L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) est un dispositif qui voit le jour en 2011. Pour ouvrir le marché de l’électricité à la concurrence, il prévoit qu’EDF vende une partie de l’énergie produite aux fournisseurs alternatifs d’électricité. L’Arenh permet aux consommateurs de bénéficier de prix modérés et stables, même s’ils vont chez un fournisseur alternatif à EDF. L’année dernière, EDF a ainsi vendu 25% de sa production nucléaire totale. La commission de régulation de l’énergie (CRE) émet une recommandation sur le prix de vente, que le gouvernement peut décider de suivre ou non. C’est aussi le CRE qui calcule les droits Arenh pour chaque fournisseur, en se basant sur la taille de son portefeuille de clients. Pour l’année 2022, chaque fournisseur alternatif s’est ainsi vu attribuer 62,37% du volume demandé. Mais l’Arenh, depuis son lancement, manque de flexibilité et est source de fraudes pour les fournisseurs alternatifs.
« Un mode de calcul à revoir »
Les sénateurs notent que « ses paramètres sont restés inchangés depuis 2011 », et provoquent un décalage avec la réalité du marché de l’électricité. Par exemple, le plafond de l’Arenh est de 100 térawattheures (TWh) mais en 2022, il a été dépassé de 60 TWh. Ils relèvent aussi un prix de vente particulièrement bas, inchangé depuis 2011, qui ne reflète pas l’évolution des coûts des centrales nucléaires. Mais ce que dénoncent surtout Dominique Estrosi Sassone (LR) et Fabien Gay (PCF), ce sont les « abus d’Arenh ».
Pour le calcul des droits, il est étudié le portefeuille de clients entre avril et octobre de l’année n-1. Certains fournisseurs alternatifs « gonflent leurs portefeuilles » sur cette période, avant « d’inciter les clients à partir », explique Fabien Gay. Avec ce mécanisme, ils se retrouvent avec une « surévaluation de droits ». Les fournisseurs vendent ce surplus en augmentant leurs prix, impactant le consommateur et déréglant le marché. En 2022, la CRE a « procédé à 11 relances et 4 enquêtes », sur des fournisseurs ne représentant cependant que « 0,5% du marché de détail de l’électricité ». Pour 2023, la CRE a déjà « effectué 14 corrections et 3 saisines du CoRDiS », le Comité de Règlement des Différends et Sanctions. Alors que l’Arenh expire fin 2025, les rapporteurs effectuent vingt-cinq recommandations pour « mieux prévenir et réprimer les possibles fraudes ». Fabien Gay veut notamment abandonner ce calcul par saisonnalité.
Un dispositif mis-à-mal par la guerre en Ukraine
A la suite de la guerre en Ukraine, la crainte de coupures d’électricité a plané sur la France pendant l’hiver. Mais avant les risques de coupures, il y a la hausse des prix. Pour diminuer son impact, le gouvernement « a procédé à un relèvement exceptionnel du plafond de l’Arenh ». Normalement fixé à 100 TWh, une livraison additionnelle de 19,5 TWh a été réalisée dans l’année. Les rapporteurs soulignent l’impact positif de la livraison, qui a « contribué à contenir la hausse du prix de l’électricité pour les consommateurs ». La CRE table sur une hausse du prix pour le consommateur qui « n’a pas dépassé 6% ».
Mais si cette opération était bénéfique pour le consommateur, ce n’est pas pareil pour EDF. Les sénateurs alertent sur ce relèvement qui « a eu un impact considérable, de 8,1 milliards d’euros, pour le groupe EDF ». L’exécutif a fixé un prix de vente à 46,2 €/MWh, alors que le groupe français a dû « acheter des volumes au prix de 256, 98 €/MWh ». Sur le marché de gros, les prix pouvaient atteindre jusqu’à 700 €/MWh. Le relèvement a donc bien été efficace, mais le bilan n’est pas parfait. D’autant plus que les sénateurs ont constaté des « comportements opportunistes parmi les fournisseurs alternatifs ». Certains en ont profité pour faire des surprofits, à l’aide de mécanismes irréguliers, explique Fabien Gay.
Les pistes d’améliorations de l’Arenh
Les rapporteurs formulent quatre propositions, déclinées en vingt-cinq mesures. Elles ont été adoptées à l’unanimité par la commission des affaires économiques hier. Les axes principaux sont la révision de la méthodologie de l’Arenh, le renforcement des contrôles et sanctions, la consolidation des obligations des fournisseurs ainsi que l’amélioration de la protection des consommateurs. Les rapporteurs souhaitent notamment « relever à 49,5€/MWh » le prix de vente, mais aussi rehausser le plafond légal à 120 TWh. Ils plaident pour un meilleur contrôle de l’Arenh et réprimer « l’ensemble des comportements opportunistes, dont les arbitrages saisonniers ». Cela passe par un outil répressif plus large à disposition de la CoRDis. Alors qu’est débattu le projet d’un marché européen de l’électricité, les sénateurs demandent à ce que la réforme ne conduise pas « à des transferts de compétences » des autorités de régulation vers l’instance européenne.
Les préconisations concernent aussi directement les fournisseurs et les consommateurs. Il est ainsi préconisé une « information loyale, complète et circonstanciée ». Les rapporteurs ont pu constater que les consommateurs manquaient d’informations et de clarté sur le marché de l’électricité. Ils veulent introduire « une logique de name and shame », pour alerter les consommateurs sur les fournisseurs alternatifs qui ont « fait l’objet de sanctions de la part du CoRDis ». Ils comptent sur le marché européen de l’électricité, pour renforcer « les protections à destination des consommateurs ». Il n’est toutefois pas fait mention de ce que doit devenir l’Arenh après 2025, année prévue pour la fin du dispositif, si ce n’est que la « réflexion a été engagée ».