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Motion de censure : qui pourrait payer plus d’impôts en 2025 ?

La motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier sera examinée à l’Assemblée ce 4 décembre. Si le Premier ministre tombe, son budget aussi, avec des conséquences concrètes sur le pouvoir d’achat des Français. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, 17,6 millions de ménages pourraient voir leurs impôts augmenter. Explications.
Rose-Amélie Bécel

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En actionnant l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée, Michel Barnier s’expose au risque d’une censure. Les motions du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national seront examinées ce 4 décembre après-midi, en cas de vote par la majorité des députés, le Premier ministre devra remettre la démission de son gouvernement.

Dans ce contexte, l’examen du projet de loi de finances par le Parlement pourrait s’interrompre et le budget 2025 ne pas être voté en temps et en heure. Le gouvernement démissionnaire pourra alors demander aux parlementaires de voter une « loi spéciale ». Celle-ci autorise le gouvernement à reconduire les recettes et les dépenses, dans les mêmes conditions que le dernier budget adopté, pour l’année 2024.

380 000 ménages supplémentaires imposables en 2025

Une disposition qui a l’avantage d’éviter à la France un scénario de shutdown, comme aux Etats-Unis, où l’absence de vote sur le budget paralyse l’ensemble de l’administration. Elle ne serait toutefois pas sans conséquences pour le pouvoir d’achat des Français, qui devraient être nombreux à payer plus d’impôts. Citant les chiffres de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le ministre du Budget et des Comptes publics alertait sur ce risque dès le 30 novembre, dans un entretien accordé au Parisien. « Si on reconduit le budget 2024, on fait rentrer mécaniquement 380 000 foyers français supplémentaires dans l’impôt sur le revenu, parce que le barème n’aura pas suivi l’inflation, et 17 millions de foyers paieront plus également », expliquait Laurent Saint-Martin.

En effet, chaque année, au cours de l’examen du projet de loi de finances, les parlementaires revoient le barème de l’impôt sur le revenu, qui est revalorisé pour tenir compte de l’inflation. Cette année, députés et sénateurs ont adopté la proposition du gouvernement visant à augmenter de 2 % chaque tranche de ce barème pour 2025. Mais, si ce sont les dispositions du budget 2024 et donc le barème de l’an dernier qui sont reconduits, alors les différentes tranches d’imposition ne prendront finalement pas en compte l’inflation. Mécaniquement, il faudra donc un revenu moins élevé que prévu pour être concerné par l’impôt sur le revenu, ou voir son taux d’imposition augmenter. À titre d’exemple, un célibataire sans enfant à charge entrerait dans la première tranche d’imposition à partir de 11 295 euros de revenus net imposables perçus en 2024, contre 11 521 euros si le barème avait été réévalué.

« Ce sont plutôt les classes moyennes qui vont être impactées »

À combien se chiffreront les pertes pour les ménages ? Selon l’OFCE, qui avait étudié cette possibilité dans un rapport dès le 1er octobre, « les ménages proches du niveau de vie médian perdraient entre 50 et 100 euros par an », soit « entre 0,2 % et 0,3 % de leur niveau de vie annuel ». Pour les 15 % de ménages les plus aisés, « ces pertes dépasseraient les 250 euros ». Ramené au niveau de vie annuel, ces ménages « seraient relativement moins affectés que les autres, en raison de la faible progressivité de l’impôt dans les tranches les plus élevées », explique le rapport de l’OFCE.

Pour les plus fortunés, cette mesure pourrait également être compensée par la non-application de l’imposition exceptionnelle sur les hauts revenus, l’une des mesures phares du projet de loi de finances. « Ce sont donc plutôt les classes moyennes qui vont être impactées », concluait Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE, sur le plateau de France 5 ce 29 novembre. « Ce qui est très étonnant, c’est que le Nouveau Front populaire dit que ce budget ne va pas assez loin sur les ultras riches, mais en votant la censure, les plus riches seront encore moins imposés. Pareil pour le Rassemblement national, qui dit qu’il faut sauver le pouvoir d’achat des classes moyennes, ne pas voter le budget va faire peser plus d’impôts sur les classes moyennes », observait l’économiste.

Au micro d’Europe 1 ce 3 décembre, le député RN Jean-Philippe Tanguy assurait de son côté qu’il était possible de déposer un amendement, lors de l’examen de la loi spéciale à l’Assemblée, pour permettre de réajuster le barème des impôts selon l’inflation : « La dernière fois qu’une loi spéciale a été votée, en 1979, il y a bien eu un amendement pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu. Il est donc possible de protéger tous les contribuables des classes moyennes et populaires face à cette augmentation injuste ». Si l’histoire semble donner raison au député, les constitutionnalistes s’accordent aujourd’hui à dire que la loi organique relative aux lois de finances n’autorise plus ce genre de modifications. Une fois un nouveau gouvernement nommé, celui-ci pourra toutefois toujours choisir de revenir sur les dispositions de la loi spéciale, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificatif, pour ajuster le barème.

Censure du gouvernement Barnier : une bonne nouvelle pour les retraités

Les actifs devraient être négativement impactés par le recours à une « loi spéciale » sur le budget, mais la censure du gouvernement Barnier pourrait en revanche bénéficier aux retraités. Dans son projet de budget 2025, l’exécutif prévoyait de reporter de 6 mois la revalorisation des pensions de retraite au niveau de l’inflation, pour n’augmenter les pensions qu’en juillet prochain. Une mesure amoindrie lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au Sénat, où un amendement a été voté pour permettre la revalorisation des petites pensions dès le mois de janvier.

Contrairement au projet de loi de finances, aucune disposition d’urgence n’existe pour permettre l’adoption d’un PLFSS avant la fin de l’année par le gouvernement démissionnaire. En vertu du Code de la Sécurité sociale, toutes les pensions de retraite devraient donc être automatiquement revalorisées sur l’inflation.

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