PARIS : Le livret A : illustration
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Livret A : demain, votre épargne ne financera plus seulement le logement social

Dédié essentiellement au financement du logement social, le livret A pourrait dans le futur financer d’autres secteurs. En l’espace d’un semestre, plusieurs tentatives ont abouti pour rediriger une partie de l’épargne des Français, d’autres sont restées au stade d’idées.
Guillaume Jacquot

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Le gouvernement a finalement choisi de maintenir le taux du livret A à 3 %. Souvent qualifié de placement préféré des Français, au coude-à-coude avec l’assurance-vie, le livret réglementé voit sa rémunération stagner après trois semestres consécutifs de hausse, sur fond de forte inflation. Sur la base de l’évolution des prix à la consommation de ces derniers mois et de la formule de calcul, le taux de ce compte d’épargne aurait théoriquement pu atteindre 4 % mais le gouvernement s’est rangé aux recommandations de la Banque de France, afin d’équilibrer d’un côté l’intérêt des épargnants, et de l’autre le secteur du logement. Le livret A finance en particulier le logement social. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) gère 60 % de son encours, et prête aux organismes sociaux de l’habitat.

Dans un contexte de tension sur le pouvoir d’achat, l’attractivité du livret A ne se dément pas, surtout depuis la multiplication par six de son taux depuis début 2020. À la fin du mois de mai 2023, l’encours total des livret A et de son petit frère, le livret de développement durable et solidaire (LDDS), atteignait 542 milliards d’euros. Sur les cinq premiers mois de l’année, les dépôts ont augmenté de 32,4 milliards d’euros.

Confronté à des difficultés pour élaborer ses futurs budgets, entre d’un côté la nécessité de réduire le déficit public et de l’autre, d’engager des financements massifs dans la transition écologique ou encore dans les secteurs stratégiques, le gouvernement a déjà songé à mobiliser l’épargne du livret A sur de nouvelles missions. On vous récapitule les derniers épisodes.

Une réflexion lancée en début d’année sur le nucléaire

Tout commence en février. Face aux sommes colossales à mobilier pour la relance du nucléaire, le journal Les Échos révèle que le livret A serait en lice pour mobiliser des capitaux. Selon EDF, lourdement endettée, le coût de construction de six EPR s’élèverait au minimum à 50 milliards d’euros. Le livret A aurait tout du support idéal. « Le Livret A est une des rares ressources qui permet de déployer des financements à très long terme, cela correspond assez bien au profil du nucléaire », indique une source au quotidien économique. Même le patron de la Caisse des Dépôts, Éric Lombard, a confié au début de l’année, lors d’une audition devant les députés, qu’il était en réflexion avec EDF et l’État sur la façon de « structurer » le financement du nouveau nucléaire.

Les réflexions n’ont pas été plus loin. Interrogée par le sénateur Daniel Breuiller en juin, lors d’une séance de questions orales, la ministre chargée des PME Olivia Grégoire n’a pas souhaité s’exprimer plus en détails. « Il ne m’appartient malheureusement pas d’évoquer ici des mesures qui, à cette heure, n’ont été ni arbitrées, ni rendues publiques », a-t-elle répondu, tout en affirmant qu’il existait « plus de liquidités disponibles sur le fonds d’épargne que de besoins de prêts à accorder aux bailleurs sociaux ». « La responsabilité du gouvernement est de faire en sorte que cet excès de liquidités soit utile à la collectivité, non seulement en finançant des projets d’intérêt public, mais aussi en servant une rémunération attractive aux épargnants. »

Le livret d’épargne avenir climat

Deuxième acte : le projet de loi sur l’industrie verte. Le livret d’épargne avenir climat est certainement la disposition qui concerne le plus le grand public dans ce texte d’origine gouvernementale. Ce produit, qui doit encore être examiné par l’Assemblée nationale (elle en débattra la semaine prochaine), se distingue du livret A. Destiné aux enfants, ce produit ouvert par les parents sera bloqué jusqu’à l’atteinte de la majorité. Les fonds seront placés sur des titres financiers « contribuant au financement de l’économie productive et de la transition écologique ». L’idée est là aussi de mobiliser l’épargne privée pour faire face aux investissements dans les industries dites vertes. Le gouvernement a promis que les intérêts ne seront pas imposés. Ils ne feront pas non plus l’objet de prélèvement sociaux. Un taux de rémunération supérieur au livret A. Au Sénat, la gauche s’est inquiétée des conséquences que ce futur compte d’épargne pourrait en termes de collecte sur les livrets existants.

Une partie du livret A financera l’industrie de la défense

Plus récemment encore, les sénateurs ont voté fin juin, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation militaire, la création d’un « livret d’épargne souveraineté » pour soutenir les petites industries de la défense, qui peinent à obtenir des prêts bancaires. Comme pour le livret A, ce support aurait été exonéré d’impôts et de prélèvements. La proposition n’a pas été retenue sous cette forme dans le texte définitivement adopté ce 13 juillet.

En effet, selon le compromis sorti de la commission mixte paritaire, c’est une idée de l’Assemblée nationale qui a été intégrée au projet de loi, à savoir réserver une partie du livret A à l’industrie de la défense. Le dispositif ne doit pas empiéter sur la partie financement du logement social, et fera l’objet d’une expérimentation pendant deux ans.

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