Lutte contre la fraude sociale : le gouvernement reprend à son compte une mesure votée au Sénat en 2021
Le ministre des Comptes publics a annoncé un amendement au budget de la Sécurité sociale pour interdire les versements d’allocations sociales sur des comptes basés en dehors de l’Union européenne. La mesure, poussée par la centriste Nathalie Goulet, avait été votée dès 2021 au Sénat, sans prospérer au-delà.

Lutte contre la fraude sociale : le gouvernement reprend à son compte une mesure votée au Sénat en 2021

Le ministre des Comptes publics a annoncé un amendement au budget de la Sécurité sociale pour interdire les versements d’allocations sociales sur des comptes basés en dehors de l’Union européenne. La mesure, poussée par la centriste Nathalie Goulet, avait été votée dès 2021 au Sénat, sans prospérer au-delà.
Guillaume Jacquot

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Comme un air de déjà-vu. Lors du démarrage des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ce 20 octobre, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a présenté une disposition pour lutter contre la fraude aux prestations sociales. L’amendement du gouvernement prévoit de verser uniquement sur des comptes bancaires domiciliés en France ou dans la SEPA (Union européenne, Islande, Norvège et micro-États) les allocations et prestations qui ne sont pas soumises à une condition de résidence en France. Les pensions de retraite ne sont pas concernées. « La question de la fraude aux prestations sociales qui sont versées à des personnes qui ne résident pas sur notre territoire alimente régulièrement un certain nombre d’études, d’articles et scandalise à juste titre nos concitoyens », a ainsi expliqué Gabriel Attal, parlant d’une « mesure très importante ».

Cette solution qui viserait à éviter les usurpations d’identité et le détournement de versements n’est pas inconnue au Sénat. Elle a été votée l’an dernier, dans la proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, déposée par Nathalie Goulet (Union centriste). La sénatrice de l’Orne l’avait également soutenu en 2020, dans le cadre du PLFSS, sans succès cette fois. Dans les deux cas, le gouvernement s’y était opposé. En novembre 2021, la secrétaire d’État Olivia Grégoire considérait que seule une obligation de versement sur un compte français permettait le contrôle l’identité des titulaires des comptes bancaires.

« Le coucou qui fait son nid dans le nid des autres »

Ce jeudi, la sénatrice Nathalie Goulet salue l’évolution de l’exécutif sur la question. « Je suis assez contente aujourd’hui que le gouvernement reprenne cette mesure, qu’on avait identifiée. » Dans un rapport coécrit avec la députée LREM Carole Grandjean (entrée depuis au gouvernement) en octobre sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales, la sénatrice avait évoqué ce point. Tracfin, la cellule de renseignement financier de la France, relevait des difficultés.

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La sénatrice se montre toutefois un brin agacée par la récupération de l’amendement, sans un mot pour ses travaux. « C’est le coucou qui fait son nid dans le nid des autres », a tweeté en soutien la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche (LR). « Il n’est pas question de voler dans les plumes du coucou, mais il aurait pu dire que le Sénat avait voté pour cette mesure. Quand le ministre sera au Sénat, on lui rappellera », réagit Nathalie Goulet. « On est sur des sujets sur lesquels il y a une inflexion du Sénat. Sur ces questions de fraude, le Sénat était en pointe. »

L’écriture du gouvernement ne la satisfait toutefois pas. Gabriel Attal a annoncé que sa proposition pourrait s’appliquer à compter de 2024. Pour Nathalie Goulet, il n’y a plus de temps à perdre. « Il faut le mettre en place dès l’année prochaine ». La sénatrice demande également des garanties pour les prestations retraites, non couvertes par l’amendement. « J’aimerais que les consulats puissent pouvoir vérifier la preuve de vie des bénéficiaires. »

 

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