Économie
Saisis par les députés RN et LFI, les Sages ont retoqué dix articles, pour des raisons de procédure. Ils valident l’essentiel du budget, ce qui ouvre la voie à sa promulgation.
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C’est un rendez-vous habituel des débuts d’années à la commission des finances du Sénat, qui se tient cette fois-ci dans un contexte très particulier. Ce 15 janvier, les sénateurs recevaient François Villeroy de Galhau, l’occasion pour le gouverneur de la Banque de France de livrer son analyse sur la situation économique et financière du pays.
En ouverture de son audition, le haut fonctionnaire a d’abord tenu à faire une annonce : la Banque de France propose au ministre de l’Economie et des Finances d’abaisser le taux du Livret A, pour le porter de 3 % à 2,4 % d’ici le 1er février. Depuis 2020, le taux de ce Livret – placement le plus utilisé par les Français avec 57 millions d’épargnants – a été multiplié par six, pour faire face à l’explosion de l’inflation.
« Nous avons quasiment gagné la bataille contre l’inflation. En 2024, celle-ci a diminué plus que prévu encore, même si nos concitoyens restent sensibles à la hausse passée du niveau des prix », constate François Villeroy de Galhau. Selon les chiffres de l’Insee publiés ce 15 janvier, l’inflation a en effet très fortement ralenti cette année, pour s’établir à 2 %.
Une bonne nouvelle, juge le gouverneur de la Banque de France, qui envisage en conséquence un abaissement des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE). Principal outil de la politique monétaire de l’Union européenne, ce taux directeur correspond au taux d’intérêt fixé par la BCE, auquel les banques centrales accordent des prêts aux banques commerciales. Aujourd’hui, le taux de « facilité de dépôt », principal taux directeur de la BCE, est fixé à 3 %. « Si le recul de l’inflation se confirme au cours des prochains trimestres, le bon sens à mes yeux est que nous allions vers un taux de 2 % d’ici l’été prochain », explique François Villeroy de Galhau.
Avec ce nouvel assouplissement, la politique monétaire européenne tournerait la page de sa phase restrictive, où elle freinait volontairement la croissance au nom de la lutte contre l’inflation. En s’établissant à 2 %, les taux directeurs de la BCE atteindraient ainsi un niveau « neutre », un seuil auquel ils ne pèsent plus sur la croissance.
Par ailleurs, si le gouverneur de la Banque de France reconnaît un ralentissement de la croissance française, il se veut toutefois optimiste : « Nous ne voyons pas aujourd’hui de récession et une reprise attendue devrait intervenir en 2026-2027, avec une croissance autour de 1,3 %, sous réserve d’une diminution progressive des incertitudes cette année. » Des incertitudes qui ont tout de même fait passer les prévisions de croissance de la Banque de France pour 2025 de 1,2 % à 0,9 %. Interrogé par les sénateurs sur le coût de cette incertitude politique et budgétaire sur l’économie française, François Villeroy de Galhau n’a pas donné de chiffre précis. « Le coût de l’incertitude est difficile à chiffrer », a-t-il indiqué, « mais il représente à coup sûr plusieurs dixièmes de points de PIB. »
Un constat qui a amené le gouverneur de la Banque de France à tirer la sonnette d’alarme auprès des sénateurs. « La France a besoin d’un budget ! », a-t-il martelé, alors que l’examen du projet de loi de finances reprendra au Sénat dans l’après-midi du 15 janvier. « Réduire l’incertitude budgétaire et fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages, c’est aujourd’hui devenu une condition de la confiance et donc de la croissance », a alerté François Villeroy de Galhau, appelant les parlementaires à trouver « un compromis équilibré » plutôt qu’une « zizanie prolongée ».
Une situation d’autant plus « dangereuse », souligne le gouverneur de la Banque de France, que le taux d’intérêt auquel emprunte la France s’accroît à vue d’œil, pour atteindre aujourd’hui plus de 3 %, s’éloignant petit à petit du taux auquel empruntent nos voisins européens, notamment l’Allemagne.
Sur le contenu de ce budget, le gouverneur de la Banque de France s’est peu prononcé, l’institution ayant un devoir de neutralité politique. François Villeroy de Galhau a toutefois répété, comme il l’avait déjà fait en septembre dernier, qu’il « fallait lever le tabou de certaines hausses d’impôts ciblées », « qui ne pèsent pas sur les PME et les entrepreneurs, ni sur les classes moyennes et populaires ».
Toutefois, le gouverneur insiste : pour réduire le déficit du pays, cette hausse exceptionnelle d’impôts doit aller de pair avec une réduction de la dépense publique. « Notre pays a vaincu la maladie aiguë de l’inflation, mais il reste sa maladie chronique des finances publiques », estime le gouverneur de la Banque de France, qui appelle à faire reposer cet effort de réduction du déficit « essentiellement sur des dépenses mieux maîtrisées et plus efficaces de l’Etat, mais aussi de la Sécurité sociale et des collectivités locales ».
Une tendance que le gouvernement semble suivre : sur le plateau de TF1 ce 15 janvier, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a annoncé un « effort historique » de baisse des dépenses publiques pour 2025, à hauteur de « plus de 30 milliards d’euros ».
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