C’est l’une des mesures phares du texte qui est l’agenda de l’Assemblée nationale ce lundi. La proposition de loi dite « Duplomb » devrait d’ailleurs être rejetée pour être directement négociée en commission mixte paritaire et ainsi contourner les 2 000 amendements déposés par la gauche. Il prévoit donc notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018. Principalement utilisée dans les filières de la betterave sucrière et de la noisette, la molécule est autorisée jusqu’en 2033 dans l’Union européenne et le texte propose de réaligner la réglementation française.
Dans des avis de 2016 et 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) conclut que « ses travaux ne mettent pas en évidence d’effet nocif pour la santé humaine » des six principales substances néonicotinoïdes, dont l’acétamipride. « Les néonicotinoïdes sont des pesticides qui ont été peu étudiés sur leurs effets pour les humains », a tout de même tempéré Sylvie Bertoli, toxicologue à l’Inserm, auprès de l’AFP, alors que l’agence sanitaire européenne (Efsa), a évoqué en 2024 des « incertitudes majeures » concernant les effets neurodéveloppementaux de l’acétamipride. Une étude de 2022 a mis en évidence un rôle causal de l’insecticide dans le développement de cancers chez la souris, mais à l’heure actuelle, aucun résultat semblable n’a été publié chez l’humain au dosage où l’on trouve effectivement l’acétamipride dans l’environnement.
Des « effets sur les pollinisateurs clairement documentés »
En revanche, « leurs effets non intentionnels sur […] les pollinisateurs […] sont maintenant clairement documentés par un corpus grandissant de publications scientifiques », expliquent des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) dans le cadre d’une expertise diligentée par l’Anses pour établir des solutions alternatives aux néonicotinoïdes. Au-delà de la létalité directe de la substance, ce sont bien les répercussions sur l’ensemble de la chaîne alimentaire qui interrogent. Les baisses conjointes de la population d’insectes et d’oiseaux, aussi impactés par les néonicotinoïdes s’auto-alimentent et peuvent mettre en péril la biodiversité.
Du côté de la FNSEA et de l’auteur de la proposition de loi, le sénateur LR Laurent Duplomb (voir notre portrait), on dénonce une « surtransposition » française, puisque l’insecticide n’est pas interdit dans la réglementation européenne jusqu’en 2033. Des produits traités à l’acétamipride peuvent donc être importés en France très facilement alors même que la molécule est interdite dans l’hexagone. En février dernier, le Sénat avait d’ailleurs voté le principe « pas d’interdiction de pesticides sans solution » dans la loi d’orientation agricole (voir notre article).
À ce titre, l’étude de l’Anses sur les alternatives aux néonicotinoïdes est partagée. « Les résultats de cette enquête approfondie montrent qu’une solution de rechange efficace à l’utilisation des néonicotinoïdes est disponible dans 96 % des cas. Malheureusement, l’alternative la plus courante aux néonicotinoïdes (89 % des cas) est l’utilisation d’un autre insecticide chimique (surtout des pyréthrinoïdes). Toutefois, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique peut d’ores et déjà remplacer les néonicotinoïdes », explique l’Inrae dans un communiqué. Le problème, poursuit l’Anses, réside dans l’absence d’une autre « famille » pouvant remplacer l’ensemble des néonicotinoïdes et que les solutions doivent donc être multiples pour remplacer un seul type de produit à l’usage facile.