Paris : Meeting of Mr. Gabriel Attal with Mr. Nikol Pachinian

L’exécutif se prépare à durcir à nouveau les règles de l’assurance-chômage

Le Premier ministre veut « rouvrir » le chantier de l’assurance chômage, et plaide pour un système qui « incite à la reprise d'emploi ». Il a notamment évoqué une réduction de la durée d’indemnisation.
Guillaume Jacquot

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Le budget de l’État pourrait ne pas être le seul concerné par la recherche d’économies supplémentaires dans les mois à venir. À l’heure où la croissance ralentit et les recettes fiscales se tassent, les dépenses sociales ne devraient pas non plus être épargnées par l’objectif de réduction du déficit public. Comme il s’y était engagé à l’occasion de son discours de politique générale fin janvier, Gabriel Attal a répété une fois de plus qu’il était favorable à ce qu’on « rouvre le chantier » de l’assurance chômage.

Interrogé sur RTL, en marge du Salon de l’agriculture, le Premier ministre était notamment invité à répondre aux inquiétudes d’un de ses prédécesseurs, Édouard Philippe, lequel regrettait dans les colonnes de l’Opinion que la France « ne réforme pas grand-chose ». D’où cette nouvelle sortie sur l’assurance chômage. Gabriel Attal a également ajouté qu’il y avait « une attente des Français pour avoir un modèle social qui incite à la reprise d’emploi ».

Le gouvernement veut aller vite, d’autant que cette réforme doit servir son projet de plein-emploi d’ici la fin du quinquennat, soit un taux de chômage proche de 5 % (contre 7,5 % actuellement). Selon des statistiques publiées par le ministère du Travail ce mardi, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A (sans activité) est resté stable en janvier (+0,06 %) avec 1 700 inscrits en plus à 3,035 millions. Les derniers résultats trimestriels publiés fin janvier avaient fait état d’une légère hausse de 0,2 % du nombre de chômeurs (catégorie A) au quatrième trimestre 2023 en France.

Menace d’une nouvelle lettre de cadrage en cas de dégradation des comptes de l’Unédic

La situation budgétaire de l’assurance chômage n’est d’ailleurs plus aussi solide qu’en 2023. Le 20 février, l’Unédic a fait état de comptes toujours positifs, « mais avec un solde inférieur aux dernières prévisions du fait notamment d’une conjoncture économique en perte de vitesse ». L’organisme paritaire a surtout pointé la conséquence d’une non-compensation partielle des exonérations de cotisations, un manque à gagner de 12,05 milliards d’euros sur les recettes du régime de 2023 à 2026.

Le gouvernement s’est en effet laissé la possibilité cet automne, au moment du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de réaliser des ponctions supplémentaires sur les excédents de l’assurance chômage. Selon Bercy, il s’agissait de financer notamment les politiques de l’emploi et la réforme de France travail.

En janvier, à la tribune de l’Assemblée nationale, Gabriel Attal a prévenu qu’il serait « extrêmement attentif à l’évolution de la trajectoire financière de l’assurance-chômage ». « Si cette dernière dévie, je n’hésiterai pas, comme la loi le permet, à demander aux partenaires sociaux de remettre l’ouvrage sur le métier, sur la base d’une nouvelle lettre de cadrage autour d’une ambition très claire : inciter toujours plus à la reprise du travail. Sans tabou », avait-il fait savoir. Le gouvernement doit faire le point « dans les prochaines semaines ».

Durée d’indemnisation, dégressivité des allocations : les pistes évoquées par l’exécutif

En attendant, l’exécutif fournit déjà des pistes pour durcir l’assurance chômage. Plusieurs hypothèses sont posées sur la table par le Premier ministre, qui s’est confié au Journal du dimanche la semaine dernière, en marge d’un déplacement en Charente-Maritime. « On est passé de 24 à 18 mois de durée d’indemnisation, on peut encore la réduire. On peut aussi accentuer la dégressivité des allocations, cela fera partie des discussions », a-t-il détaillé.

En plein marathon budgétaire au Parlement, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a aussi eu l’occasion de formuler une idée assez radicale : aligner la durée indemnisation chômage des plus de 55 ans, qui est de 27 mois, sur celle des autres chômeurs, qui est de 18 mois. « Je ne vois aucune raison pour qu’il y ait une durée d’indemnisation plus longue pour ceux qui ont plus de 55 ans par rapport aux autres », avait fait valoir le ministre, devant les sénateurs en novembre.

Quelques semaines plus tard, Emmanuel Macron a exprimé le souhait d’introduire des conditions « plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées ». C’était le 16 janvier, à l’occasion de sa conférence de presse à l’Élysée. À Davos, en Suisse, le lendemain, il avait confirmé vouloir « durcir les règles de l’assurance chômage ».

Un accord trouvé entre les partenaires sociaux en novembre

Le 10 novembre, les organisations patronales et syndicales (CFDT, FO et CFTC) s’étaient entendues sur la prochaine convention de l’Unédic. L’accord prévoit notamment de ramener de six à cinq mois la durée nécessaire pour être indemnisé pour les primo-entrants sur le marché du travail, ou encore de baisser les cotisations patronales. Le gouvernement, qui avait cadré la négociation à travers une lettre directive sur le plan budgétaire, a décidé de ne pas agréer la nouvelle convention en l’état. L’idée est notamment d’attendre que la négociation sur l’emploi des seniors aboutisse au printemps. Sur ce volet, 440 millions d’euros d’économies sont attendus sur la période 2024-2027.

Les récentes annonces de l’exécutif d’un tour de vis supplémentaire inquiètent les partenaires sociaux, dont l’accord répondait pourtant au cadre fixé par l’exécutif. « On est inquiets sur le respect de la parole donnée », a réagi auprès de l’AFP Olivier Guivarch, négociateur de la CFDT. L’exécutif « veut nous mettre dans des conditions telles qu’on ne pourrait pas refaire un accord et donc avoir définitivement un décret de carence », s’est inquiété Michel Beaugas (FO). Un décret de carence signifierait que l’Etat reprend la main dans la définition des règles. Quant au patronat, le numéro un du Medef Patrick Martin, a jugé « prématuré » que le gouvernement envoie dès à présent une nouvelle lettre de cadrage, « pour des raisons de climat social et de respect des partenaires sociaux ».

Deux réformes majeures au compteur depuis 2017

Depuis 2017, deux réformes principales de l’assurance chômage ont déjà durci les droits de ses affiliés. Celle entrée en vigueur en 2019 avait notamment durci les conditions d’accès à l’indemnisation. Elle avait également fixé une allocation dégressive à partir du septième mois d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans touchant les salaires les plus élevés lorsqu’ils étaient employés. La réforme de 2022-2023 a mis en place un principe de contracyclicité, qui prévoit une protection moins avantageuse lorsque le marché de l’emploi se porte bien, et des droits plus protecteurs lorsque, au contraire, la conjoncture économique et le marché du travail se dégradent.

Un décret, publié en décembre, sur la base d’une loi adoptée en 2022, prévoit par ailleurs la suppression des allocations-chômage en cas de deux refus de propositions de CDI par un demandeur d’emploi en fin de contrat à durée déterminé.

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