Les discussions sur l’imposition des plus hauts patrimoines vont bon train, s’attelant à décortiquer la taxe Zucman, une mesure défendue par la gauche et qui consiste en un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros. L’occasion pour la cheffe de file du Rassemblement national d’essayer de replacer au centre du débat une nouvelle forme de taxation portée sur les actifs financiers, présente dans le programme économique du parti depuis la présidentielle de 2022. Un impôt sur la fortune financière (IFF) qui reposerait sur « des arguments absurdes », pour Simon-Pierre Sengayrac, codirecteur de l’Observatoire de l’économie de la Fondation Jean Jaurès.
Ménager l’immobilier des Français
« Taxer l’immobilier mais ne pas taxer la fortune financière » : « Une sottise », pour Marine Le Pen, interrogée ce mardi 16 septembre sur Europe 1/CNEWS. Son parti planche sur son projet d’IFF, qui propose de taxer le patrimoine financier des plus riches, ainsi que les œuvres d’art détenues depuis plus de dix ans. Mais dont seraient exclus les résidences principales, et l’ensemble des actifs immobiliers et mobiliers nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle. Les parts et actions des TPE, PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) bénéficieraient quant à elles d’une exonération de 75 %.
Dans la pratique, le barème de l’impôt de l’IFF resterait identique à celui de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) avant lui, et c’est l’assiette de prélèvement qui serait donc modifiée. L’argument avancé est que l’actuel IFI, venu remplacer l’ISF par Emmanuel Macron en 2018, en sortant les actifs financiers de la taxe, « [déposséderait] les Français du patrimoine immobilier de notre pays ».
Quel impact pour les hauts et très hauts patrimoines ?
Faire participer les ultra-riches, c’est le discours tenu par la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, qui affirme qu’ « avoir une très grosse fortune », n’est pas « un totem d’immunité ». Actuellement, sont concernées par l’IFI les personnes dont le patrimoine immobilier net dépasse 1,3 million d’euros, avec un abattement fiscal de 30 % pour les résidences principales. Ce qui revient à près de « 150 000 foyers », explique Simon-Pierre Sengayrac.
Marine Le Pen laisse planer l’idée qu’une transformation de l’IFI en IFF profiterait aux classes moyennes et populaires, déroulant un discours jugé « populiste » par l’économiste, qui s’adresserait « à la personne qui n’est pas propriétaire de son logement ou qui habite dans un petit lotissement dans une zone périphérique », et qui, donc, « ne paiera jamais l’IFI ». Une « mesure de riches et pour les riches » en somme selon le codirecteur de l’Observatoire de l’économie de la Fondation Jean Jaurès, et « qui vise à stimuler la spéculation immobilière dans les centres-villes ».
Selon une analyse de l’Institut Montaigne, si une partie « des hauts patrimoines », pourrait effectivement « voir leur impôt diminuer voire en être exonérés, la résidence principale correspondant à une part plus importante de leur patrimoine global », la réintroduction du patrimoine financier dans l’assiette taxable pourrait provoquer, en revanche, « une augmentation de l’impôt sur les très hauts patrimoines », « soit les 1 % » les plus élevés.
D’après le Rassemblement national, l’IFF va permettre de dégager trois milliards d’euros, un montant « envisageable » pour Simon-Pierre Sengayrac, qui rappelle que l’ISF avant 2018 générait cinq milliards, et l’IFI actuellement deux milliards. Mais qui pourrait « pénaliser les entreprises », et « désinciter à posséder des patrimoines boursiers », alerte-t-il, évoquant des « risques d’optimisation fiscale », les mêmes avancés par les détracteurs de la taxe Zucman.
« C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire », dans une logique de « bonne fiscalité » d’un point de vue « purement économique », pour que « le capital enrichisse le pays », selon l’économiste, puisque ce sont « les entreprises qui créent de la valeur », et non l’immobilier « qui ne crée rien en soi », résume-t-il. Et d’ajouter que si Marine Le Pen condamne l’existence de niches fiscales, « il y en aura sûrement aussi sur les actifs financiers ». Des inquiétudes partagées par l’Institut Montaigne, qui nuance toutefois en évoquant une limitation des effets négatifs de l’IFF « sur le développement des entreprises » grâce à « l’exclusion des actifs professionnels de l’assiette ».