Lutte contre la fraude, prix du tabac, prévention : ce que contient le budget de la Sécu

Lutte contre la fraude, prix du tabac, prévention : ce que contient le budget de la Sécu

Le gouvernement a présenté ce matin la première mouture des textes budgétaires. Le budget de la Sécu présente un déficit qui se réduit d’années en années, alors que le gouvernement a fait passer plusieurs mesures ponctuelles dans ce PLFSS, comme le déremboursement de certaines téléconsultations, l’indexation des prix du tabac sur l’inflation, des mesures de prévention et une 4ème année d’internat en désert médical pour les médecins généralistes.
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Par Louis Mollier-Sabet avec l'AFP

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Le marathon est lancé. Le conseil des ministres de ce lundi matin où les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale ont été présentés, marque le coup d’envoi d’un automne chargé pour les parlementaires des commissions des Finances et des Affaires sociales de l’Assemblée et du Sénat, ainsi que pour leurs équipes. C’est avec le fameux « PLFSS » (Projet de loi de financement de la sécurité sociale), le budget de la Sécu, qu’ils vont débuter, et c’est un gros morceau, puisque les dépenses de la Sécurité sociale représentent – selon les années – près de 25 % du PIB, soit plus que le budget de l’Etat. Les enjeux économiques, sociaux et financiers sont donc colossaux, et au niveau de la trajectoire financière, les nouvelles semblent relativement bonnes. Avec la reprise post-covid, l’inflation, et les hausses salariales, la Sécurité sociale a bénéficié de hausses de recettes presque mécaniques, qui réduisent significativement le déficit prévisionnel du budget de la Sécu. De 39 milliards il y a deux ans, et 17,8 milliards l’année dernière, le PLFSS présenté ce lundi matin prévoit 6,8 milliards de déficit pour 2023, principalement dus au déficit de la branche vieillesse, qui atteindra 13,6 milliards en 2026, sans que des mesures sur les retraites ne soient comprises dans le projet de loi pour le moment. Le gouvernement a laissé ouverte l’hypothèse de déposer un amendement en séance pour introduire des mesures paramétriques d’âge ou de durée de cotisation.

« Une action résolue pour freiner la dépense publique »

La baisse du déficit est aussi le fruit de la diminution de la pression de la « facture Covid » qui passe de 11 milliards l’année dernière – avec les remboursements de tests notamment – à 1 milliard cette année. Une provision qui « risque d’être insuffisante », alerte tout de même le Haut Conseil des Finances Publiques. L’organisme indépendant chargé de contrôler la trajectoire des finances publiques a rendu ce lundi un avis sur les textes budgétaires présentés par le gouvernement, qui valide globalement les prévisions macroéconomiques sur lesquelles se base l’exécutif pour construire les budgets de la Sécu et de l’Etat. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil en tant que Premier Président de la Cour des comptes, n’émet qu’un seul bémol sur des prévisions de croissance « un peu élevées » du gouvernement, qui table sur 1 % de croissance pour 2023.

En ce qui concerne les dépenses de santé, le budget de la Sécurité sociale sera un budget de « protection », a assuré Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Une « protection » qui concernerait à la fois les ménages et les dépenses publiques, d’après le « en même temps » qu’ont développé tous les membres du gouvernement qui se sont succédé au pupitre après le conseil des ministres. L’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, censé fixer le cap des dépenses sociales, a été relevé de 3,7 % (hors dépenses liées à la crise covid), un « effort très important », mais que le gouvernement se dit « prêt à faire pour la santé des Français », a expliqué le ministre de la Santé et de la prévention, François Braun. Toutefois, l’Ondam devrait être limité dans les années suivantes à une progression de 2,7 % puis 2,6 %, une « action résolue pour freiner la dépense », alors que l’exécutif prévoit dans le même budget une inflation à 5,3 %.

Lutte contre la fraude et déremboursement de certaines téléconsultations

En termes de recettes, le gouvernement entend augmenter de 10 % les fraudes détectées (1,5 milliard d’euros cette année) et augmenter l’objectif de recouvrement de 300 millions d’euros en 2019 à 500 millions d’euros. Pour ce faire, le gouvernement entend donner des pouvoirs de police judiciaire à certains « agents de contrôle », notamment dotés de pouvoir de cyber-enquête qui devront coordonner l’action des services de police et de gendarmerie spécialisés, ou encore augmenter les sanctions financières à l’encontre des soignants pris en faute. Mesure qui a fait un peu plus de bruit, le gouvernement entend aussi supprimer le remboursement des arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation par un autre médecin que le médecin traitant, ou un médecin vu au cours des 12 derniers mois, en dehors de certains cas particuliers.

Indexation des prix du tabac sur l’inflation

Élisabeth Borne l’avait annoncé ce matin sur RMC-BFMTV, le prix du paquet de cigarettes sera « indexé sur l’inflation », pour éviter une baisse des prix réels du tabac, qui ne sont pas actuellement pas complètement indexés sur la hausse des autres prix des biens de consommation. Avec une inflation au-dessus de 5 %, cela correspondrait à 50 centimes en 2023 et 35 centimes en 2024, a précisé Bercy à l’AFP, soit un paquet qui approcherait les 11 euros en moyenne. Le gouvernement insiste sur la lutte contre le tabagisme, mais l’enjeu est aussi financier, avec une fiscalité sur le tabac qui rapporte entre 13 et 14 milliards par an, pour un coût de 20 à 26 milliards d’euros pour l’Assurance maladie. Les gains liés à la nouvelle augmentation n’ont pour le moment pas été chiffrés dans le PLFSS.

« Passer à la vitesse supérieure en matière de prévention »

François Braun a aussi insisté sur la nécessité de « passer à la vitesse supérieure en matière de prévention. » C’est le serpent de mer des politiques sanitaires depuis des années, mais le gouvernement compte bien s’y atteler. Le texte prévoit ainsi de rendre possible le dépistage de certaines infections sexuellement transmissibles (dont chlamydia et gonocoques) sans ordonnance pour tous et gratuitement pour les moins de 26 ans, sur le modèle du dépistage du VIH actuellement.

De même, en ce qui concerne la vaccination, les pharmaciens et infirmiers seront dotés d’une capacité de prescription vaccinale. Les sages-femmes pourront vacciner davantage de population, leur champ étant jusqu’à maintenant limité aux femmes, enfants et à l’entourage des femmes enceintes. François Braun a aussi mis en avant les bilans de santé aux « âges clés de la vie », qui seront remboursés à 100 % et seront proposés au patient dans une démarche « d’aller vers. »

Une 4ème année d’internat en désert médical pour les médecins généralistes

Le ministre de la Santé a aussi rappelé l’objectif du gouvernement de « reconquérir du temps soignant », tout en « prenant soin de nos professionnels », a-t-il précisé. Dans le viseur de François Braun, une quatrième année d’internat qui sera ajoutée dans la scolarité des médecins généralistes « pour améliorer leur formation » par des « stages en pratique ambulatoire et en particulier dans les zones où la démographie médicale est sous dense. » Le ministère de la Santé a lancé une consultation, en mettant en avant la création d’un guichet unique pour faciliter le recours aux aides des médecins, mais l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), a déjà dénoncé une « injustice. » Dans un communiqué, l’Isni « s’oppose formellement » à cette mesure « coercitive », dont elle n’attend « aucune solution aux problèmes d’accès aux soins. » Sa présidente, Olivia Faigneau, annonce qu’elle « lancera une grande mobilisation à partir du mois d’octobre, allant jusqu’à la grève de tous les internes. »

Recrutements dans les Ehpad et réévaluation des aides versées par la branche famille

Sur le volet médico-social, quelque 3 000 infirmiers et aides-soignants viendront renforcer les effectifs des Ehpad, première étape d’un plan qui vise à 50 000 recrutements supplémentaires d’ici 2027. S’y ajouteront 4 000 places additionnelles dans les services d’aide à domicile. Enfin, l’aide financière versée aux familles qui font garder leur enfant par une assistante maternelle va être réévaluée, alors que les familles monoparentales percevront désormais l’aide financière à la garde d’enfant jusqu’à l’entrée au collège et non plus jusqu’au début du CP.

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