Logement social : le Sénat intègre davantage de communes dans l’assouplissement des quotas HLM

Logement social : le Sénat intègre davantage de communes dans l’assouplissement des quotas HLM

La majorité sénatoriale de droite et du centre a revu, en commission, plusieurs modalités du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables. En particulier, celle conditionnant la possibilité pour les communes en retard dans leurs objectifs de logements sociaux d’intégrer du logement intermédiaire dans leur trajectoire de rattrapage. La chambre haute renforce également les pouvoirs des maires en matière d’attributions de HLM.
Guillaume Jacquot

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C’est la principale réponse législative que porte le gouvernement pour tenter de créer les conditions d’un « choc d’offre ». Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables entame son parcours législatif au Parlement. Son objectif est de favoriser la construction accessible, en particulier pour les classes moyennes, d’assouplir certaines procédures, renforcer les moyens d’action des bailleurs sociaux ou encore de renforcer la mobilité au sein des logements sociaux. Un peu plus de 200 amendements étaient en discussion ce 5 juin en commission des affaires économiques au Sénat. La portée de plusieurs dispositifs emblématiques du projet de loi a été élargie.

De façon générale, les deux rapporteures restent sur leur faim face à ce texte au périmètre relativement restreint, dans un contexte d’une grave crise du logement. « On considère que ce projet de loi ne fait pas de mal, mais il ne fait pas beaucoup de bien », estime Sophie Primas (LR). « Nous sommes assez unanimes pour dire que l’impact est assez mesuré. La montagne accouche d’une souris », regrette également Amel Gacquerre (Union centriste).

La commission des affaires économiques élargit la réforme de la loi SRU à davantage de communes

La réforme de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains), inscrite à l’article 1, a illustré les profondes divergences entre la majorité sénatoriale de droite et du centre, et la gauche sur ce texte. Les groupes socialiste, communiste et écologiste, ont affiché leur opposition en déposant tous des amendements de suppression. La droite et le centre ont revu une partie des modalités. « On essaye de donner un peu plus d’ampleur au dispositif, de le rendre plus efficace et accessible à davantage de communes », résume Sophie Primas.

Article phare du projet de loi, l’article 1er doit permettre aux communes qui n’ont pas atteint leurs quotas de logements sociaux, d’intégrer des logements intermédiaires pour rattraper une partie de leur retard. Concrètement, le gouvernement veut autoriser les communes, qui ont déjà atteint 10 ou 15 % de logements sociaux (selon que leur objectif soit fixé à respectivement 20 % ou 25 %), et qui ont conclu un contrat de mixité sociale avec l’État, de pouvoir combler une partie de leurs manques avec du logement intermédiaire, dans la limite du quart de leur objectif total.

Les sénateurs ont supprimé la condition d’avoir conclu au préalable un contrat de mixité sociale, puisque ce cas de figure ne concerne que 160 communes. Pour rappel, sur les 2 157 communes qui entrent dans le champ d’application de la loi SRU, 1 159 n’ont pas atteint leur cible prévue par la loi, selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Les parlementaires ont aussi revu la part minimum de logements sociaux requise pour pouvoir intégrer le dispositif. Ainsi, une commune retardataire ayant un objectif de 25 % de logements sociaux, pourra intégrer des logements intermédiaires dès 12,5 % de logements sociaux (et non plus 15 %), soit la moitié de son objectif. « Il n’y a pas de raison de traiter différemment les communes à 25 % que celles à 20 % », justifie Sophie Primas.

La rapporteure précise par ailleurs avoir entendu une alerte des bailleurs et sociaux et d’associations, sur le risque d’éviction de logements HLM (logements PLUS, financés par le Prêt Locatif à Usage Social). Un amendement est venu limiter le volume des logements financés en PLUS et des logements intermédiaires à 30 %, au lieu de 40 % dans le texte gouvernemental.

Retraits de certaines sanctions de la loi SRU

Dans le prolongement d’amendements déjà défendus au moment de la loi 3DS, les sénateurs ont également fait évoluer les modalités des contrats de mixité sociale. Ils ont supprimé, à l’initiative de leur rapporteure, le taux minimal de rattrapage de 25 %. Pour les communes déclarées en état de carence, ils ont supprimé certaines sanctions, comme la reprise par le préfet des droits des maires en matière d’urbanisme. Ils ont également supprimé la commission nationale SRU, qui avait « droit de vie ou de mort » sur les négociations locales entre les préfets et les maires, selon Sophie Primas.

Attribution des logements HLM : les prérogatives des maires étendues

Les deux rapporteures ont également renforcé le pouvoir des maires dans l’attribution des logements sociaux, en reprenant les dispositions de la proposition de loi de Sophie Primas, adoptée par le Sénat en octobre. Le projet de loi prévoyait d’étendre leurs prérogatives (classement des candidatures et droit de veto) uniquement dans le cas des nouveaux logements. Insuffisant pour la majorité sénatoriale, qui souligne que les primo-attributions ne concernent que 20 % des décisions chaque année. Le texte sorti de la commission établit donc un droit d’opposition motivé du maire pour l’ensemble des attributions. « L’objectif, c’est de mettre le maire au cœur de sa politique de peuplement », motive la sénatrice Amel Gacquerre. La droite sénatoriale et ses alliés centristes ont ainsi pris au mot le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, qui entendait « rendre du pouvoir aux maires ». Les trois groupes de gauche sénatoriaux se sont opposés frontalement à cet article 2.

Création de la catégorie de « résidence à vocation d’emploi »

Au sein du chapitre facilitant l’accès au logement, un amendement est venu prolonger les dispositions du projet de loi. L’une des nouveautés du texte est de permettre un bail mobilité (location de courte durée dans le cadre d’une formation ou d’une mobilité professionnelle) dans le parc social, en location meublée, pour une durée d’un à dix mois.

En commission, les sénateurs ont inséré un nouvel article créant un nouveau type de logement pour les salariés en mobilité professionnelle ou en contrat court, inspiré des préconisations d’Action Logement : la résidence à vocation d’emploi (RVE). L’occupation se ferait dans le cadre du logement intermédiaire et serait comprise entre une semaine et dix-huit mois, de quoi éviter la concurrence avec l’offre hôtelière selon Amel Gacquerre.

Assouplissement de l’article révisant le régime des compléments de loyer

Le projet de loi est aussi marqué la révision du mécanisme du complément de loyer, la somme demandée aux ménages dont les revenus dépassent les plafonds. Le gouvernement veut un déclenchement du dispositif dès que le plafond est franchi, alors que ce supplément est aujourd’hui demandé seulement en cas d’un dépassement de plus de 20 %.

Soucieux d’éviter « des effets de seuil malheureux », les sénateurs ont décidé de sortir les primes de partage de la valeur (prime Macron) du calcul des ressources du foyer, et éviter ainsi le déclenchement d’un surplus de ployer. « Le gouvernement ne peut pas reprendre d’une main ce qu’il incite les entreprises à donner de l’autre », motivent les rapporteures.

Ils ont également décidé d’appliquer le supplément de loyer uniquement aux logements HLM (catégorie PLUS, ceux financés par le Prêt Locatif à Usage Social) et non plus à la strate PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration), destinée aux personnes en plus grande précarité. Les rapporteures évoquent « la modestie des ressources de ces locataires » et le fait que les surloyers ne concernent pas les bénéficiaires des APL.

Les sénateurs ont également supprimé l’introduction de sanctions nouvelles à l’encontre des bailleurs sociaux, lorsque ces derniers ne mettent en œuvre leurs obligations de réexamen de la situation des locataires.

La mise en œuvre concrète d’une autre mesure symbolique du texte est aussi revue. Dans le projet de loi, les bailleurs sociaux ne devront plus seulement prendre en compte les revenus, mais aussi le patrimoine immobilier, grâce à un croisement avec les données du fisc. Ce serait le cas d’une maison familiale par exemple. Ainsi, toute personne détenant un bien équivalent dans lequel il pourrait se loger n’aura plus droit au bénéfice de son logement social. Face aux craintes des bailleurs sur la complexité de la mesure, les sénateurs demandent que l’administration fiscale transmette son évaluation du potentiel locatif. Les modalités en seront précisées par décret en Conseil d’Etat.

Selon le projet de loi, les bailleurs sociaux pourront aussi mettre fin au bail de locataires, propriétaires d’un logement qui correspond à leurs besoins ou dont le revenu pourrait leur permettre de se loger dans le privé. Les sénateurs ont tenu compte des craintes des bailleurs sociaux dans la mise en œuvre de cette nouvelle obligation. Selon leur modification, ce sera à l’administration fiscale de transmettre son évolution du potentiel locatif du bien en question. Les modalités devront en outre être précisées dans un décret pris en Conseil d’État.

Le texte amendé sera débattu en séance publique à partir du 18 juin.

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