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La trajectoire budgétaire 2023-2027, premier crash-test de la rentrée parlementaire

Avant même la présentation du budget 2024, un texte technique mais très politique va occuper brièvement le Parlement fin septembre : la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Après avoir échoué à faire adopter ce texte l’an dernier, le gouvernement va le réinscrire en comptant bien aller au bout cette fois.
Guillaume Jacquot

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La nouvelle année parlementaire va démarrer sur les chapeaux de roues. Le scénario avait déjà circulé dans la presse au mois d’août, c’est désormais officiel. Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 – à l’abandon depuis décembre dernier après une série de vents contraires au Parlement – sera le premier texte à l’agenda. Il fera son retour à l’Assemblée nationale fin septembre. Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire l’a confirmé ce mercredi dans les colonnes du Figaro, au lendemain des Dialogues de Bercy, un espace de discussion qui a réuni le gouvernement et les différents partis en amont des textes budgétaires de l’automne.

Texte technique, non contraignant pour l’exécutif, ce projet de loi de programmation doit détailler la trajectoire des finances publiques pour les années à venir, et les moyens d’y parvenir. En l’occurrence, le gouvernement souhaite accélérer la réduction du déficit public et de l’endettement, conformément à ses engagements présentés à la Commission européenne au printemps. Débattu en octobre 2022, le texte a été rejeté en première lecture par les députés. C’était le premier coup de semonce pour Emmanuel Macron depuis la perte de sa majorité absolue au Palais Bourbon. Quelques jours plus tard, le Sénat à majorité de droite et du centre a fait le choix de soutenir le texte, en adoptant une trajectoire de redressement plus ambitieuse. Le compromis entre députés et sénateurs s’est révélé impossible en décembre.

Rassurer les créanciers et s’assurer le versement des fonds européens

Initialement annoncée pour juillet par la Première ministre au début des « cent jours d’apaisement » post-réforme des retraites, la LPFP ressort finalement de l’ombre, sous un ciel financier qui s’est dangereusement obscurci. La remontée des taux d’intérêt pour les titres de la dette française et la dégradation de la note financière de la France au printemps ont accru la pression sur Bercy. Sans compter que l’adoption de ces engagements budgétaires est une condition pour recevoir les prochaines tranches du plan de relance européen. Autant de raisons qui poussent le gouvernement à dramatiser les enjeux autour de ce projet de loi, en apparence symbolique.

Lors des Dialogues de Bercy le 5 septembre, plusieurs parlementaires imaginaient s’entretenir seulement avec le nouveau ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave. « Il y avait un élément inattendu : la présence de Bruno Le Maire. Il est venu parler de la loi de programmation. On sent qu’il y a une volonté de la faire adopter, que ce soit par le 49.3 ou par un accord majoritaire à l’Assemblée nationale », relate le président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal (PS).

Le gouvernement en appelle à LR pour s’assurer le vote de la loi de programmation

Une loi de programmation débattue en septembre nécessite la convocation du Parlement en session extraordinaire, puisque la session ordinaire ne commencera que le 2 octobre. Ce n’est pas sans arrière-pensées. En provoquant l’examen du texte dès septembre, le gouvernement évite ainsi de liquider dès la rentrée un 49.3, dont l’utilisation est réduite à une fois pour chaque session, sauf pour les textes budgétaires où son emploi peut être sans limite. Or, cette loi de programmation, malgré ce que laisse croire son nom, n’est pas un texte financier. À l’ouverture de la session ordinaire d’octobre, les compteurs seront remis à zéro.

S’il veut conserver la possibilité d’en passer par la procédure du 49.3, le gouvernement aimerait toutefois éviter d’en arriver là. Une telle procédure dès le premier texte, en septembre : le message envoyé serait désastreux. Le président du groupe Union centriste au Sénat, Hervé Marseille, imaginait d’ailleurs les dégâts d’un 49.3 aussi précoce, dans une interview au Figaro le mois dernier : « On sera à 8 sur l’échelle de Richter. Ce sera une rentrée d’emblée dans le dur avant même l’examen du Budget et les élections sénatoriales ! C’est une façon de partir de travers. »

Le gouvernement n’a pas abandonné l’idée de convaincre les députés nécessaires à l’adoption du Sénat, « en particulier chez LR ». Bruno Le Maire souhaite « travailler à un accord avec LR », tout en accusant ces derniers, dans la même interview, de ne pas être suffisamment force de proposition sur les pistes d’économies à réaliser. Preuve que ce projet de loi dit technique prend une tournure éminemment politique, Bercy presse désormais la droite de répondre présente à ce « rendez-vous » du désendettement.

L’appel de Gérard Larcher au gouvernement pour durcir la trajectoire de retour à l’équilibre

Invité ce matin, de BFMTV et RMC, le président du Sénat a affirmé que ce projet de loi ferait office de « test » pour l’exécutif sur le plan budgétaire. Gérard Larcher a notamment rappelé que le texte voté par le Sénat proposait un redressement des comptes plus rapide que la programmation portée par le gouvernement. « M. Le Maire, proposez-nous une trajectoire à 3 % pour 2025 et non pas pour 2027, c’est ce que le Sénat avait proposé il y a un an », a mis au défi le sénateur des Yvelines.

Un an après, l’ampleur des marches à atteindre a sans doute changé, avec l’évolution de la conjoncture économique. Lors des Dialogues de Bercy, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave n’a d’ailleurs pas livré le moindre indice sur l’évolution attendue des recettes fiscales ou les grands indicateurs tels que la croissance. Le gouvernement doit dévoiler sa nouvelle prévision de croissance pour l’an prochain au moment de la présentation du projet de loi de finances, fin septembre.

« Comme on ne connaît pas l’ajustement macro-économique, c’est compliqué de voir l’effort qui va être fait sur la maîtrise des dépenses et l’endettement », souligne Christine Lavarde, la sénatrice LR qui a représenté la commission sénatoriale des finances, mardi soir à Bercy. « Ils nous ont dit que la trajectoire serait plus dure que la loi de programmation des finances initiale, mais qu’en tout cas ils n’iraient pas jusqu’à la trajectoire du Sénat. Ils semblent aller vers chose de plus rigoureux, ils sont aussi contraints de la faire car à l’intérieur de la majorité présidentielle il y a des composantes très attachées à cet aspect », observe-t-elle. Ce tour de chauffe sur la loi de programmation avant les textes budgétaires de l’automne ne s’annonce pas de tout repos pour le gouvernement.

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