Industrie verte : les principales modifications apportées en commission au Sénat

Le texte du gouvernement, qui vise à réindustrialiser la France et implanter des activités nécessaires à la décarbonation de l’économie, arrive au Sénat. S’ils souscrivent aux objectifs, les sénateurs doutent cependant de l’impact de ses mesures. En commission, les parlementaires ont cherché à desserrer les contraintes sur le zéro artificialisation nette et ont redonné du poids aux instances locales.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Une vingtaine d’articles pour la « reconquête industrielle ». Le projet de loi relatif à l’industrie verte, destiné à favoriser une réindustrialisation décarbonée de la France, arrive en séance au Sénat à partir du 20 juin, pour trois jours de débats. Il vise notamment à faciliter les installations de sites industriels clés pour la transition énergétique en réduisant les durées nécessaires aux procédures d’autorisation. Le gouvernement espère passer d’un délai de 17 mois en moyenne aujourd’hui à 9, et remonter la part de l’industrie dans le PIB de 10 à 15 %, en faisant de la France l’un des pays leaders dans les technologies vertes.

Moyennant quelques corrections, le texte a reçu l’assentiment de la majorité sénatoriale de droite et du centre lors de son examen dans les quatre commissions saisies cette semaine. La commission des affaires économiques, la principale à la manœuvre, souscrit à la vocation du texte, mais n’en reste pas moins dubitative sur ses effets concrets. Le texte « est très en deçà des objectifs affichés », fait savoir la commission des affaires économiques, dans un communiqué. Les auditions menées par le rapporteur Laurent Somon (LR) dessinent, selon elle, un « soutien mou à un texte consensuel, mais qui n’apporte aucune réelle innovation et qui, seul, ne permettra pas d’accélérer significativement la réindustrialisation ».

Les sénateurs ont souhaité remettre les élus locaux dans la boucle

L’article 9 constitue depuis le début le point chaud du projet de loi au Sénat. L’autorisation d’urbanisme des projets industriels d’intérêt national majeur reviendrait à l’État, et le préfet serait « l’interface unique » pour l’ensemble des procédures. Dans ce cadre exceptionnel, l’État engage directement la mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme.

Autant de pouvoirs qui viennent mordre sur le pré-carré des élus locaux. Dans la chambre des collectivités locales, cela revient à allumer un voyant rouge. Le texte sorti de la commission prévoit désormais un avis conforme des collectivités locales dans cette procédure. Soucieux d’envoyer des signes de bonne volonté aux sénateurs, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était dit favorable à ce type de modification, dès son audition fin mai. La commission sénatoriale a également prévu l’instauration d’un dialogue entre l’État et les collectivités locales, avant la procédure de modification des documents d’urbanisme.

L’industrie, exemptée de la contrainte du zéro artificialisation nette dans le texte sénatorial

Autre élément fondamental pour implanter des usines : le foncier. Or, ce dernier se raréfie. Notamment avec les objectifs de ralentissement de la progression des espaces occupés par l’homme. La commission des affaires économiques refuse que les sites de l’industrie verte ou les usines essentielles pour la souveraineté soient comptées au titre de l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN), dans les collectivités qui les accueillent. Bruno Le Maire est sur la même ligne, mais l’arbitrage au niveau gouvernemental pourrait être différent. Dans son rapport, le sénateur Laurent Somon estime que, pour remonter la part de l’industrie de deux points dans le PIB, 8500 hectares d’artificialisation nouvelle seraient nécessaires, en plus d’une densification dans 3500 hectares existants et de 8000 hectares de friches réutilisées. Selon le rapport sénatorial, l’industrie disposerait d’à « peine 7 % de l’enveloppe d’artificialisation disponible, au niveau national, pour la décennie 2021-2031 ». « Soumettre les implantations industrielles aux mêmes objectifs de réduction de l’artificialisation est une absurdité », écrivent-ils. Les débats promettent d’être passionnés sur ce sujet.

À l’initiative de leur rapporteur, les sénateurs ont précisé les missions des établissements publics fonciers locaux. Ces derniers participeront au développement industriel des territoires notamment en acquérant et réhabilitant des friches.

Dans l’optique de soutenir les industries vertueuses et engagées dans la transition écologique, le projet de loi prévoit dans un autre chapitre des dispositions pour accroître les critères environnementaux dans la commande publique. Il prévoit la possibilité de mutualiser un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) entre plusieurs acheteurs publics. Les sénateurs ont souhaité étendre cette possibilité aux acheteurs publics volontaires dont le montant total annuel d’achats est inférieur au seuil réglementaire rendant obligatoire la réalisation d’un SPASER. De cette façon, les plus petites collectivités pourront bénéficier des démarches de « verdissement » des plus grosses collectivités.

Des sanctions plus fortes contre les entreprises qui ne publient pas de bilan de gaz à effet de serre

En commission, les sénateurs ont également cherché à sanctionner plus sévèrement le non-respect de l’obligation d’établir un bilan de gaz à effet de serre. Cette option était préférable, selon eux, à l’exclusion des marchés publics. Globalement, la commission de l’aménagement du territoire doute également que le projet de loi produise les effets escomptés. Dans un communiqué, elle juge le texte « décevant », parlant de « dispositions principalement techniques et parfois cosmétiques ».

Sur le plan des investissements, le projet de loi ambitionne de mobiliser une partie de l’épargne des Français, en proposant un plan d’épargne avenir climat (PEAC). Ce nouveau livret, serait ouvert au nom d’un enfant, dès sa naissance et aucun déblocage ne serait possible avant sa majorité (sauf invalidité ou décès). Pour récompenser cet investissement dans les industries vertes, le gouvernement veut un placement plus rémunérateur que le livret A et exonérer les plus-values d’impôts et de prélèvements sociaux. La commission des finances a toutefois revu quelques modalités, en supprimant notamment l’abondement de l’Etat prévu dans le texte initial.

Mais les dispositifs annoncés par Bruno Le Maire à la mi-mai ne figurent pas tous dans ce texte. C’est notamment le cas du crédit d’impôt « industrie verte », qui vise à attirer les investissements pour la production de batteries électriques, de pompes à chaleur, d’éoliennes ou de panneaux solaires. La commission des affaires économiques « déplore » que les mesures financières soient renvoyées dans le projet de loi de finances de fin d’année, « empêchant un débat d’ensemble sur la politique de soutien à l’industrie menée par le gouvernement ».

Dans la même thématique

Industrie verte : les principales modifications apportées en commission au Sénat
7min

Économie

Budget 2025 : le gouvernement veut faciliter le rachat de logements intermédiaires par leurs locataires

Une disposition, qui devait initialement figurer dans le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, sera inscrite dans le prochain projet de loi de finances, a annoncé ce 15 mai au Sénat le ministre du Logement. Guillaume Kasbarian veut réduire la période au terme de laquelle des locataires peuvent acheter leur logement intermédiaire. Il réfléchit à des dispositions pour faciliter les emprunts bancaires des jeunes.

Le

Industrie verte : les principales modifications apportées en commission au Sénat
4min

Économie

Accord sur les fins de carrière à la SNCF : « Je ne comprends pas les accusations d’opacité », réagit le PDG Jean-Pierre Farandou

Devant le Sénat, le patron de la SNCF a défendu le contenu de l’accord relatif aux fins de carrière, signé le 22 avril. Selon lui, c’est un accord « raisonnable, équilibré et utile ». En réponse à Bruno Le Maire, qui regrette de ne pas avoir été averti, Jean-Pierre Farandou a rétorqué que les négociations ont démarré sur demande des pouvoirs publics et que Bercy siégeait au conseil d’administration.

Le