais une critique sur l’instabilité des normes
« L’objectif pour nous, il est de faire mieux, de faire plus, et de faire plus vite », a opposé le ministre Roland Lescure. Selon lui, le texte « ne fragilise en aucun cas les procédures actuelles ». Le rapporteur Fabien Genet a, quant à lui, souligné que la nouvelle procédure de consultation permettait la participation du public de façon « plus précoce » qu’aujourd’hui et que l’organisation de réunions publiques était désormais obligatoire. « Avant, une instruction administrative venait éclairer le public. Aujourd’hui, on va faire une parallélisation. Le public va être consulté alors que l’instruction n’est pas faite ou alors qu’elle est en cours », s’est inquiété l’écologiste Daniel Salmon.
Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que la nouvelle procédure était de nature à « assurer une participation effective du public et ne soulève donc pas de difficulté au regard de l’article 7 de la Charte de l’environnement ». En revanche, la plus haute instance administrative du pays a « regretté » que cette modification s’ajoute à déjà d’autres évolutions intervenues ces dernières années, « sans aucune analyse des effets de ces réformes successives ».
L’examen du projet de loi Industrie verte doit se poursuivre dans la soirée, jusqu’au jeudi 22 juin. L’Assemblée nationale sera ensuite saisie à son tour.