Le chiffre est saisissant. En 2024, près de 800 millions de colis extra-européens de petite valeur (inférieure à 150 euros) sont entrés en France. C’est 4,5 fois de plus par rapport à ce qui était mesuré en 2022. Cette explosion du volume d’importations s’explique par la montée en puissance des plateformes d’e-commerce asiatiques, comme Shein, Temu, ou encore AliExpress.
Face aux difficultés des douanes à suivre la tendance exponentielle du flux de vérifications, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit d’instaurer une taxe par article de 2 euros sur les envois de faible valeur, c’est-à-dire inférieure à 150 euros.
Une très large majorité du Sénat a décidé de rehausser significativement son niveau, à 5 euros. Cette demande était aussi bien portée par le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR), que par des amendements issus de la majorité sénatoriale de droite et du centre, des Indépendants, ou encore des socialistes et des écologistes.
La commission des finances estimait que le rendement initial de la taxe, évalué à 600 millions d’euros, était « insuffisant pour couvrir les besoins supplémentaires en matière de contrôle douanier ». Le produit attendu est par ailleurs inférieur à une simple extrapolation des volumes actuels (800 millions de colis), puisque le gouvernement attend un « effet comportemental » des Français.
« Si on est au-delà, ce n’est plus une redevance pour contrôle », met en garde le gouvernement
« Il faut qu’on aille plus vite, et qu’on frappe plus fort », a encouragé Jean-François Husson. « En annonçant ces moyens supplémentaires, qui seraient mis en œuvre plus rapidement encore, on offre des éléments de réponse à la fois sur le côté distorsion de concurrence et également sur le contrôle d’un trop grand nombre de produits qui sont non conformes aux normes, aux réglementations européennes », a-t-il justifié.
La socialiste Florence Blatrix-Contat a défendu elle aussi, au nom de son groupe, la nécessité d’une « taxe véritablement efficiente », à même de « protéger l’industrie textile face à une concurrence déloyale ».
Le gouvernement s’est montré défavorable à la modification, considérant que le seuil de deux euros correspondait à ce qui est nécessaire pour réaliser des contrôles douaniers supplémentaires. « Si on est au-delà, ce n’est plus une redevance pour contrôle, ça devient un droit de douane et ça peut être contesté comme un droit de douane », a mis en garde la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Celle-ci a rappelé qu’un accord avait été trouvé au niveau du Conseil des ministres des finances de l’Union européenne, pour fixer une taxe de deux euros à l’échelle européenne au 1er novembre 2026. Seuls la France et les pays du Benelux entendent l’appliquer dès le 1er janvier.
L’article amendé au Sénat exige par ailleurs que l’acteur redevable de la taxe soit le même que celui qui devra payer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), une façon de « simplifier et sécuriser la perception de la taxe », selon la commission des finances. Sur ce point, le gouvernement était sur la même longueur d’onde. « C’est bien les plateformes qui vont être rendues redevables, afin qu’elles ne reportent pas sur les destinataires finaux ce qui pourrait s’apparenter à une taxe sur le consommateur ».
Un autre amendement adopté exclut de la nouvelle taxe les envois d’une partie du territoire français à un autre. Il avait été soutenu par le groupe RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen), pour ne pas pénaliser certains territoires ultramarins.