Le Sénat fait du détournement d’argent public, en bande organisée, un crime

Les sénateurs ont voté, ce 2 avril, la création d’une infraction criminelle d’escroquerie aux finances publiques commise en bande organisée. Cette mesure permet une plus grande cohérence avec d’autres actes similaires, et permet de sanctionner plus sévèrement les organisations criminelles qui détournent de l’argent public à leur profit.
Guillaume Jacquot

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Une anomalie dans le Code pénal va bientôt disparaître. Comme l’a souligné la ministre des Comptes publics ce 2 avril au Sénat, lorsque la voiture du voisin est dérobée en bande organisée, l’affaire est jugée comme un crime. Mais lorsqu’il s’agit de fraude aux aides publiques en bande organisée, les faits sont seulement de nature délictuelle. « Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre qu’il est plus grave de voler la voiture du voisin que la ressource collective, le bien commun », a estimé Amélie de Montchalin, qui évoque une « grande bizarrerie dans l’échelle des peines ».

Le gouvernement avait annoncé mi-mars son intention de corriger ce point de notre législation. Le Sénat était sur la même longueur d’onde en adoptant ce mercredi soir un amendement soutenu par Nathalie Goulet (Union centriste) et Raphaël Daubet (RDSE), respectivement rapporteure et président de la commission d’enquête sur la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales. Le duo n’a pas attendu les conclusions de ses travaux, il a profité de l’opportunité ouverte par l’examen de la proposition de loi de Thomas Cazenave (Renaissance) consacrée à la lutte contre la fraude aux aides publiques.

Jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle et un million d’euros d’amende

« Il nous est apparu qu’il était important de pouvoir criminaliser la fraude aux aides publiques en bande organisée », a insisté la sénatrice de l’Orne, en présentant l’amendement. L’amendement a de très bonnes chances d’être conservé dans la suite de la navette, et surtout, d’être mis en œuvre rapidement, puisque la procédure accélérée a été activée sur cette proposition de loi.

Conséquence directe de la qualification en crime, et non plus en simple délit, la fraude aux finances publiques commise en bande organisée va être sanctionnée avec davantage de sévérité. La peine de réclusion pourra être portée à 15 ans, et l’amende à un million d’euros. De plus, les enquêteurs de l’Office national antifraude (ONAF) pourront être saisis des enquêtes portant sur ces infractions.

L’amendement va également permettre aux magistrats de porter exceptionnellement la durée totale de garde à vue à 96 heures dans ces affaires d’escroquerie en bande organisée. « Il faut que nous ayons de la cohérence dans les sanctions que nous appliquons à ceux qui fraudent, qu’ils fraudent ou volent leur voisin, ou qu’ils fraudent ou volent l’Etat », a rappelé la ministre.

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