Auditionnés par le Parlement ce vendredi 11 octobre, les ministres de Bercy ont indiqué que des ajustements de dernière minute seraient proposés au projet de loi de finances 2025 par voie d’amendements. Notamment une économie globale de 5 milliards d’euros, répartis sur la quasi-totalité des ministères.
La Cour des Comptes suggère la suppression de 100 000 postes dans les collectivités : les sénateurs dénoncent une logique de bouc-émissaire
Par Simon Barbarit
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C’est à un régime drastique que la Cour des comptes propose de soumettre les Collectivités territoriales. A quelques jours de l’examen du budget, les Sages de la rue Cambon publient le deuxième volet de leur rapport annuel sur les finances publiques locales. Un document qui évalue à + 5,4 % la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités sur les huit premiers mois de l’année. Une hausse expliquée par des achats de biens et services dopés par l’inflation, par des dépenses sociales liées à l’augmentation de la précarité, et les dépenses de personnels.
Au sujet de ce poste de dépense, la Cour recommande un « retour progressif des effectifs des collectivités », qui emploient environ 2 millions de personnes, « à leur niveau du début des années 2010 », soit une « réduction de 100 000 emplois », ce qui permettrait d’économiser 4,1 milliards d’euros par an dès 2030.
Car la Cour craint que les objectifs de baisse de dépenses de fonctionnement de la loi de programmation pour les finances publiques, fixée à 0,5 point par an hors inflation entre 2024 et 2027, ne soient pas remplis.
« Il faut sortir de ce discours selon lequel les collectivités seraient de mauvais gestionnaires »
Du côté de l’association des maires de France, les élus « déplorent de voir une fois de plus les collectivités être la variable d’ajustement de mesures d’économies alors qu’elles ne sont pas responsables du déficit. C’est une méconnaissance de leur rôle et de la façon dont elles gèrent leurs personnels », s’agace Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF. « Cette préconisation n’est pas compatible avec la ‘juste part ‘que compte faire prendre le Premier ministre aux collectivités dans le redressement des finances publiques », estime la maire (Nouvelle Energie) de Lampertheim. Elle souligne que, ces dernières années, les collectivités ont dû faire face à « la réduction de la Dotation globale de fonctionnement, des annulations de recettes fiscales non-compensées à l’euro près, des transferts de compétences ou la reprise en main de services publics de proximité, notamment par les polices municipales ».
« Dans ma ville d’Arnage dans la Sarthe, le transfert de la délivrance des titres d’identité des préfectures aux mairies, m’a conduit à embaucher deux équivalents temps plein », illustre Thierry Cozic, sénateur socialiste, et vice-président de la commission des finances. Il faut sortir de ce discours selon lequel les collectivités seraient de mauvais gestionnaires. Elles ne peuvent pas être des boucs émissaires de la dette. La Cour des Comptes est dans son rôle. Elle a une vision budgétaire. Mais entre l’aspect purement comptable et l’aspect politique, l’écart est énorme », ajoute-t-il.
Éric Bocquet, sénateur communiste considère également qu’il « s’agit d’un mauvais procès fait aux collectivités qui ont l’obligation d’avoir un budget à l’équilibre et qui ne peuvent emprunter que pour des dépenses d’investissements. Leur part dans la dette n’a pas évolué depuis 30 ans ». En 2023, leurs dépenses ont représenté 17,8 % des dépenses publiques et 9,9 % du PIB, indique la Cour des comptes.
« C’est un procès en incompétence du monde local »
« Sans évoquer l’aspect financier, ce rapport participe à une tendance selon laquelle les fonctionnaires seraient des agents improductifs. C’est un procès en incompétence du monde local. La solution simpliste et démagogique qui consiste à supprimer 100 000 postes, sous-entend que ces postes sont superflus, occultant un autre aspect : la baisse de la couverture des services de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Nous avons plus que jamais besoin de ces agents de la fonction publique du quotidien », appuie Éric Kerrouche, sénateur socialiste co-auteur d’un rapport sur le sujet.
La Cour pousse aussi pour « une application plus large de la durée légale du travail » de 1.607 heures annuelles dans les collectivités, qui permettent parfois à certains agents de travailler moins longtemps en compensation de la pénibilité de leur emploi. » En 2022, la durée annuelle effective travaillée des agents de la fonction publique territoriale était de 1.564 heures en moyenne », indique-t-elle. La résorption des 43 heures d’écart entre la durée légale (1.607 heures) et la durée moyenne de travail (1.564 heures) « permettrait aux collectivités de réduire leurs effectifs de 2,7 %, soit 52.000 agents » pour « une économie annuelle de près de 1,3 milliard d’euros », détaille la juridiction financière. « Ces chiffres datent de 2022 en plein dialogue social sur l’application de la loi de la fonction publique qui met fin aux régimes dérogatoires à la durée légale du temps de travail dans les collectivités locales », tempère Muriel Fabre.
Enfin, en ce qui concerne les recettes, celles de TVA, qui remplacent la taxe d’habitation sur les résidences principales, elles ne seront pas si bonnes qu’espérées constate la Cour des comptes qui l’explique par l’inflation et le recul du marché de l’immobilier, deux phénomènes qui jouent sur les recettes de la fiscalité locale. Pour autant, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont progressé de 6,1 % la même année, là encore sous la poussée de l’inflation mais aussi en raison de la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires.
Si en 2023, les communes et intercommunalités tirent leur épingle du jeu, mais c’est moins le cas des régions, et encore moins des départements, largement plombés par la chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) prélevés sur les transactions immobilières.
« Tout le monde va devoir faire un effort en fonction de ses capacités contributives »
Le rapport préconise donc de « massifier et mutualiser les achats » entre collectivités, potentielle source de 5 milliards d’euros d’économies par an, et de recentrer leurs investissements sur la transition écologique. « Mais les collectivités le font déjà », souligne le sénateur centriste, Bernard Delcros qui rappelle qu’au nom du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, la mutualisation des achats ne peut être obligatoire.
La Cour des comptes liste d’autres mesures d’économies comme la fin de « l’indexation sur l’inflation des valeurs locatives cadastrales des taxes foncières » ou « l’écrêtement d’une partie de la dynamique de TVA », première recette des collectivités. « Que les collectivités participent au redressement des finances publiques, c’est un fait. Mais toutes ne peuvent être concernées. Certains départements ruraux et vastes comme le mien, le Cantal, qui ont peu d’habitants et beaucoup de charges. C’est impossible. L’effort doit concerner les plus grandes collectivités, c’était d’ailleurs le cas avec le contrat de Cahors », plaide Bernard Delcros en référence à ce dispositif abandonné en 2020 qui limitait la hausse des dépenses de fonctionnement de plus grandes collectivités à hauteur de l’inflation.
« Il faut déjà que l’Etat montre l’exemple, qu’il se réforme, qu’il maigrisse, qu’il soit plus efficace et que la qualité des services s’améliore […] Mais je ne fixe pas de ligne rouge car je considère que tout le monde va devoir faire un effort en fonction de ses capacités contributives », ajoute Jean-François Husson le rapporteur général du budget (apparenté LR). « L’idée, c’est de trouver une voix vers un effort collectif. C’est un vrai changement. Les collectivités locales ne sont pas là pour être montrées du doigt afin de distraire l’opinion par rapport aux responsabilités de l’Etat. N’opposons pas les uns aux autres. Faisons ensemble », a-t-il ajouté (voir la vidéo de tête)
Début septembre, avant son départ de Bercy, dans un courrier adressé aux présidents des commissions des finances des deux assemblées du Parlement, ainsi qu’aux rapporteurs généraux du budget, Bruno Le Maire, le ministre démissionnaire des Finances, avait déjà pointé « l’augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités ».
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