Alors que les prévisionnistes de Météo France ont fait face à plusieurs évènements météorologiques de grande ampleur ces dernières semaines et restent concentrés sur les crues dans le Pas-de-Calais, les syndicats de l’établissement public ont appelé à une grève d’un jour, lundi 13 novembre. La CFDT, la CGT, Solidaires et Force Ouvrière ont voulu marquer symboliquement la mise en place du nouveau programme « 3P » pour « programme prévision production ».
Concrètement ce programme « 3P » vise à automatiser et centraliser les prévisions diffusées sur le site internet et l’application de Météo France. D’après le communiqué de l’intersyndicale, il est « la conséquence concrète des réductions d’effectifs » et va aboutir à des prévisions moins fiables. Elles pourraient être ainsi « incohérentes avec la Vigilance » dont l’analyse conservera l’intervention humaine et l’expertise des prévisionnistes.
« Mode dégradé » à cause du sous-effectif
Auteur d’un rapport sur Météo France en 2021, le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas alertait sur la baisse drastique de personnels de l’établissement public et la diminution de ses agences dans l’hexagone. Entre 2008 et 2022, le nombre de salariés est passé de près de 3600 à 2500. Les agences ont de leur côté fondu de 115 à 39. Sur la mise en place de l’automatisation des prévisions, il souligne aujourd’hui que le « mouvement est plus modéré qu’au départ ». Lui qui a plaidé pour une stabilisation des effectifs et des moyens alloués à l’agence météorologique voit d’un bon œil ce programme : « Pour que les efforts demandés sur le budget soient crédibles, il faut que l’établissement se modernise ».
L’intersyndicale affirme que 150 postes sont vacants soit 5 % des effectifs et qu’il faut trois ans pour former un nouveau météorologue. Selon eux, Météo France fonctionne donc en « mode dégradé » depuis le mois de septembre dans plusieurs régions françaises. « La dernière fois que j’ai entendu ce terme, c’était pour les urgences à l’hôpital », souffle la sénatrice communiste Marie-Claude Varaillas. La vice-présidente de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait d’ailleurs posé une question sur les effectifs à Virginie Schwartz, présidente-directrice générale de Météo France, lors de son audition, le 5 octobre, au Sénat en vue de sa reconduction à la tête de l’établissement.
« Changement d’époque »
Celle qui dirige l’agence météorologique depuis 2019 avait alors répondu que le contrat d’objectifs et de performance 2022-2026 signé avec l’Etat se basait sur « l’hypothèse que nos effectifs connaissent à tout le moins une stabilité ». Elle notait aussi que la réduction des effectifs avait atteint un niveau critique : « Nous avons atteint la limite inférieure pour accomplir nos missions de manière efficiente. » Virginie Schwartz indiquait aussi vouloir « mettre un terme à la baisse d’effectifs constante depuis 10 ans » et mettait en avant sa demande de 23 nouveaux équivalents temps pleins (EPT) en 2023 et 25 en 2024. Des requêtes acceptées par les ministères de la Transition écologique et du Budget.
« Le gouvernement actuel et M. Béchu (le ministre de la Transition écologique, ndlr) ont pris conscience qu’il fallait arrêter d’utiliser des opérateurs comme Météo France pour faire des économies », se réjouit le sénateur Vincent Capo-Canellas. Malgré une hausse très légère, il souligne que « cela va dans le bon sens ». Je pense que mon rapport a contribué au changement d’une perspective de baisse des effectifs à une stabilisation vers le haut. » Même léger optimisme de sa collègue communiste : « On a fait le choix de dire que puisqu’on a la technique, on réduit le personnel, mais on en revient », considère la sénatrice Marie-Claude Varaillas.
Loin d’être opposés aux nouveaux processus automatisés, Vincent Capo-Canellas rappelle néanmoins qu’il faut trouver un équilibre « entre la chaîne de prévision avec l’investissement dans de nouveaux matériels comme les supercalculateurs et l’intelligence humaine. Une bonne prévision, c’est l’adéquation des deux ». Le sénateur présentera d’ailleurs son rapport en commission des finances sur les crédits alloués à Météo France dans le projet de loi de finances de 2024, mercredi prochain.