Infrastructures de transports : « Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait que l’autoroute qui devrait payer », juge le président de l’Afit-France

La commission de l’aménagement durable du Sénat a auditionné ce mercredi Patrice Vergriete. Ce fut l’occasion pour les sénateurs d’interpeller le président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Il plaide notamment pour relever la participation du secteur aérien et une contribution de tous les poids lourds qui circulent en France, et non pas seulement sur les autoroutes.
François-Xavier Roux

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Patrice Vergriete préside depuis six mois l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit-France). L’établissement public assure l’investissement dans la « régénérations » des axes routiers, ferroviaires et fluviaux. Le maire de Dunkerque, lors de son audition dans la campagne de sélection du président de l’Afit-France, s’était « engagé à jouer le jeu de la transparence ». C’est dans ce cadre qu’il revient au Sénat. Il présente le rapport d’activité 2022, mais liste aussi les problèmes de financements de son agence. L’Afit possède une multitude de contributeurs comme le secteur aérien, ou les concessionnaires autoroutiers. Cependant Patrice Vergriete déplore une instabilité des revenus qui impacte les ambitions de l’établissement public. « La question des recettes est encore très floue » pour les années à venir, d’autant plus que les concessionnaires autoroutiers ne versent plus la contribution volontaire exceptionnelle. Cela représente un manque à gagner de 120 millions pour les deux dernières années, sur un budget annuel de 3,3 milliards.

« Identifier le bon niveau de recettes pour répondre au mur d’investissement »

L’un des principaux enjeux de l’Afit est de trouver le bon équilibre entre les recettes et les dépenses. Avec un format de financement qui repose sur plusieurs acteurs, Patrice Vergriete doit sans cesse chercher de nouveaux fonds. L’établissement public a su au cours de l’exercice 2022 « avoir une bonne idée de ce que devraient être les dépenses ». Mais la question des recettes est encore « très floue » pour son président. L’Afit ne possède pas une source de revenu stable et pérenne. Le maire de Dunkerque demande la création d’une « taxe relativement pérenne et 100% affectée à l’Afit ». Hervé Gillé (PS) souhaite en savoir plus sur la forme que prendrait la taxe. Ce à quoi Patrice Vergriete lui répond que sa « proposition est plus sur la forme que sur la solution ». Il réaffirme son souhait d’avoir une source de revenu stable et complète, pour devoir moins composer avec un morcellement des recettes. Cette taxe doit faire l’objet d’un « consensus politique pour ne plus y toucher ».

Actuellement, c’est un puzzle de recettes auquel est confronté le président de l’Afit. Le secteur aérien contribue à hauteur de 138 millions d’euros. Un pourcentage d’amendes-radar va à l’établissement, qui a ainsi touché 178 millions. La TICPE – taxe sur les produits énergétiques et donc les carburants – est la source la plus importante avec plus d’1,2 milliard d’euros, accompagnés d’un plan de relance de 660 millions. Les concessionnaires autoroutiers représentent « une source de financement très importante » puisqu’ils apportent à peu près 1 milliard d’euros. Cependant, le courant ne passe plus avec ces derniers. Depuis 2021, ils refusent de payer la contribution volontaire exceptionnelle. L’Afit a un contentieux en cours pour tenter de récupérer les 120 millions d’euros que représentent ces deux années perdues. Philippe Tabarot (LR) dénonce « la certaine indécence des sociétés d’autoroutes » mais aussi de l’Etat qui « se réfugie dans une attitude vexatoire alors qu’il a surtout manqué de clairvoyance » sur les contrats entre les deux partis.

Qui doit payer ?

Patrice Vergriete voit beaucoup de choses à redire sur ces recettes. Par exemple, il juge la contribution du secteur aérien « peu élevée au regard des enjeux de déplacements décarbonés ». Pour la TICPE, il estime qu’elle est « non stable et non garantie ». Ces problèmes le poussent à s’interroger plus largement sur qui doit payer. « C’est une question de justice » pour le maire de Dunkerque. Est-ce le rôle de l’usager ou des territoires ? De l’usager ou du contribuable local ? Qui doit payer le plus entre un véhicule léger et un poids lourd ? Faut-il faire payer la courte distance (les trajets domicile-travail) ou celui qui utilise l’autoroute pour des longues distances (partir en vacances) ? Autant de questions que se pose Patrice Vergriete.

Le président de l’Afit a pu constater que les autres pays européens ne ciblent pas le paiement de l’usager uniquement sur les autoroutes. Il soutient l’idée d’une taxe additionnelle, qui dépasse le cadre géographique des autoroutes. Et la totalité de cette taxe reviendrait à l’Afit. Il a toutefois conscience des tensions existantes autour du sujet, et évoque ainsi « le traumatisme des bonnets rouges ». Patrice Vergriete ne « voit pas pourquoi il n’y a que l’autoroute qui devrait payer ». « Je pense qu’un poids lourd qui traverse la France et qui n’est pas sur l’autoroute doit payer » détaille-t-il. Selon lui, le secteur aérien doit-être bien plus impliqué dans le financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport.

« Je pense que c’est important d’être sur les mobilités du quotidien »

La sénatrice Angèle Préville (PS) interroge aussi le président de l’Afit sur la place qu’occupe le vélo dans ses investissements. Ce dernier a déjà eu le débat avec la Cour des comptes. Et Patrice Vergriete pense « que c’est important d’être sur les mobilités du quotidien ». C’est pourquoi il engage l’établissement public dans le développement du vélo. Il explique toutefois que « les collectivités locales sont en première ligne ». Les préconisations de la sénatrice sur le développement structurel des pistes cyclables ne concernent donc pas directement l’Afit. Mais le maire de Dunkerque exprime sa difficulté à participer considérablement au développement du vélo : « Ce n’est pas toujours facile car on est sur plein de petits montants à attribuer à pleins d’acteurs ».

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