Markets Volatile From Trump Tariiffs on Wall Street

Krach boursier, croissance française en berne : faut-il craindre un effondrement de l’économie, face aux droits de douane imposés par Donald Trump ?

Le président américain maintient ses menaces de guerre commerciale, semant la panique sur les marchés à travers le monde. En Asie comme en Europe, les places boursières enregistrent des chutes spectaculaires. Faut-il craindre une crise économique durable ? Réponses avec Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste à BDO France.
Rose-Amélie Bécel

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Les premières conséquences économiques des hausses de droits de douane imposées par Donald Trump commencent à se faire sentir. Ce lundi 7 avril, moins d’une semaine après les annonces fracassantes du président des Etats-Unis, les places boursières accusent un net recul partout dans le monde. À l’ouverture, le CAC 40 accusait un recul de 6 %. En Asie, la bourse de Hong Kong a clôturé en baisse de 13 %, sa pire chute depuis 1997.

Aux Etats-Unis, si le plongeon est limité par rapport aux marchés européens et asiatiques, la bourse de New-York a tout de même chuté d’environ 3 % à l’ouverture. Une situation qui ne semble pas affoler le président américain. « Soyez forts, courageux et patients et la grandeur sera au rendez-vous », a-t-il réagi sur sa plateforme Truth Social.

Si Donald Trump persiste dans sa guerre commerciale, quelles répercussions peut-on attendre pour l’économie mondiale ? Quelles conséquences cette hausse des droits de douane peut-elle avoir sur la croissance et les emplois en France ? Réponses avec Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste à BDO France.

L’effondrement des places boursières auquel on assiste aujourd’hui est déjà comparé à la crise financière de 2008, ou au « lundi noir », le krach boursier intervenu en octobre 1987. Est-ce qu’on s’oriente vraiment vers un scénario similaire ?

Le scénario n’est pas vraiment le même. Habituellement, les bourses enregistrent des chutes en raison d’événements extérieurs, une guerre qui provoque la flambée des prix du pétrole par exemple. Aujourd’hui, les bourses dévissent en raison de l’action d’un gouvernement, qui annonce déjà depuis plusieurs mois qu’il va mener une politique de guerre commerciale.

L’autre particularité de la situation actuelle, c’est que les marchés du monde entier réagissent plusieurs jours après les annonces de Donald Trump, qui remontent au 2 avril. Il y a une prise de conscience que la situation pourrait s’installer dans la durée. Lors de son premier mandat, nous étions déjà habitués aux déclarations fracassantes de Donald Trump, mais les Etats pouvaient négocier et le faire revenir à la raison.

Au début de son second mandat, il est déjà revenu sur des mesures à l’encontre du Mexique et du Canada, mais maintenant il semble tenir. Il compare la situation sur les marchés à « un traitement pour se soigner », comme s’il fallait en passer par là. Quand on voit ces récentes déclarations, on a vraiment changé de dimension. Les marchés, qui anticipent habituellement tout, n’avaient visiblement pas vu venir la possibilité d’une crise structurelle, avec un impact sur l’économie plus important que prévu.

On voit que la Chine a déjà répliqué avec des droits de douane à 34 %, les Etats-Unis menacent en retour de 50 % de droits « additionnels »… Les garde-fous, à l’image de l’OMC, sont-ils encore efficaces pour lutter contre une escalade et le déclenchement d’une guerre commerciale ?

Avec la politique menée par Donald Trump, nous entrons dans une période de protectionnisme tarifaire. Mais le protectionnisme est de retour depuis près de 20 ans, traditionnellement par l’imposition de normes qui empêchent la circulation de certains produits sur tous les marchés. Dans ce contexte, cela fait aussi une vingtaine d’années que l’OMC est moribonde, c’est une organisation qui n’est plus coercitive, il n’y a plus aucun impact pour un pays à ne pas suivre les règles du commerce mondial.

En revanche, nous pouvons toujours compter sur d’autres garde-fous, notamment en Europe. Là où les Etats-Unis imposent des droits de douane sur des produits manufacturiers, l’Union européenne peut s’attaquer aux services numériques et financiers. À ce niveau, les Européens ont un immense pouvoir. En tant que premier marché étranger pour les services numériques américains, si Bruxelles décide de bloquer l’utilisation de Netflix, par exemple, les dommages aux Etats-Unis seront importants. C’est sûrement la raison pour laquelle les pays européens restent pour le moment soudés. Aucun Etat membre n’a pour le moment tenté de négocier unilatéralement avec Donald Trump, car ce type de réponse ne fonctionne qu’à 27.

Du côté de la France, François Bayrou a affirmé dans Le Parisien que « la politique de Trump » pouvait coûter plus de 0,5 point de PIB. Si on en croit les propos du Premier ministre, la croissance en 2025 pourrait donc être presque nulle. Est-ce que ces estimations vous semblent plausibles ?

En France, deux types de secteurs vont être touchés. On parle beaucoup des secteurs du luxe et des spiritueux, mais les conséquences de la hausse des prix sur ces produits devraient être moindres. Ce sont des produits de luxe, qui s’imposent au consommateur indépendamment de leur prix, par leur image de marque. Ce sont surtout les industries de la métallurgie, de la chimie, de la pharmacie, de l’aéronautique qui vont être impactées. Ces secteurs ont les chaînes de valeurs les plus éclatées, la production est éparpillée entre plusieurs pays. Le produit final arrivé aux Etats-Unis sera donc d’autant plus taxé. Ces industries pourraient licencier.

Mais la France n’est pas très industrialisée, elle exporte peu aux Etats-Unis, sa balance commerciale est déficitaire. La croissance de la zone euro va être impactée par cette hausse des droits de douane, la France va donc forcément en subir les répercussions, mais moins que d’autres pays européens comme l’Allemagne, où l’industrie automobile et le secteur de la machine-outil pèsent lourd dans les exportations.

Je ne sais pas vraiment d’où vient le chiffre annoncé par le Premier ministre. Les prévisions de croissance pour cette année s’affichent à 0,7 % du PIB, donc un impact de 0,5 point paraît énorme. Le chiffrage de François Bayrou semble surévalué, il faut faire attention à éviter toute récupération politique de la situation, pour justifier que le déficit continue à se creuser par exemple.

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