Vidéo. Loi spéciale : « Pas de budget, pas de mesures nouvelles », martèle Laurent Saint-Martin
Après la censure du gouvernement Barnier, le projet de loi spéciale sera examiné en urgence par le Parlement pour doter la France d’un budget en 2025. Avant l’examen du texte au Sénat dans une semaine, la commission des finances auditionne Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur son contenu.
Le projet de loi spéciale a été présenté en conseil des ministres ce 11 décembre. Il sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du lundi 16 décembre, puis au Sénat en milieu de semaine prochaine. En amont des débats, les ministres démissionnaires de l’Economie Antoine Armand et du Budget Laurent Saint-Martin sont donc entendus par les députés, puis par les sénateurs de la commission des finances.
Ce projet de loi spéciale très court – il comprend seulement trois articles – vise à maintenir l’autorisation de prélever les impôts et les taxes, à permettre à l’Etat et à la Sécurité sociale de recourir à l’emprunt, et à engager certaines dépenses. Le périmètre d’action du gouvernement démissionnaire reste toutefois extrêmement limité, puisque la loi spéciale reconduit tous ces dispositifs à leur niveau de 2024.
Que contient précisément ce texte ? Quel regard portent les ministres démissionnaires sur la situation, après la censure du gouvernement Barnier ? La réponse ce mercredi 11 décembre, à partir de 15 h 30, en direct sur le canal 13 de la TNT, sur notre site internet et sur nos réseaux sociaux.
« Ce n’est pas pour rien que beaucoup d’agriculteurs expriment une colère claire sur l’absence de budget », souligne Laurent Saint-Martin
« Pas de budget, pas de mesure nouvelle », répond une nouvelle fois laconiquement le ministre du Budget et des Comptes publics à une question du sénateur Les Républicains Stéphane Sautarel, concernant les dispositions promises aux agriculteurs dans le budget 2025. Le texte, dont l’examen n’a donc pas été au bout après le vote d’une motion de censure, prévoyait notamment l’entrée en vigueur d’un nouveau mode de calcul pour les retraites des agriculteurs, ou encore le maintien d’un avantage fiscal sur le gazole non routier, carburant utilisé dans les engins agricoles.
« Il faut rappeler que ces mesures sont le fruit de discussions initiées en début d’année 2024 », rappelle Laurent Saint-Martin, en référence aux promesses faites aux agriculteurs à la suite de leur forte mobilisation en début d’année. « Ce n’est pas pour rien que le président de la FNSEA et beaucoup d’agriculteurs expriment une colère claire sur l’absence de budget », remarque le ministre démissionnaire du Budget.
En attendant l’ouverture de nouvelles discussions sur un budget 2025, probablement en début d’année prochaine après la nomination d’un nouveau gouvernement, les agriculteurs sont donc plongés dans l’incertitude. Une situation que dénonce Laurent Saint-Martin : « Cela crée un flou sur les secteurs concernés. L’incertitude, c’est l’ennemi numéro 1 pour la consommation, pour l’investissement, pour le développement économique, pour l’emploi… Voilà où on en est, c’est un vrai problème ! »
« Pas de budget, pas de mesures nouvelles », martèle Laurent Saint-Martin
Nouvelle réponse ferme du ministre sur l’opportunité ou non d’utiliser la loi spéciale comme réceptacle de modifications fiscales. « Une loi spéciale est prévue pour ce qu’elle doit être. Ouvrir des amendements, et pire encore, les adopter, pour modifier la fiscalité serait un procédé problématique. C’est pour ça que le Conseil d’Etat a été très clair dans son avis. Ça ne doit pas être un acte politique », a rappelé le ministre du Budget.
« Chaque fois qu’on met des coups dans les institutions en se disant, maisaprès tout le politique peut quand même outrepasser outre l’avis du Conseil d’Etat si personne ne saisit le Conseil constitutionnel, ça va quand on parle de l’impôt sur le revenu, ça va moins quand on parle d’autre chose. »
Il en est de même avec les mesures fiscales favorables aux agriculteurs, qui étaient contenues dans le projet de loi de finances pour 2025, et qui sont désormais dans les limbes. « Pas budget, pas de mesure nouvelle », répète Laurent Saint-Martin. « Tout ça n’aura pas lieu, sauf s’il y a un nouveau texte. Cela crée un flou sur les secteurs concernés, c’est un vrai problème. »
Laurent Saint-Martin met en garde sur le paiement des fonctionnaires, si un budget 2025 tarde à être adopté
Interrogé sur la durée de vie de cette loi spéciale, le ministre a indiqué qu’elle s’appliquerait jusqu’à l’adoption d’un projet de loi de finances en bonne et due forme. Celle-ci n’a pas vocation à s’étendre sur l’ensemble de l’année. « Il n’y a pas dans les crédits 2024 de quoi financer ne serait-ce que la paye des fonctionnaires pour l’ensemble de l’année 2025, pour la simple raison des avancements automatiques », a-t-il averti.
Impôts sur le revenu : Laurent Saint-Martin estime qu’il faudrait adopter un budget « au premier trimestre 2025 », afin que les ménages ne soient pas pénalisés
Malgré l’absence à ce stade de revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, les Français ne verront pas leur prélèvement augmenter au 1er janvier, étant donné que la déclaration se fait au printemps, et que la mise à jour des sommes à verser se fait par l’administration fiscale à l’automne. Mais jusqu’à quand une loi de finances pour 2025 serait-elle encore dans les temps pour permettre d’intégrer une indexation des tranches sur l’inflation ? « On peut se dire, sans fixer de calendrier extrêmement précis, que si un projet de loi de finances était adopté au premier trimestre 2025, cela laisserait, vu le calendrier de déclaration d’imposition qui se fait au printemps, la possibilité à avoir les mêmes conséquences que si le PLF avait adopté en fin d’année », a répondu Laurent Saint-Martin
« Il faut qu’on mesure la gravité de la situation actuelle », alerte Jean-François Husson
En ouverture de l’audition des deux ministres, le rapporteur général de la commission des finances pointe la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la France, après la censure du gouvernement Barnier qui empêche la poursuite de l’examen des textes budgétaires. « Il faut qu’on mesure la gravité de la situation actuelle, de grande instabilité politique et d’incertitude, qui fragilise notre économie », martèle le sénateur Les Républicains. « 2024 est une année extraordinaire, nous aurons eu, si tout va bien, quatre Premiers ministres en un an, ça donne un peu le tournis », ajoute-t-il.
Le rapporteur interpelle notamment Laurent Saint-Martin et Antoine Armand sur la question du barème de l’impôt sur le revenu. La loi spéciale ne peut en effet pas contenir de nouvelles dispositions fiscales, notamment l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. « Quelles conséquences auront le report de l’indexation pour les contribuables et les comptes publics ? », interroge Jean-François Husson.
Il est impossible d’introduire de nouvelles dispositions fiscales, insiste Laurent Saint-Martin
Le ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin insiste sur le caractère « urgent et impératif » que revêt l’adoption de ce projet de loi spéciale. Ce texte ne remplacera pas un véritable projet de loi de finances. « Ce texte n’a qu’un seul objectif, qui délimite strictement son contenu : celui d’assurer, à titre exceptionnel et transitoire, la continuité de la vie de la nation. En d’autres termes, la loi spéciale vise à éviter que la France ne puisse connaitre un shutdown, une interruption, faut de pouvoir les financer, de l’ensemble de nos services publics », a-t-il souligné.
Laurent Saint-Martin a répété que ce projet de loi ne pouvait « pas modifier le code des impôts ». « Elle ne permet donc pas de reconduire pour l’année suivante les dispositions fiscales qui arrivent à échéance à la fin de l’année 2024. Elle ne permet pas non plus de modifier le barème de l’impôt sur le revenu pour l’indexer sur l’inflation », a-t-il prévenu, s’appuyant sur l’avis rendu par le Conseil d’Etat.
Concernant les dépenses, qui seront prises par décret « sous le régime restrictif des services votés », soit le niveau minimal jugé indispensable, le ministre a ajouté que la loi spéciale n’autoriserait pas de dépenses nouvelles. « Cela signifie qu’en l’absence de loi de finances, le gouvernement ne pourra pas augmenter les budgets par exemple des Armées, de la Justice et de l’Intérieur », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Sauf nécessité pour la continuité de la vie nationale ou motif d’urgence caractérisée, le gouvernement ne pourra pas non plus procéder à de nouveaux investissements ou à des dépenses discrétionnaires de soutien aux associations, aux entreprises ou aux collectivités. »
Le ministre de l’Economie et des finances alerte sur « la gravité de la situation »
Ce texte « n’est pas un budget : ni un PLF, ni un PLFSS », rappelle Antoine Armand, ministre démissionnaire de l’Économie. « Chaque jour qui passe dans une forme d’incertitude (…) est préjudiciable à l’ensemble de notre tissu économique, social et financier. »
Le Premier ministre a listé ses compromis budgétaires, dans une lettre adressée aux présidents des groupes socialistes. Plusieurs renoncements à des mesures d’économies proposées par son prédécesseur Michel Barnier, visaient à s’assurer que ces derniers ne votent pas la censure.
Plusieurs sénateurs de gauche ont fait des rappels au règlement ce 15 janvier, pour dénoncer la reprise des travaux parlementaires sur le projet de loi de finances, tel qu'il a été laissé en suspens en décembre.
Auditionné au Sénat, François Villeroy de Galhau a partagé son analyse sur la situation économique de la France, en pleine crise politique et budgétaire. Le gouverneur de la Banque de France a alerté sur l’urgence d’adopter un budget pour 2025, « réduire l’incertitude est aujourd’hui devenu une condition de la confiance et donc de la croissance ».
Les sénateurs vont reprendre ce mercredi les débats sur le projet de loi de finances, là où ils avaient été interrompus en décembre au moment de la censure. Toutes les missions budgétaires, qui n’ont pas pu être examinées jusqu’ici, sont inscrites à l’ordre du jour jusqu’au 23 janvier.