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Minerais stratégiques : l’eldorado français

Jérôme Rabier

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Ils sont les explorateurs des temps modernes, des nouveaux chercheurs d’or. En Haute-Vienne, des géologues inspectent actuellement le sous-sol à la recherche de minerais stratégiques. La compagnie des mines arédiennes a obtenu en 2022 un permis de recherche pour prospecter dans 3 zones du sud du département. Thomas Poitrenaud, géologue présent depuis le début de l’aventure résume l’enjeu : « On s’intéresse à tout un tas d’autres métaux qui accompagnent l’or et l’argent, comme le cuivre, le zinc et l’antimoine par exemple ». Les premières recherches ont confirmé le potentiel du site, qui a connu des mines d’or en activité jusqu’en 2001.

La prospection vient de passer début 2025 à la deuxième étape. Avec des sondages en sous-sol. De drôles d’engins qui font penser à des foreuses sont donc actuellement à l’œuvre pour confirmer les premiers résultats observés en surface, et peut-être découvrir des filons prometteurs. Mais « ce n’est pas l’image de la pépite » rappelle Thomas Poitrenaud, « c’est beaucoup de travail pour essayer de trouver quelque chose qui tient la route ». Avec l’espoir pour lui et sa société qu’une mine puisse voir le jour ici dans 10, 15 ou 20 ans.

Un enjeu stratégique

Si une course à ces minerais est lancée, c’est qu’ils sont indispensables à des pans entiers de notre économie. Le moindre objet du quotidien contient désormais des minerais stratégiques, souvent en quantité minime. Mais dans l’industrie de la défense, l’aéronautique, et surtout pour la transition numérique et écologique, ils sont primordiaux. Pascal Allizard, sénateur LR du Calvados, s’inquiète de la situation française en la matière : « On a des taux de dépendance qui sur certains métaux atteignent 90 ou 95 %. Alors qu’ils servent à des objets du quotidien mais aussi à la sécurité nationale. On ne peut pas continuer comme cela » alerte-t-il.

Des ambitions françaises et européennes

L’Europe se réveille tardivement sur ce sujet et a adopté un règlement sur les matières premières critiques en 2024. Avec comme objectif qu’en 2030, l’UE extrait 10 % de ce qu’elle utilise sur son sol, et transforme 40 % de ses besoins dans des usines de traitement de ces matières premières. 47 initiatives dans 13 pays de l’Union ont depuis été sélectionnées. Dont 9 en France. Mais seulement deux pour de l’extraction.

« On n’a pas de pétrole, mais on a du lithium »

Le projet le plus avancé se situe dans l’Allier. Sur un site déjà exploité depuis plus de 150 ans pour son kaolin, une matière première qui sert notamment pour la porcelaine de Limoges. Le géant français Imerys a racheté le site en 2005, et a déposé en 2015 un permis de recherche pour du lithium, dont la présence est connue depuis les années 1960. Et les recherches ont dépassé les attentes. « On est sur un gisement de classe mondiale » se réjouit Christopher Heymann, directeur du site. Emmanuel Macron avait d’ailleurs vanté ce projet en 2022, s’exclamant qu’en France « on n’a pas de pétrole, mais on a du lithium ». En effet, la future mine, qui doit ouvrir en 2029, doit fournir du lithium pour 600 000 à 800 000 batteries de voitures électriques par an, pendant 50 ans.

Sénateur apparenté LR de l’Allier, Bruno Rojouan soutient le projet et se réjouit d’être un territoire pilote. « Imerys va créer près de 1000 emplois directs et indirects, et en limitant autant que possible l’impact environnemental » détaille-t-il, en comparant au lithium actuellement extrait en Amérique du Sud ou en Australie et raffiné très majoritairement en Chine.

Une transition écologique polluante ?

Mais dans la forêt des Colettes, qui jouxte la future mine, les opposants rejettent ce discours optimiste. « Il n’y a pas de mine propre ou responsable » s’exclame Cécile Pouly, membre de l’association locale qui mène la lutte. « Les mines ont notamment un impact sur l’eau » détaille-t-elle, évoquant des risques d’assèchement pour la forêt qui est reconnue pour ses arbres centenaires. Mais c’est surtout le modèle de transition écologique qu’elle et ses camarades de lutte dénoncent. « Si on décide de tout passer à l’électrique, c’est énorme tout ce qu’il va falloir aller chercher dans notre sous-sol » alerte Cécile Pouly. Détaillant dans une liste à la Prévert une partie des minerais indispensables : « Du cuivre et de l’aluminium pour transporter l’électricité. De l’uranium pour en fabriquer. Du nickel, du cobalt, du lithium pour faire les batteries, etc. Tout ça pour qu’on roule en SUV électrique ? ». Elle prône d’abord de s’interroger sur les besoins essentiels, dénonçant ce qu’elle considère comme une fuite en avant.

Les experts considèrent en effet qu’il va falloir d’ici 2050 extraire dans le monde autant de minerais que ce qui a été extrait depuis le début de l’humanité. Mais un discours peu audible, quand l’achat d’une voiture électrique est présenté partout comme un geste écologique.

Côté élus, une large majorité soutient la reprise de l’extraction minière sur le sol hexagonal. Pour Pascal Allizard, « il faut désormais avancer et vite, pour ne plus être dépendant de la Chine qui sait user de l’arme diplomatique, comme on l’a vu récemment dans le conflit commercial avec les États-Unis ». Et qui en cas de tensions géopolitiques pourrait décider de fermer ou limiter ses exportations de minerais stratégiques, mettant en péril l’approvisionnement de filières jugées stratégiques, par exemple dans l’industrie de la Défense.

Sénat en action : « Minerais stratégiques : l’eldorado français », un documentaire de Jérôme Rabier à voir le 7 juin à 18h30 ici et sur le canal 8 de la TNT.

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