Le Sénat se penche sur les difficultés de l’entreprise Atos : un sujet « brûlant et important »

Le sénat s’apprête à lancer une mission d’information au sujet d’Atos, l’entreprise informatique française en grande difficulté économique, sur fond de rachat et d’enjeu de souveraineté nationale.
Hugo Ruaud

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Ne pas convertir une catastrophe industrielle en une catastrophe pour la souveraineté nationale. Pour éviter un fiasco total, et comprendre les causes de l’état dans lequel se trouve l’entreprise Atos, ancien fleuron français du numérique, le Sénat s’apprête à ouvrir une mission d’information. C’est Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, qui l’a annoncé sur Public Sénat.  « Atos est un acteur de la souveraineté française, notamment en matière de dissuasion nucléaire », explique le sénateur Les Républicains pour justifier cette initiative. « Ce que nous ne souhaitons pas, c’est que ses compétences passent sous main-mise étrangère », poursuit l’élu. Car bien que rien ne soit encore signé, et alors que les discussions semblent patiner depuis plusieurs mois, une partie de l’entreprise pourrait être acquise par le milliardaire Daniel Kretinsky. Selon des informations de presse, une réunion de la « dernière chance » doit avoir lieu aujourd’hui entre la direction du groupe Atos et le milliardaire tchèque. L’enjeu pour Atos, qui compte près de 110 000 salariés dans le monde, est de taille : confronté à un mur de dette, il doit parvenir à un accord pour céder Tech Foundations, l’entité qui regroupe ses activités historiques d’infogérance, et retrouver un peu d’air.

Souveraineté nationale

Ce deal inquiète, depuis plusieurs mois, plusieurs parlementaires français. Dans une tribune au Figaro en juillet 2023, plusieurs députés et sénateurs, dont Cédric Perrin, faisaient déjà part de leur crainte de voir « un fleuron » passer aux mains « de puissances étrangères ». « Depuis 1996, date d’arrêt des essais nucléaires, toutes les informations qui ont été récupérées suite aux essais nucléaires ont été mises dans un gros ordinateur. Aujourd’hui ces supercalculateurs détenus par Atos permettent de simuler des essais nucléaires, et sont donc des outils de l’indépendance française », explique Cédric Perrin. Entre enjeux de souveraineté nationale et économiques, Atos se retrouve prise en tenaille. Car l’entreprise connaît un effondrement sans précédent, à l’instar de sa valorisation boursière, passée de 75 euros début 2021 à un peu moins de 4 euros désormais. La menace d’un échec de ces négociations a poussé vendredi l’agence de notation S & P à dégrader sa note financière. « Nous devions faire une audition commune d’Yves Bernaert la semaine du 7 février », explique Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mais les choses se sont accélérées mi-janvier, lorsqu’Yves Bernaert, PDG d’Atos depuis quelques semaines à peine, a été débarqué de l’entreprise. Les deux commissions ont alors décidé de débuter les auditions à huis clos dès la semaine prochaine. « On s’est dit qu’en attendant qu’ils nomment à nouveau quelqu’un, il fallait que les rapporteurs puissent travailler », poursuit Dominique Estrosi Sassone, qui justifie cette décision par le caractère « particulièrement brûlant et important » de l’avenir d’Atos.

 

Le spectre d’une commission d’enquête

 

C’est donc pour comprendre à la fois les causes du fiasco et les enjeux d’un éventuel saucissonnage de l’entreprise que la commission des affaires économiques et la commission des affaires étrangères et de la défense organisent cette mission d’information, qui débutera la semaine prochaine. « Nous n’excluons pas de transformer cette mission d’information en commission d’enquête si les personnes que nous souhaitons rencontrer n’étaient pas suffisamment compréhensives », précise mercredi matin Cédric Perrin sur Public Sénat, brandissant la menace d’un procédé plus contraignant : La commission d’enquête dispose de pouvoirs de contrôle et d’investigation plus étendus qu’une simple mission d’information. Les rapporteurs de la mission d’information seront désignés « mercredi matin » selon Cédric Perrin. Le président de la commission de la défense a proposé le nom de Thierry Meignen, sénateur LR de Seine-Saint-Denis, pour représenter la commission, tandis que les socialistes n’ont pas encore communiqué. Du côté de la commission des affaires économiques, il s’agira de Sophie Primas (LR) et du communiste Fabien Gay, comme l’a confirmé Dominique Estrosi Sassone.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

Documentaire Capitalisme américain le culte de la richesse de Cédric Tourbe
4min

Économie

Capitalisme américain, le culte de la richesse

John Rockefeller, J.P. Morgan, Bill Gates, Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, autant de noms qui ont forgé l’histoire économique de l’Amérique. Dans son documentaire en trois volets, Cédric Tourbe retrace 150 ans d’histoire du Capitalisme Américain. Une contribution utile pour interroger une doctrine dominante et de moins en moins remise en question.

Le

Budget des armées : le sénateur Cédric Perrin appelle à être suffisamment dissuasifs « dans ce monde de carnassiers »
5min

Économie

Budget : le 49-3, seul outil restant pour sauver l’augmentation des crédits de la Défense prévue pour 2026

Alors que les députés et les sénateurs ne se sont pas mis d’accord en commission mixte paritaire (CMP), l’hypothèse d’un budget adopté avant la fin de l’année s’éloigne. En cas de loi spéciale, l’augmentation substantielle du budget de la Défense prévue dans le budget initial ne pourrait pas être mise en place. Le 49-3 serait ainsi le seul recours possible pour traduire budgétairement la trajectoire d’augmentation des dépenses de défense votée en 2024.

Le

Ministere des finances – Bercy
5min

Économie

Après l’échec de la commission mixte paritaire sur le budget, le retour de la « loi spéciale »

Députés et sénateurs n’ont pas réussi à trouver un compromis sur le projet de loi de finances pour 2026, ce qui, à ce stade, rend impossible l’adoption d’un budget avant la date butoir du 31 décembre. Comme en 2024, l’exécutif devrait avoir recours à « une loi de finances spéciale » pour permettre aux services de l’Etat de continuer à fonctionner malgré la paralysie budgétaire.

Le

PARIS: Bercy, le Ministere de l Economie et des Finance
3min

Économie

Dette publique : la France franchit un nouveau seuil d’endettement avec 117,4 % du PIB

La dette publique française poursuit sa hausse et atteint un niveau inédit hors période de crise majeure. Selon les chiffres publiés par l’Insee ce vendredi 19 décembre, l’endettement s’élève à 3 482 milliards d’euros, soit 117,4 % du PIB. Le déficit devrait encore empirer après l’échec de la commission mixte paritaire sur le budget 2026.

Le